Les ouvrières d'Anza qui ont succombé ou blessé, ont suscité un profond émoi, mais aussi une large colère au sein des citoyens de la région. L'indignation était si intense qu'on ne s'arrêtait de vomir les horreurs de cette vilaine hécatombe. Alors que ces malheureuses prolétaires s‘apprêtaient à vociférer leurs doléances, le lendemain aux meetings du 1er mai, aux côtés de leurs collègues, elles ont lamentablement péri et saigné sur la pente mortelle. Le véhicule fort vétuste et caduc, à bord duquel elles étaient empilées, ne pouvait pas échapper à la catastrophe à laquelle il était soumis par des goinfres de la conserverie de poisson. En effet, depuis déjà des lustres, ces rapaces sordides étrillaient ces femmes miséreuses, tels des sangsues lugubres, pour cumuler des revenus faramineux, sans le moindre scrupule. Ces prédateurs éhontés se paient le luxe de polluer, à longueur de journées, la mer et le ciel, s'obstinent à dénaturer le cadre de vie résidentiel et briment les travailleuses, au et au su de tout le monde. Comment ne pas s'insurger devant ces préjudices incommensurables? En fait, sans aucune surprise, ce qui devait arriver, arriva, ce triste mardi à Anza où le patronat défie toutes les lois en vigueur. Quand les règles les plus rudimentaires sont bafouées pour assouvir l'appétit vile, sans coercition des responsables, la convoitise ne se contrôle plus et s'abat sur les ouvrières sans abri ni protection. Des femmes rudoyées à fond, comme du cheptel, dans les fabriques de poisson ou encore, un peu plus au sud, dans les unités de production agricole, sont livrées à leur sort, terrassées par le joug de la pauvreté et du dénuement. Qui libérera ces braves travailleuses et leurs semblables des carcans implacables de l'oppression patronale? Il semble bien qu'ils profitent amplement du laxisme et de la complaisance de ceux qui sont censés les réprimander et les acculer à se conformer aux règles! Comment alors expliquer que ces usines s'acharnent à transporter les employées dans des tacots décrépits ou encore à écouler leurs liquides toxiques dans le large et à emplir l'air de fumées nocives? Des cris d'écœurement et de révolte, face à tous ces grabuges abjects, n'ont jamais cessé de gronder haut et fort à qui voudrait les entendre, en vain. Résultat de cette indifférence ou impuissance : la pollution fait rage et la femme rend l'âme, dans un pays dit-on, de droit et d'institutions! En revanche, on ne peut passer sous silence le geste noble et héroïque dont ont fait preuve les médecins pour secourir plus une trentaine de blessés dont quatre grave. Et ce, en dépit de la grève nationale de leur corps. Ainsi que l'action citoyenne que compte mener la société civile locale en termes de suivi juridique, d'accompagnement civique et de soutien divers à l'égard de ces survivantes, encore sous le choc du cauchemar. Tous ces bonnes gens sont vivement salués!