Trente six millions de colombiens ont été appelés aux urnes ce dimanche pour la première élection présidentielle intervenue après l'accord de paix signé avec les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC) au titre de l'arrêt d'un conflit qui a duré plus de cinq décennies. Ce scrutin va permettre d'élire celui qui va succéder au Président Juan Manuel Santos qui, après avoir effectué deux mandats successifs, ne peut plus se porter candidat. Ainsi, comme il fallait s'y attendre et conformément à toutes les prévisions et à tous les sondages d'opinion, les premiers résultats, donnés ce dimanche soir à l'issue du dépouillement de 99% des bulletins de vote, ont accordé la victoire à Ivan Duque avec 39,1% des suffrages exprimés suivi de Gustavo Petro en faveur duquel 25,1% des votants se sont exprimés alors que les autres candidats ont eu respectivement 23,8%, 7,3% et 2,1%. Ainsi, le deuxième tour à l'issue duquel sera désigné le successeur de Juan Manuel Santos opposera le 17 Juin prochain Ivan Duque à Gustavo Petro et le vainqueur devra gouverner avec le Congrès élu en mars dernier et dominé par la Droite. Et si Ivan Duque, jeune avocat de 41 ans, nouveau venu en politique et candidat de la coalition de droite Centre Démocratique (CD), proche de l'ancien président Alvaro Uribe, était donné largement favori, au premier tour, avec 41% des intentions de vote, force est de reconnaître, toutefois, qu'après que la Droite ait gouverné pendant soixante ans, de nombreux colombiens – notamment les jeunes – semblaient, tout de même, séduits par cet économiste de gauche qu'est Gustavo Petro, 58 ans, qui, en étant crédité de 24 à 31% des intentions de vote au premier tour, était assuré de se retrouver face à Ivan Duque. Ancien maire de Bogota représentant le mouvement de la gauche indépendante «Colombie Humaine», Gustavo Petro est aussi un ancien membre du mouvement de guérilla «M-19» dissout en 1990. Usant d'un discours anti-système favorable aux couches défavorisées et prônant la mise en place de mesures progressistes comme, par exemple, l'adoption par les couples homosexuels, le candidat de la Gauche indépendante bénéficie d'une forte popularité auprès des jeunes et des couches populaires. Economiste en plus d'être avocat, Ivan Duque se pose, quant à lui, en chantre du renouvellement en inscrivant dans son programme la réduction d'impôts, la relance de l'économie, l'éradication de la corruption, la lutte contre le trafic de drogue et, enfin, la restauration d'une «Colombie de la légalité». Critiqué sur son inexpérience politique, il avait choisi de jouer la carte de l'humour en déclarant en mars dernier : «je n'ai aucune expérience... de la corruption, aucune expérience du clientélisme, aucune expérience des magouilles politiques»; des propos qui ont leur poids dans une campagne électorale. Mais il ne faudrait pas oublier, non plus, que sa proximité avec Alvaro Uribe qui avait dirigé le pays de 2002 à 2010 pouvait aussi lui nuire car elle a fait de lui le dauphin du «papa de la Colombie», de celui qui, en ne pouvant plus se représenter du fait de ses deux mandats consécutifs, va inévitablement instrumentaliser «son» candidat. L'accord signé en Novembre 2016 avec les anciennes Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC) divise le pays. Ainsi, le candidat de la Droite le juge trop laxiste. Dénonçant l'impunité accordée aux anciens guérilleros ainsi que le droit qui leur a été accordé de se constituer en parti politique et d'obtenir jusqu'à 10 sièges au Parlement, Ivan Duque souhaite revoir cet arrangement de manière à durcir les peines contre les guérilleros reconnus coupables de crimes graves. Il entendrait donc, d'après Sophie Daviaud, enseignante-chercheuse à Sciences-Po Aix, faire modifier la plupart des points qui avaient été des sujets brûlants lors des négociations comme la participation à la vie politique d'anciens guérilléros accusés de crimes contre l'humanité ou ayant trempé dans le narcotrafic alors qu'ils devraient être jugés. De son côté, Gustavo Petro estime, pour sa part, que l'accord conclu avec les FARC est indispensable à la paix. Partisan, par ailleurs, d'une large réforme fiscale, le candidat de gauche préconise une redistribution des terres. Il déclare : «je ne veux pas appauvrir les riches (mais) je veux enrichir les pauvres». Et si le deuxième tour à l'issue duquel sera désigné le successeur de Juan Manuel Santos opposera le 17 Juin prochain Ivan Duque à Gustavo Petro, force est de reconnaître que le vainqueur devra gouverner avec le Congrès élu en mars dernier et dominé par la Droite. Pour l'heure, tout s'est donc déroulé comme prévu dans ce pays situé à l'extrême-nord du continent américain et le candidat de la droite semble avoir les coudées franches pour diriger le pays même si son rejet de l'accord de paix avec les FARC pourrait, à terme, le gêner aux entournures mais attendons pour voir...