Dans le jargon sportif, on a désormais l'habitude d'emprunter le lexique de la langue ibérique «remontada» pour signifier qu'un club ayant perdu lourdement chez son homologue, parvient à remonter son retard au retour et à remporter la partie. Cette métaphore conviendrait peut-être à l'état actuel de la destination d'Agadir qui s'ingénie à payer rubis sur l'ongle, une si longue dégénérescence, depuis quasiment 2007. Il est bien évident que les aléas externes, notamment la crise mondiale économique et monétaire de 2008 ainsi que les coups du terrorisme avaient affaibli la relance du tourisme dans la première station balnéaire du royaume. Il n'en demeure pas moins vrai que l'étiolement du secteur était dû, en grande partie, à la déchéance chronique, en matière de gestion et de conduite. Aujourd'hui, on paie cher les pots cassés d'une gouvernance approximative dont les retombées fâcheuses accablent les diverses ramifications du domaine, plus spécialement l'investissement rentable, la capacité litière, la desserte aérienne, l'aménagement de la ville, l'animation créative, les services corrects…Sans avoir aucunement l'intention de «flageller» les différents intervenants de la chose touristique régionale, il s'avère objectif d'endosser, en revanche, une bonne part de la décadence du secteur, tous aspects réunis, à la démission de l'Etat, à travers ses institutions de tutelle. On ne saurait larguer une destination prometteuse, en cours de chemin, après avoir décidé d'en faire un larron national du tourisme, avec tout ce que ce choix stratégique, vu le potentiel naturel du site, suppose de soutien continuel, en investissements publics et accompagnement permanent, en termes de promotion, de marketing, de rénovation… En fait, depuis le cataclysme de 1960 qui avait cruellement frappé Agadir, Feu Hassan II, relayant la dynamique de son auguste père de refonder la ville et de doter son aura du standing touristique escompté, avait ancré les plus premiers jalons de cette orientation pionnière. L'efficience de la politique volontariste prônée en direction de la capitale du Souss ne tardait pas à faire fleurir les bourgeons du secteur, par le truchement des unités hôtelières en front de mer. Des promoteurs de haut calibre répondaient à cet ardent appel royal et enfantaient de petites merveilles qui drainaient des flux de touristes de tous bords, en particulier des scandinaves, des germaniques, des britanniques…À l'époque, il n'y avait pas encore cette bêtise du tourisme de «tout compris» destinés aux Tours Operators ou encore de « filles de joie » à l'adresse des coureurs de jupons du golf. En 1998, germait déjà l'idée géniale de mobilisation de tous les composantes du secteur, sous le nom du Groupement Régional d'intérêt Touristique (GRIT). Quelques années plus tard, elle se concrétisait, en 2002, avec un certain Abdeltif Ghissassi, ancien ministre des finances puis de l'agriculture. Ensuite, en 2004, sous la conduction du professionnel Saïd Scally, naquit le Conseil Régional du Tourisme (CRT), nouvelle appellation mais avec le même esprit de synergie et surtout avec de nouveaux statuts dont le texte faisait le tour des organisations similaires des régions du pays. C'était là, en effet, une première tentative de rassembler les énergies et d'insuffler les impulsions, mettant en symbiose la fameuse triptyque à savoir : Professionnels/Elus/ Institutions. A présent, après pratiquement deux décennies, on se lance à ressortir des tiroirs un projet : Fédérations Régionales du Tourisme (FRT), sous la bannière de la Confédération Nationale du Tourisme (CNT). Cette vision sera donc appliquée à Marrakech dans les jours qui suivent, puis respectivement à Casablanca et Tanger, ensuite, en 2020, à Oujda, Rabat et Laâyoune, enfin, l'année suivante, le reste des destinations restantes dont Agadir, destination prisée du royaume (sic). En voici encore, une exclusion on ne peut plus extravagante ! A première vue, on ne comprendra guère cette nouvelle invention qui semble être biaisée, dans la mesure où on veut mettre les bœufs devant la charrue. Un illogisme qui ne dit pas son nom puisque le bon sens voudrait qu'on mette d'abord sur place les FRT bien avant la CNT, selon le découpage administratif des régions, en vue de se mettre en adéquation avec le principe de la régionalisation avancée. De surcroît, on ignorera l'utilité de cette démarche improvisée, alors que les CRT sont déjà fonctionnels tant bien que mal, suivant les aptitudes et les contraintes en place. Il y aurait, sans doute, le cas échéant, empiétement sur les missions et les prérogatives sur l'une et l'autre des structures antagonistes. Le supposé brainstorming générant des deadline en perspective, ne serait qu'illusoire car ces mesures hâtives ne sont, en réalité, que des fuites en avant qui tentent de dissimuler un besoin pressant de cures palliatives. C'est autant cumuler encore plus la débandade dans un secteur en souffrance. Si on a vraiment l'intention de mettre de la vigueur dans les CRT et leur donner des grains à moudre comme on prétend, il importe beaucoup plus de fortifier ces structures fédératrices et appuyer les initiatives des professionnels en respectant leur autonomie d'action, en tant qu'opérateurs de terrains. Les CRT ne sont pas du tout des copier-copier, encore moins des coquilles vides, mais des compétences régionales, en parfaite synchronie avec les différents partenaires. Ceci étant, on croit bien savoir que le ministre et la secrétaire d'Etat du département de tutelle comptent se rendre aujourd'hui, lundi 10 juin, à Agadir pour rencontrer tous les intervenants du secteur. Le binôme ministériel aura certainement à écouter les doléances persistantes d'une destination en perte de vitesse, depuis belle lurette et dont les prémices d'une relance certaine n'est pas à écarter, étant donné que les potentialités naturelles et économiques d'une métropole émergente existent toujours, en dépit de leur dégradation décevante. Le constat et le diagnostic de cette corrosion aussi bien humaine que naturelle ne sont plus un secret pour personne. Ce dont a besoin alors cette destination huppée pour redorer son blason, c'est avant tout, de la bonne gouvernance et de l'intérêt étatique qui font atrocement défaut. Pourvu que les hôtes de la région soient en mesure de tirer la locomotive Soussie vers le haut et l'extraire de son bourbier ! Mais, loin de verser dans un quelconque pessimisme béat ni vexer les volontés, on citera l'adage de chez nous «Si la pêche pouvait guérir, elle commencerait par elle-même !». Le remède de tous les maux dont se débat la ville réside en un coup de pouce branlant de la plus Haute Autorité de la Nation, pour une durée suffisante, à l'instar de nombre de métropoles dont les grands chantiers fleurissent à grande échelle. Une opportunité que tout le monde attend avec impatience ! Un appel qu'on ne cesse de brandir, haut et fort pour la justice spatiale.