Entretien avec le réalisateur, Nadir Bouhmouch Propos recueillis par Mohamed Nait Youssef Après son film «Timnadin N Rif», sorti en 2017, le jeune réalisateur marocain Nadir Bouhmouch revient au devant de la scène artistique et cinématographique avec un nouveau documentaire intitulé «Amussu» (Mouvement) qui a été présenté , mercredi 4 mars, au 21e festival national du cinéma dans le cadre de la compétition du documentaire. Ce travail de 1h 39m, sorti en 2019, braque les projecteurs sur la population Imider, dans le Sud-est marocain, qui lutte pour l'eau mais aussi pour une vie digne et paisible. A traves sa caméra, le jeune réalisateur ne montre pas uniquement la cruauté du vécu de la population mais aussi la beauté des visages et paysages d'une région de l'arrière-pays. Dans votre documentaire «Amussu» (mouvement), il y a une poésie, un chant de révolte des femmes et des voix assoiffées à une vie et un avenir meilleurs. Nadir Bouhmouch : Dans ce documentaire, la poésie amazighe était très intéressante pour moi. En effet, j'ai passé beaucoup de temps dans les recherches, à creuser dans les textes poétiques amazighs parce que j'étais dans la quête d'un langage cinématographique issu de cette terre et histoire où nous vivons. La poésie amazighe est l'une des sources inépuisables de l'inspiration. A vrai dire, l'histoire orale du Maroc était notre cinéma dans les années passées. Pour moi, au lieu d'exporter d'autres cinémas ou idées d'ailleurs, il faudrait, en revanche, chercher ce qui existe déjà chez nous pour construire notre cinéma, avec notre propre touche et vision du monde. Effectivement, la poésie et le chant ont accompagné le film de bout en bout et du début jusqu'à la fin. En revanche, vous avez choisi une poésie avec un souffle révolté et revendicatif. Pourquoi ce choix? C'est vrai, la poésie avant d'être folklorisée était un art à part entière. Pour moi, cette poésie exprime des sujets politiques, économiques avant de devenir un simple folklore chanté dans des manifestations et soirées «culturelles». Par ailleurs, la poésie est le narrateur du film, «Amussu». Certes, la réalité filmée dans le documentaire était dure, mais vous avez essayé de poétiser à travers l'image le vécu de la population d'Imider. Est-il un choix esthétique de votre part? C'est un choix esthétique, mais aussi «politique». Quand un film parle des mouvements de protestation, on filme souvent cet aspect très brut. Mais il faut en contrepartie porter un regard poétique sur la vie, sur l'amour de la vie et sur le beau aussi. C'est pour cela, dans le film, on voit aussi la beauté de la vie, des champs, de l'humain et de la nature… Une autre chose importante aussi pour moi, c'est de comprendre les revendications et les droits défendus par la population par l'intermédiaire de l'image, de la poésie. Dans cette optique, le message passe d'une manière très fine et fluide. Vous avez dit lors de la présentation que ce documentaire est un produit collectif et coopératif. Un documentaire qui a été également réalisé sans scénario, mais qui a été travaillé collectivement avec la population d'Imider. Parlez- nous de cette expérience cinématographique unique. C'est vrai que c'est un peu dur de réaliser un tel travail, mais possible ! Il ne faut pas seulement sous-estimer nos gens parce que ils sont intelligents et ils quelque chose à dire, à nous dire. Nous sommes capables de faire de belles choses avec nos propres moyens ! Et d'ajouter, le développement vient du bat vers le haut. Et la démocratie quant à elle doit être participative pour le bien de tout le monde.