Après le dépouillement des bulletins concernant 91% des bureaux de vote au titre du deuxième tour des élections présidentielles Slovaques et après avoir raflé 58% des suffrages exprimés, l'avocate libérale, militante écologique et activiste anti-corruption Zuzana Caputova, 45 ans, novice en politique mais oratrice hors-pair, va devenir la première cheffe de l'Etat slovaque et la huitième femme à diriger un pays de l'Union européenne après l'Allemagne, la Croatie, l'Estonie, la Lituanie, Malte, la Roumanie et le Royaume-Uni. Dès l'annonce des résultats, Zuzana Caputova, qui a laissé bien loin derrière elle Marcos Sefcovic, commissaire européen et diplomate de carrière soutenu par le parti au pouvoir, a été félicitée par ce dernier lequel a immédiatement fait part aux journalistes de son intention de lui envoyer «un bouquet de fleurs parce que la première femme présidente de la Slovaquie mérite un bouquet». Dans sa première prise de parole après la proclamation des résultats, Zuzana Caputova a appelé les slovaques à l'unité. «Cherchons ce qui nous unit, plaçons la coopération au-dessus des intérêts personnels (…) pour moi cette élection a prouvé que l'on peut gagner sans attaquer ses adversaires et je crois que cette tendance se confirmera lors des élections au Parlement européen et des législatives slovaques l'année prochaine». Elle ajoutera que, contrairement aux idées reçues, «la politesse en politique n'est pas une manifestation de faiblesse mais de force». Les observateurs expliquent la victoire de cette outsider de la politique par le mécontentement populaire dont avait fait l'objet le gouvernement de Bratislava après l'assassinat, l'année dernière, du journaliste d'investigation Jan Kuciak et de sa fiancée au moment où il s'apprêtait à publier un article portant sur les liens présumés qu'entretiendraient certains dirigeants slovaques avec la mafia italienne et sur des fraudes autour des fonds agricoles européens. Ce meurtre «politique» à la suite duquel cinq personnes furent interpellées – parmi lesquelles le commanditaire présumé de cet assassinat, un multimillionnaire lié au parti au pouvoir – avait tellement mis à mal le gouvernement et plongé le pays dans une profonde crise politique que, sous la pression de la rue, le Premier ministre Robert Fico avait été contraint de présenter sa démission, tout en restant, néanmoins, à la tête du parti Smer-SD. Jeudi dernier, certains députés européens se disant «préoccupés par les présomptions de corruption, de conflits d'intérêts (et) d'impunité dans les cercles du pouvoir slovaque» ont demandé à la Slovaquie de poursuivre l'enquête sur ce double-meurtre afin de mettre à jour «toutes les connexions politiques possibles». Zuzana Caputova qui siégeait à la vice-présidence du parti Slovaquie Progressiste, non représenté au parlement, est divorcée et mère de deux enfants. Elle est favorable à l'avortement et aux droits élargis pour les couples homosexuels car elle considère qu'un enfant «vivra mieux avec deux êtres amoureux de même sexe» que dans un orphelinat. La nouvelle présidente de Slovaquie entend, également, promouvoir une politique de protection de l'environnement et de soutien aux personnes âgées et mener une profonde réforme de la justice qui priverait «les procureurs et la police de toute influence politique». Enfin, en Slovaquie, bien qu'étant le commandant-en-chef des forces armées, le président ne gouverne pas mais se contente de ratifier les traités internationaux et de nommer les plus hauts magistrats alors que le pouvoir effectif reste entre les mains du Premier ministre. Comment donc va se comporter celle qui, en représentant une nouvelle tendance et un nouveau mouvement politique et qui, selon certains analystes, rappelle, à bien des égards, un certain Emmanuel Macron, est parvenue à déjouer tous les pronostics et à prendre la tête de la Slovaquie? Attendons pour voir…