Mélanie Derive, professeur de danse à l'Ecole Internationale de Musique et de Danse Propos recueillis par Omayma Khtib Al Bayane: Pourquoi «l'estime de soi» et «la confiance en soi» sont-elles importantes quand il s'agit de la danse? Mélanie Derive: L'estime de soi est une notion de jugement de valeurs, des valeurs qui nous sont propres et que l'on souhaite défendre. La danse est un outil de communication universel, un langage qui traverse toutes les frontières. Posséder et maîtriser un tel art revient à dire que nous pouvons échanger, discuter, initier et transmettre au monde entier. C'est au-travers de ces notions fortes que l'estime de soi devient importante. Croire en soi, avoir confiance en soi, afin de mieux partager. Croire en soi pour défendre ses idées. Croire en soi pour transmettre un message. Mais aussi croire en soi afin d'affronter le regard d'autrui et d'argumenter. Que peut apprendre la danse aux élèves et à quel âge, l'enfant peut-il déjà commencer ces cours? La danse demande rigueur, force de caractère, dépassement de soi, ténacité, remise en question, critique, analyse, auto correction et harmonie, des valeurs qui poussent les élèves vers une maturité et une construction d'eux-mêmes, mais aussi vers une valorisation de leurs acquis et de leur schéma corporel. En référence à Juvénal, poète de la Rome antique, «un esprit sain dans un corps sain». Dans les structures compétentes, telles que l'Ecole Internationale de Musique et de Danse, on peut commencer à apprendre la danse dès quatre ans, mais la vie est une danse depuis la naissance. Le mouvement, le rythme, l'énergie et l'espace sont des notions de vie au sens propre d'«être en vie». Pensez-vous que pour un enfant, un loisir artistique est une nécessité? L'éveil à un loisir artistique permet aux élèves d'acquérir une nouvelle forme d'expression. Certains individus peuvent rencontrer des difficultés avec les moyens traditionnels de communication et d'expression. Grâce à la pratique d'un loisir artistique, on arrive à travers nos corps, nos rendus, nos productions, à exprimer la sensibilité de nos émotions. Un exemple simple : il est plus facile d'écrire à quelqu'un qu'on l'aime que de lui dire. Comment un enfant peut-il combiner ses cours scolaires et sa pratique artistique? Dans une société qui donne la priorité au système scolaire, l'apprentissage de la danse vient s'inscrire naturellement après l'école. En fonction de son âge, l'élève se rend à ses cours de danse à raison d'une à quatre fois par semaine. Ici, à l'Ecole Internationale de Musique et de Danse, plus l'enfant grandit, plus il travaille. Cette évolution du volume de travail prend en compte l'âge, les capacités d'apprentissage et les capacités physiques des enfants. Les efforts fournis sont également croissants en fonction du niveau, mais aussi à l'intérieur du cours. La fréquence des cours, l'assiduité et l'implication pour cette discipline sont la clé de l'apprentissage et de la réussite. Dans quels établissements peut-on s'inscrire pour faire de la danse son métier? Après des études dans une école ou un conservatoire, il faut se spécialiser dans une structure professionnalisante. En France par exemple, les institutions telles que les conservatoires et les écoles supérieurs de formation des jeunes professeurs de danse dispensent le Diplôme d'Etat. Le métier de danseur est très exigeant en matière de requis esthétiques, physiques et mentaux. Que pourriez-vous conseiller aux danseurs? Être danseur est en effet très exigeant en matière de requis esthétiques, physiques et mentaux. Le processus est très long. Il faut souvent faire des sacrifices pour réussir, et la danse illustre bien cette idée. Il faut savoir que tout ce que le corps endure se fait de manière progressive. L'intelligence des professeurs et leur expérience permettent avant tout de transmettre leur passion aux élèves, de faire briller leurs yeux, de faire que la danse soit leur raison d'être, de faire qu'à la danse, les élèves oublient leurs maux et partagent sans compter, dans un instant d'harmonie. La première mission d'un professeur est de passionner ses élèves. Après cela, tous les moments un peu compliqués sont mieux acceptés. Alors, le meilleur conseil afin de ne pas abandonner est de se doter d'un bon professeur, qui sache transmettre sa passion et de croire que rien n'est impossible. Il n'y a pas de moins bon ou de meilleur chemin. Seule la volonté et l'estime de soi permettront de résister aux difficultés du métier. Et puis, il ne faut pas oublier la récompense de la scène : les spectacles où l'on oublie tout, où la transe nous envahit! Que diriez-vous des écoles d'art dont les prix sont assez élevés? Il y a des choses qui n'ont pas de prix. Mais bien au-delà de cela, la valeur d'une école d'art réside dans la qualité de ses professeurs et dans leur capacité à transmettre leur discipline à une classe d'élèves, des corrections individuelles, des lectures d'êtres au travers des corps, des situations de dépassement, de partage, et surtout d'amour, qui ne manquent pas de valeur. Il faut aussi savoir que les professeurs ont souvent suivi un parcours rigoureux de connaissances en danse, en anatomie, en musique, en psychologie de l'enfant, aboutissant à un diplôme. Et puis, il ne faut pas oublier qu'ils sont sans cesse à la recherche de propositions artistiques nouvelles, de chorégraphies, de moyens pédagogiques adaptés. Ils partagent aussi leurs connaissances auprès du milieu professionnel lors de conférences et de stages de perfectionnement réguliers. Que pensez-vous de l'enseignement de la danse au Maroc? La danse au Maroc est une belle histoire. Enseigner la danse au Maroc est comme un jeu de voile. L'accès à la technique est sans difficultés en comparaison avec d'autres pays, tels que la France par exemple. En revanche, la liberté du corps et des ressentis émotionnels est plus retenue et évolue selon l'âge des élèves. Mais la chance d'avoir un lieu dans lequel on peut s'exprimer en tant que danseur donne surtout aux jeunes élèves qui osent un sens artistique plus chargé d'histoire. Ceux qui se laissent porter par le sens artistique et qui l'ont trouvé sont souvent troublants à contempler. Pensez-vous qu'intégrer des cours d'art dans le système scolaire au Maroc pourrait aider les élèves? Il existe à travers le monde une multitude d'écoles associées à une autre discipline sportive ou artistique, et les résultats scolaires de ces écoles sont très souvent de bonne qualité. Il semble sans danger, et bien au contraire bénéfique, d'associer scolarité et passion, l'un étant imbriqué dans l'autre. Les efforts naturellement faits pour l'un s'appliqueront à l'autre.