La promotion de la condition de la femme au Maroc demeure un chantier ouvert. Certes, des acquis ont été réalisés, mais des défis devraient encore être relevés pour que la société avance sereinement d'un seul pas vers une véritable égalité, souligne Aïcha Lablack, présidente du Groupement parlementaire du progrès et du socialisme (GPPS) à la chambre des représentants du parlement. Les propos. Al Bayane: Que vous rappelle cette date symbolique du 8 mars? Aïcha Lablack: C'est une journée symbolique qui braque les projecteurs sur la situation et la condition de la femme, d'une façon générale, dans le monde entier, à savoir l'évaluation de ses acquis, ses attentes et le chemin à parcourir encore ainsi que les défis qu'il va falloir relever afin d'aboutir à une égalité et équité. Quel constat dressez-vous dans ce sens au niveau national? Au niveau national, la femme marocaine a pu réaliser des acquis dans pratiquement tous les domaines, mais nous sommes encore loin du principe de l'égalité et de l'équité, fondamentaux pourtant clairement soulignés dans la constitution de 2011. Certes, des avancées considérables ont été obtenues grâce au combat des militantes et des militants dans les partis politiques démocratiques, les composantes de la société civile, les organisations de défense des droits de la femme et les mouvements promouvant la condition de la femme. Ce combat a été favorisé par la volonté politique du pouvoir dans le pays. Une volonté qui s'est déclinée par plusieurs mesures sur le terrain afin de promouvoir la condition de la femme, à savoir notamment les formules de quota, le code de famille, des vents d'ouverture, des réformes et autres. Mais certaines mesures, qui ont été «révolutionnaire» à l'époque, devraient être réactualisées aujourd'hui pour assurer plus d'efficacité et accompagner le développement de la société. Vous faites allusion au code de la famille? Pas uniquement au code de la famille. Certes, le code de la famille (Moudawana) a remis les pendules à l'heure au début de ce millénaire, mais je pense aujourd'hui que cet arsenal juridique, régissant la famille et ses liens, est largement dépassé. Quatorze ans après sa mise en place, ce code semble aujourd'hui être dépassé. Les lois devaient évoluer pour être en harmonie avec l'évolution de la société dans tous les domaines. Alors que ce chantier demeure toujours non ouvert jusqu'à aujourd'hui. Ce qui laisse entendre qu'il n'y a pas de volonté pour faire aboutir jusqu'au bout ce chantier. Et le code pénal? Le projet de réforme du code pénal demeure devant la commission compétente au parlement depuis l'année 2016. Et il faut souligner que toutes les dispositions apportées par le gouvernement ne vont pas dans le sens d'une véritable promotion des libertés individuelles ou collectives. Le gouvernement cherche à mettre en place des mécanismes, mais sans pour autant aller jusqu'à cerner la problématique des violences faites aux femmes. On eu du mal à mettre en place des lois de lutte contre la violence faite aux femmes, mais il n'y a pas de mesures d'accompagnement. Le cas de Leila, par exemple, est soulevé au niveau du code pénal et interpelle. Même en ce qui concerne la question de l'avortement, les propositions du gouvernement ne vont pas même au plafond de la commission scientifique. De même, depuis 2011 qu'on parle de l'autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination (APALD), alors que jusqu'à présent, cette instance n'a pas encore vu le jour. C'est dire la cadence avec laquelle les choses avancent dans ce cadre. En termes de représentativité de la femme? La représentativité de la femme au niveau économique nous interpelle tous, gouvernement, parlement, partis politiques et autres institutions ainsi que les différentes composantes de la société civile. Les taux d'activité enregistrés au Maroc dans ce sens sont les plus faibles dans la région MENA. Plus encore, le taux qui était autour de 32% a régressé ces dernières années. Ce qui est alarmant. Cette problématique d'intégration économique a évidement des conséquences sur le social. Ce qui renforce la formule de la pauvreté au féminin. D'ailleurs dans la traduction des lois de finances sur le terrain, la question du genre brille par son absence. Le nouveau modèle de développement apportera-t-il les solutions adéquates à vos attentes? Dans ce registre, je souligne que le parti du progrès et du socialisme (PPS) a été le premier à avoir clairement soulevé la question de l'égalité et de parité dans sa proposition. Cela nous a été confirmé par la commission lors de son audience accordée aux représentants de notre parti qui a tenu, lors de la rencontre, à le formuler symboliquement par la présence de deux femmes et deux hommes. Et au-delà de la question symbolique, nous avons plaidé en faveur de la mise en place des programmes de nature à assurer une véritable égalité et parité. Un chantier qui devrait être concrétisé par des femmes et des hommes, c'est-à-dire par toute la société. Dans ce sens, il faut préparer les conditions de mise en œuvre de ce chantier à l'échelle de l'éducation, de la formation, de la santé et des droits pour les femmes. La société ne pourrait pas avancer afin de mettre un terme à toutes les disparités territoriales et les inégalités de tous genres, alors qu'une partie est handicapée. Au niveau politique à proprement parler, qu'en pensez-vous des formules du quota ? Servent-elles vraiment la question de la femme compétente? Je pense que jusqu'à présent, il n'y a pas d'autres formules à mettre en place pour promouvoir la représentativité de la femme aux seins des instances élues d'une façon générale. D'ailleurs, ce sont ces formules qui ont permis à la femme d'accéder à ces institutions à l'échelle nationale et au niveau régional. Pour la question de la compétence, la responsabilité dans ce sens incombe aux partis politiques. Il faut dire que ce n'est pas le mécanisme qui est remis en cause, mais la mise en œuvre de ce mécanisme, voire son instrumentalisation, qui est condamnable. Quoi qu'il en soit, depuis la mise en place de cette formule du quota, il y a des indicateurs positifs. La femme est présente et productive au niveau des commissions et à l'échelle de toute l'institution législative. Ce sont des mesures non démocratiques pour pallier des déficits et baliser la voie à une véritable démocratie.