Entretien avec Mohamed Nabil Benabdallah, secrétaire général du PPS A la veille du 10e Congrès national du parti du progrès et du socialisme (PPS), le secrétaire général, Mohamed Nabil Benabdallah, s'exprime dans cet entretien accordé conjointement aux quotidiens «Bayane Al Yaoume» et «AlBayane», sur les grands enjeux de ce rendez-vous.Il distingue à cet égard deux principaux enjeux : «Le 10e congrès intervient dans une conjoncture politique particulière. Je crois que c'est l'enjeu principal de ce 10e Congrès, à côté d'un enjeu important mais moins prégnant ; celui de revoir et de réfléchir sur les structures du parti et sur ses capacités organisationnelles» dit-il en substance. Le leader progressiste revient également sur les significations et la portée du slogan choisi par ce 10e congrès, «Un souffle démocratique nouveau». A travers ce slogan le PPS lance un appel solennel «à toutes les forces politiques... à ses alliés au sein de la majorité, au gouvernement, à toutes les couches de la société pour déclencher une prise de conscience collective de la nécessité de ce nouveau souffle». Mais pas seulement, cet appel s'adresse également à la direction, aux cadres et aux militant(e)s du PPS : «Nous avons besoin d'un souffle démocratique nouveau pour revoir nos structures organisationnelles et notre capacité à relever les défis de l'heure», affirme Benabdallah. Entretien. Al Bayane: Nous sommes à la veille du 10e Congrès national du PPS, qu'est-ce qui caractérise ce 10e Congrès dans la vie du PPS? Mohamed Nabil Benabdallah: Le 10econgrès intervient dans une conjoncture politique particulière. Je crois que c'est l'enjeu principal de ce 10eCongrès à côté d'un enjeu important, mais moins prégnant, à savoir celui de revoir ou de réfléchir sur les structures du parti et sur ses capacités tant organisationnelles que d'action au niveau de l'enracinement au sein des différentes couches de la société. Politiquement, d'abord, c'est l'occasion pour mettre à plat les préoccupations que nous partageons avec un certain nombre de couches sociales. Ces préoccupations sont les mêmes qui prévalent aussi chez un bon nombre de leaders d'opinions, d'intellectuels et de journalistes et aussi dans les milieux d'affaires. Il y a une sorte d'interrogation, aujourd'hui, sur la nécessité de donner un nouveau souffle à la politique et aux réformes dans notre pays sur les plans démocratique, politique, économique et social. C'est pour cela que nous avons choisi un slogan révélateur qui se suffit à lui-même «Un souffle démocratique nouveau», vu que le Maroc a connu sous l'égide de SM le Roi Mohammed VI un formidable élan de modernisation, de renouveau, de démocratisation, de développement économique, d'impulsion de la justice sociale et aussi au niveau du champ culturel, où énormément de choses ont été réalisées. Il est normal dans un parcours, qu'on peut assimiler à un marathon, tellement le processus de développement est extrêmement long, difficile et ardu, d'avoir besoin d'un nouveau souffle en cours de route. Le Maroc se trouve dans cette situation. C'est pour cela que nous avons estimé qu'il y a un besoin pressant de plus de démocratie et de plus de présence des partis politiques dans l'encadrement de l'action politique, mais aussi plus d'encouragement de l'action et de l'esprit d'initiative. Et ce, à plus forte raison qu'on parle de la définition d'un nouveau modèle de développement qui a besoin d'une force politique pour sa mise en place d'autant plus qu'il devient nécessaire dans ce cadre de créer une véritable valeur ajoutée au niveau des idées et il va falloir que quelqu'un les porte. La concrétisation de celles-ci restetributaire de forces politiques actives et porteuses de ces idées et propositions. Dans cette même veine, ne voyez-vous pas une remise en en cause du rôle des partis politiques et une dévalorisation de leurs actions? -Malheureusement, c'est ce que nous constatons. Nous avons remarqué queles partis politiques sont de plus en plus décriés et leurs initiatives dévalorisées. Ce qui n'est pas dans l'intérêt de la démocratie marocaine. En tout cas, c'est notre conviction au sein du PPS. Nous insistons sur le fait qu'il doit y avoir une réhabilitation des partis politiques pour qu'ils puissent s'occuper du volet économique de ce nouveau modèle de développement et dans le même temps, propulser le volet social car le Maroc a besoin d'une justice sociale et spatiale. Ce qui s'est passé à Al Hoceima, et ce qui se passe à Jerada, à Tinghirou à Zagora témoigne d'une effervescence, d'un mal-être qu'il faut savoir prendre en charge. D'abord politiquement, à travers la capacité d'encadrement et ensuite par des réponses réalistes et concrètes sur les plans économique et social. C'est pour cela que cet enjeu est fondamental… Le deuxième enjeu, et je m'y attarderais moins, concerne notre parti qui s'est doté d'une vision pour améliorer ses capacités d'enracinement qu'il a baptisée «Tajaddor» (enracinement). Ainsi, ce congrès va confirmer cette stratégie et voir comment nous pourrions donner plus d'impulsion à l'action du parti, durant les quatre ans à venir et en particulier d'ici aux élections de 2021. A propos du slogan «Un souffle démocratique nouveau», à qui adressez-vous au juste ce message? Et avec qui estimez-vous pouvoir donner ce nouveau souffle? -Le PPS est un parti responsable. Il travaille, aujourd'hui, au sein de la majorité parlementaire et du gouvernement. Quand il appelle àun nouveau souffle démocratique,il s'adresse à toutes les forces politiques, à ses alliés au sein de la majorité, au gouvernement, à toutes les couches de la société afin qu'il y ait une forte prise de conscience de la nécessité de ce nouveau souffle. Le PPS souhaite trouver un écho positif auprès de toutes ces composantes. Car, l'inquiétude qui marque la scène politique nationale et le manque de visibilité nous imposent de manière pressante d'essayer d'éclaircir les horizons. Cela ne sera possible, du point de vue du PPS, qu'à travers l'impulsion d'un nouveau souffle démocratique. Celui-ci ne sera possible qu'avec une présence politique forte incarnée par un gouvernement fort et porteur d'une véritable charge politique. Cela implique impérativement une réhabilitation des partis politiques de manière à leur permettre de remplir leurs missions d'encadrement politique, d'exprimer librement leurs choix et de s'allier avec qui ils veulent, quand ils veulent et comme bon leur semble. Ce qui va donner, selon nous, un nouveau goût à la politique. C'est à partir de là que nous avons, au sein du PPS, mis en garde contre ce discours destructeur, négatif, blanquiste et désespérant que véhiculent certains milieux contre tous les acteurs politiques. Ne voyez-vous pas que ce discours, que vous avez qualifié de déstabilisateur et désespérant, est systématique? Qui se cache derrière et à qui profite-t-il? -Moi-même, je m'interroge à qui peut profiter ce discours antidémocratique puisqu'il ne peut y avoir de démocratie sans partis politiques. On ne peut pas prémunir la société contre les dérapages sans un encadrement solide de partis politiques enracinés au sein de la société, quelque soit leurs référentiels idéologiques. Qu'il soit de gauche, de droite, islamiste ou centriste, chaque parti a la capacité d'encadrer une partie de la société, et par conséquent, nous pourrons immuniser cette société contre toute forme de dérives. Pour ce faire, il va falloir ouvrir la voie aux expressions démocratiques pour trancher et prendre les décisions adéquates, en particulier au niveau gouvernemental, à travers l'émergence d'une majorité claire, forte par ses positions, ses orientations et sa capacité de réformer. Idem pour les Conseils régionaux et autres instances élues. Dès lors, j'affirme : il n'y a pas de raison pour la dévalorisation de l'action des partis politiques, du travail des élus. Car de cette manière, je crois que nous ne contribuons pas à la construction démocratique à laquelle nous aspirons. Il y a aujourd'hui un problème de définition des partis politiques, car par le passé, il y avait des clivages nets entre la gauche et la droite. Comment se définit, donc, le PPS aujourd'hui après 20 ans de participation à la gestion des affaires? -Nous avons développé dans notre projet de thèse politique adressé au 10eCongrès national du parti, une idée fondamentale, à laquelle il faut faire très attention, qui s'adresse à ceux qui prédisent que nous vivons la phase de la fin des idéologies et que nous sommes dans un monde où le pragmatisme doit régner et où il suffit de développer de bonnes capacités de gestion. Il y en a même ceux qui estiment qu'il n'y a ni gauche, ni droite, mais plutôt de bonnes ou de mauvaises décisions. Nous sommes contre ce genre d'idées. Je crois que lorsqu'on est porteur d'idées, d'une vision et d'un projet de société... soit qu'on a la fibre pour que ces mesures soient empreintes de volonté démocratique, de développement d'une économie nationale souveraine forte, capable de résister au soubresaut de la concurrence avec un secteur public fort et un secteur privé qui trouve un espace pour se développer, soit qu'on ne l'a pas. Idem sur le plan social, ces mesures doivent traduire une certaine fibre sociale qui se révèle à travers une lutte pour plus de justice sociale, contre la pauvreté, contre l'exclusion, contre toutes les inégalités ... une volonté d'instaurer une véritable justice spatiale. Et ce, afin que toutes les régions et provinces puissent bénéficier des fruits du développement et sans laisser pour compte de larges couches de la population. Lorsqu'on a ce genre d'inquiétudes et préoccupations, on ne peut être que progressiste et de gauche. Maintenant, si certains ont le même genre de discours et qui, dans la réalité, développent des propositions d'actions ou de mesures qui vont dans un sens contraire, cela signifie qu'ils sont de la droite ou de centre-droit. S'il y aussi, également, des questions à propos desquelles il faut éclaircir notre position, c'est bien notre conception de la question des valeurs et celle de la culture. Quand on se présente avec force comme un parti qui défend l'égalité entre la femme et l'homme, je dis, non sans amertume, que ce n'est, malheureusement, pas le cas d'autres formations politiques. On trouve des partis qui sont contre catégoriquement cette orientation tels que les partis conservateurs et d'autres qui adoptent l'égalité uniquement au niveau du discours. De l'autre côté, il y a d'autres partis qui sont pour l'égalité. Parmi ces derniers, on trouve le PPS qui interagit avec la question de l'égalité au quotidien et développe, dans ce sens, un certain nombre d'idées et d'approches. Notre parti ne trouve aucune gêne à mettre en avant l'ensemble des questions relatives à l'égalité effective entre l'homme et la femme sans exception aucune, y compris l'égalité en matière d'héritage. Au PPS, nous adoptons et exprimons ces positions haut et fort. Nous travaillons aujourd'hui sur le développement de ce genre de positions étant donné que nous en avions fait un axe fondamental. Nous insistons sur le fait que du moins nous avons le courage d'exprimer nos idées.Ainsi, il faut arrêter ce discours dévalorisant des partis avec lequel on cherche à tuer la politique. Avec ce genre de discours, on cherche à consacrer l'idée selon laquelle tous les partis se ressemblent et ne servent à rien et que nous avons besoin seulement de bons gestionnaires. Et vous savez quand ces « bons gestionnaires » veulent prendre des décisions concernant, à titre d'exemple, le traitement du Hirak social à Jerada ou à El Hoceima ou lorsqu'il s'agit d'examiner la question nationale et la nécessité de renforcer le front intérieur ou encore quand ils doivent solutionner des problématiques politiques, c'est là qu'on s'aperçoit des limites de leurs actions. Autant dire qu'on a besoin de bons gestionnaires, d'une bonne gouvernance, de l'association des hautes compétences existantes dont recèle le pays, mais au même moment, nous avons besoin de politiques forts, capables de concevoir une vision forte. Quatre ans après le 9e Congrès National, vous êtes sommés de dresser le bilan y compris l'alliance avec le Parti de la Justice et du Développement.Qu'avez-vous gagné en tant que PPS de cette alliance, et qu'avez-vous perdu? -Vous voulez user d'une logique de gain et de perte concernant les positions adoptées par le Parti du Progrès et du Socialisme lors des dernières années, c'est-à-dire avant le 9e Congrès National. Premièrement, je refuse cette logique de gain et de perte, car nous ne sommes pas en bourse. Nous avons des principes, nous avons un projet social auquel nous aspirons, et des valeurs que nous portons et que nous défendons depuis plus de 70 ans. Nous voulons un projet basé sur une véritable démocratie, c'est-à-dire sur une monarchie parlementaire, démocratique et sociale, où le Roi du pays assure le rôle d'arbitre, tel qu'il est disposé dans la Constitution, et oriente les décisions majeures de l'Etat, les choix de l'Etat, et bien entendu Imarat Al Mouminine (la commanderie des croyants), la présidence de l'Etat et celle des Forces Armées Royales et en cette qualité, il détient les principaux pouvoirs. Mais à côté de ceci, il doit exister un gouvernement fort issu des urnes, un gouvernement formé de partis politiques indépendants dans la prise de leurs décisions, capables de proposer des alternatives et de les défendre devant les citoyen(ne)s, et garantir ainsi une vie politique où les institutions élues fonctionnent d'une manière efficace sur tous les plans. A commencer,d'abord,par l'autorité législative représentée par les deux Chambres du Parlement, puis à travers les divers conseils élus, qui doivent avoir des prérogatives fortes, ainsi que des institutions constitutionnelles qui exercent pleinement leurs fonctions. Ce genre d'alliances n'a-t-il pas contribué à affaiblir l'identité du parti du progrès et du socialisme? -Je vais y venir, et ce que vous devez bien comprendre, c'est qu'au sein du parti du progrès et du socialisme, nous avons une orientation qui ne se base pas sur le calcul des mètres, des dirhams ou des kilogrammes qui se présentent à nous dans les prochains jours, c'est pour cela que je refuse l'évaluation à travers le principe de gain et de perte. En tant que parti politique progressiste, nous portons un projet, et nous évaluons le meilleur moyen pour le réaliser. Autrement-dit, comment pourrions-nous atteindre la société dans laquelle nous vivrons cette démocratie, cette prospérité économique et cette justice sociale auxquelles nous aspirons. C'est pourquoi nous avons toujours eu à chercher des alliés au cours de notre existence. Nous avons principalement trouvé nos alliés dans le mouvement national au fil de l'histoire… Cependant, à un certain stade historique, précisément à la fin de la dernière décennie, entre la fin de 2008 et le début de 2010, nous étions devant un vrai vide, représenté par l'incapacité des partis du mouvement national et leurs différentes expressions, incarnées alors par la Koutla Démocratique, à maintenir l'harmonie. De la même manière, nous étions dans l'incapacité de faire face à la situation qui prévalait sur le plan politique et nous avons alors cherché avec qui nous pourrions travailler. A cette époque, nous avons abouti à une alliance objective avec le Parti de la Justice et du Développement … Qu'entendez-vous par «rencontre objective» avec le PJD? -Tout simplement, une alliance destinée à la défense de la démocratie, et à la défense de la capacité du Maroc à fonder une expérience politique sur la base des dispositions de la Constitution de 2011. Nous nous sommes alliés avec le parti de la justice et du développement à cette fin, et tout le monde peut en témoigner, à commencer par nos militant(e)s. Le parti du progrès et du socialisme demeure un parti de gauche, progressiste, socialiste, démocratique et moderniste, et n'a jamais dévié à cette identité. Plus que cela, j'invite les observateurs à regarder du côté du PJD. Ils se rendront compte que le parti qui a évolué et introduit de nombreuses nouvelles valeurs dans son approche politique est bel et bien le PJD. Ce n'est pas le PPS qui s'est « islamisé » ou plutôt devenu un parti conservateur. A contrario, le PPS a influencé positivement dans ce sens, avec bien sûr de l'intelligence, de la sérénité et de la sagesse. Nous n'avons pascédé un iota de notre identité. Nous sommes fréquemment interpellés sur cette question. J'assure solennellement qu'à aucun moment, que ce soit sous le gouvernement Benkirane ou avec celui d'El Othmani, -auquel nous souhaitons succès et réussite dans sa mission- le PPS n'a cautionné ou approuvé une décision à caractère passéiste ou régressiste ou contraire aux principes et valeurs de l'égalité, ou affectant la démocratie et les libertés. Assez donc de ces accusations simplistes et des jugements infondés. Il n'y a pas un seul acte qui prouve que le parti a renié son identité. Les participants au colloque des Partis de la gauche arabe, accueilli par le PPS, ont déclaré qu'ils poursuivent avec intérêt l'expérience de l'alliance du PPS avec le PJD... -Bien plus que cela, le PPS, à travers ses positions, a toujours fait preuve d'une grande intelligence. Il faut dire aussi que nous avions toute latitude de décliner l'offre faite par le PJD, comme l'ont fait d'autres. On aurait pu même ne pas regarder du côté du PJD. Dans un tel cas de figure, celui-ci aurait été dans l'obligation de trouver d'autres alliances. Or, faut-il le rappeler, le PJD affichait sa volonté de s'allier aux partis de la Koutla démocratique. C'était leur choix. Un signal qu'il fallait capter. Le PPS à l'instar du PI a interagi positivement, tandis que nos frères de l'USFP nous ont rejoint tardivement. Il faudra, cependant, reconnaitre que sur le plan électoral, nous avons payé le prix de nos postions, et ce, pour plusieurs raisons apparentées à la nature de la lutte politique au Maroc. Le choix fait par le PPS, en s'alliant avec le PJD, n'était pas apprécié par tous. Mais, sur le plan des valeurs, de l'image du parti et l'interaction des citoyen(ne)s, je pense que les décisions prises par le PPS lui ont valu une grande considération et un respect très fort.Il nous incombe, aujourd'hui, d'ancrer et d'enraciner davantage notre présence en transformant nos idées, nos propositions et nos approches sur le terrain en une forte présence électorale. Le Parti a lancé une nouvelle dynamique dans le cadre des préparatifs pour le 10 e Congrès national et a adopté un ensemble de mesures, comme la réduction des membres du Comité central et le nombre des congressistes. Certains observateurs estiment que «ces mesures vont vider le Parti de ses cadres». Qu'en pensez-vous? -La conjoncture politique actuelle est difficile et complexe. Ainsi, nous sommes appelés à fédérer toutes nos forces pour maintenir le PPS comme un appareil partisan fort politiquement par la constance de ses positions, par la force de son identité et en restant attaché à son référentiel progressiste et socialiste. C'est la meilleure réponse à la campagne visant la négation des identités, des idées et des idéologies. Or, l'histoire nous a appris qu'aucune situation n'est irréversible. Décidément, cette conjoncture difficile passera et nous allons retrouver des temps meilleurs qui permettront d'ouvrir la voie à ce souffle démocratique nouveau auquel nous aspirons. Qui aurait prédit, en 1965 ou le début des années 80 ou encore à l'aube des années 1990 que le Maroc sera doté d'une Constitution semblable à celle de 2011 ? C'est pour cela que nous n'avons jamais perdu espoir. Nous disons aujourd'hui, tout simplement, qu'il faut mettre un terme à la décadence partisane et organisationnelle. Il faut en finir avec des appareils qui se distinguent par la quantité mais restent dépourvus de qualité et manquent de cohérence et de constance dans les positions. Par conséquent, nous n'avons nullement besoin d'un Comité central qui compte plus de mille membres ou de structures locales élues mais qui ne remplissent pas leurs missions et ne rendent pas des comptes. En termes plus clairs, nous n'avons pas besoin d'un appareil qui n'interagit pas et ne s'adapte pas avec les mutations de la société. C'est pour cela que nous avons adopté plusieurs mesures et convenu, à l'unanimité, des mécanismes au sein du Comité central qui est la plus haute instance décisionnelle du parti après le Congrès. Par ailleurs, je dois souligner une chose essentielle. De nombreux observateurs, en interne ou en externe, estimaient, à tort, qu'il y aurait des différends et de grands conflits, après une étape marquée par une certaine hésitation, ponctuée aussi par de grandes interrogations au niveau interne. A commencer par la question de la délivrance des cartes, la gestion du renouvellement des adhésions et le paiement des cotisations. D'aucuns s'attendaient à une vague de mécontentement suite à la restriction du nombre de congressistes et des membres du Comité central ; et que la décision d'élire le Comité central à partir des Congrès provinciaux va engendrer de nombreux problèmes internes. Toutefois, nous avons remarqué avec une grande satisfaction que les Congrès provinciaux se sont déroulés dans un climat serein y compris dans les sections qui avaient connu quelques problèmes. 90% des structures du parti ont accepté ces nouvelles mesures qui augurent d'une nouvelle étape dans l'Histoire du Parti. Dès lors, la bataille que nous devons mener, durant les quatre prochaines années, est celle de la refondation du Parti, qui passe inéluctablement par ces mesures. Peut-on donc déduire que le slogan «Un souffle démocratique nouveau» s'adresse également aux structures internes du Parti? -Effectivement, le slogan «Un souffle démocratique nouveau», répond, à la fois, à la situation générale du pays et à celle du PPS. Nous avons besoin d'un souffle démocratique nouveau pour revoir nos structures organisationnelles et notre capacité à relever les défis de l'heure. Pour être plus clair, nous avons vécu des moments difficiles et, sans aucun doute, nous allons vivre d'autres périodes difficiles. Quand le parti traverse une zone de turbulence, sa direction devrait être capable de préserver les structures. Je crois que cela représente un grand intérêt pour le Parti, avec la nécessité d'intégrer une nouvellesaveurau Parti. D'où le slogan «Un souffle démocratique nouveau». L'adjectif nouveau signifie l'ouverture sur des compétences jeunes, sur des femmes, des cadres et des acteurs de la société civile actifs dans le Maroc profond, dans les périphéries des villes et les quartiers marginalisés, comme au sein des classes moyennes ou encore dans le monde rural. Notre devoir consiste à trouver ce nouveau souffle au sein de tous ces milieux. Nous espérons concrétiser ces orientations, durant les quatre années à venir. Certains militants expriment des craintes au niveau organisationnel. Un comité central restreint élu à partir des congrès provinciaux pourrait créer un déséquilibre entre les «élus et les notables» d'un côté et les cadres et anciens militants de l'autre. Après le 10eCongrès, Rabat et Casablanca n'auront plus la représentativité qu'elles avaient avant? – Les sections régionales et provinciales de Rabat et Casablanca et des grandes villes n'ont qu'à travailler. Soyons francs, nous nous sommes d'une manière générale endormis sur nos lauriers dans les grandes villes. Nous ne pouvons pas vivre uniquement sur un «nom» et une «Histoire». Certains sont là depuis 20 ans, pour d'autres, depuis 30 ans. Mais cela ne suffit pas. Cette ancienneté doit être traduite dans les faits. Nous e sommes pas là pour nous-mêmes, nous nous ne sommes pas là pour porter un nom, comme celui du PPS. Nous sommes là, en partie pour cela,mais nous sommes surtout là pour faire en sorte que nous puissions enraciner nos idées dans la société marocaine; faire en sorte que lorsque les échéances électorales se présentent, nous ayons la capacité de scorer, d'obtenir des résultats probants. Et bien oui, il va y avoir un peu de remous, mais en même temps, je pense que cela va être sain. Nous sommes tous des militants du PPS. Et il y a eu des générations qui ont créé le Parti, qui ont jeté les jalons de ce parti. Il y a d'autres générations qui ont développé le parti. D'autres, aujourd'hui, essaient de conserver le parti et il doit y avoir aussi des générations qui soient capables de donner ce souffle...rien n'est éternel et personne ne peut durer éternellement. Parce qu'il y a des cadres qui ne seront pas congressistes lors de ce 10e congrès... -Vous savez, il y a quelques dizaines d'années de cela, en toute modestie, j'étais un militant de base. J'ai milité, j'ai assumé des responsabilités et je suis devenu SG et demain, je serai de nouveau militant de base. Et à ce moment-là, il faudra qu'il y ait de nouvelles compétences qui puissent me remplacer et remplacer des centaines de cadres qui ne seront pas là demain. Le fait que certains ne sont plus là ne veut pas dire que le parti n'y est pas. Il y a de nouveaux cadres qui vont venir, de nouvelles potentialités qui vont assumer la responsabilité. Certains ne cessent de ressasser que le Comité central sera composé uniquement d'élus et de notables. Les résultats contredisent cette prétention. La composition du prochain comité central prouvera le contraire. Il y aura une sorte d'équilibre entre les élus et les cadres. Cette question a été sujette à une réflexion profonde parce que nous sommes conscients que nous avons besoin des élus et des cadres. Nous devons, donc, avoir la capacité de renforcer le parti avec ces deux composantes. L'avenir du Parti est tributaire de sa capacité à travailler sur les deux fronts. Car, si le parti fait le choix de développer uniquement celui des élus, il perdra son âme.En revanche, s'il recrute uniquement des cadres, il gardera son âme, ses idées et ses principes, mais n'aura aucune influence sur la société marocaine. Comment appréhendez-vous les perspectives du Parti à l'issue de ce 10e Congrès national? -S'agissant des perspectives politiques, nous aspirons à entamer une nouvelle étape surtout que le Maroc, connaitra, dans le cadre du nouveau modèle de développement, une dynamique nouvelle et renouvelée. Nous espérons renouer, de nouveau, avec l'ère des réformes profondes sur tous les plans. C'est sur cette base que nous travaillons et militons au sein du PPS, et ce, dans le cadre de la Constitution et des lois en vigueur, et aussi dans le cadre de l'action démocratique de masse dont le PPS a fait toujours son credo. Nous aspirons effectivement à ce que le PPS renoue avec son passé glorieux. Pour atteindre cet objectif, il faudra travailler durement et faire face, avec la fermeté requise à l'infiltration et à «l'entrisme» de certains opportunistes. De même, il faudra combattre l'apparition de quelques comportements individualistes en quête d'intérêts purement égoïstes. Nous sommes, donc, tous appelés à lutter avec force contre ces déviances. Nous appartenons à une culture qui considère le Parti comme un outil de changement de la société. Et, en tant que militants, nous nous mettons au service de cet outil pour servir les objectifs politiques, idéologiques et intellectuels auxquels nous croyons fermement. Voilà ce qui constitue l'ADN du PPS que nous sommes tenus de préserver pour qu'il puisse assurer sa présence pérenne au sein de la société et présenter une valeur ajoutée. Dans le cas contraire, il sera un parti politique ordinaire, sans identité et sans aucun goût. Dans un tel cas de figure, il serait un parti mort. N'en déplaise à Dieu ! Compte tenu de tout cela, je dois dire que le «Moi» n'a pas de place au sein de la littérature du Parti. La prévalence de l'égo au sein de l'organisation pourrait faire disparaitre le PPS. Evidemment, chaque militant porte, en lui, des compétences et des capacités, mais nous sommes, tous, au service d'un projet de société et d'une vision, avec des valeurs et des principes intrinsèques. Dès lors, tout militant prêt à poursuivre le chemin est le bienvenu. La porte lui est ouverte. Ce n'est pas la même chose pour celui qui a d'autres intérêts, rêve de devenir ministre et se fâche de ne pouvoir atteindre ses desseins, comme le fait d'être au bureau politique ou au comité central. A ceux-là, je dis qu'ilsont le droit absolu d'avoir une telle ambition. Cependant, quel sens donner, dès lors, à l'appartenance au bureau politique ou au Comité central? Je crois que l'appartenance à ces instances est un engagement militant à se mettre à la disposition de ces organes et à être prêt au sacrifice, matériel et moral, un combat au service d'un projet politique. Il ne s'agit nullement de se cacher derrière les arbres ou de faire marche arrière quand la situation devient difficile, et de revenir pour occuper les devants de la scène quand la situation s'améliore. Il convient de revoir notre vision sur la question de l'appartenance au PPS et la renforcer amplement pour que la conscience soit réelle, en ce qui concerne cette appartenance, la nature du Parti et ses différences par rapport à d'autres partis politiques, où il est aisé de satisfaire les appétits personnels. Personnellement, j'appartiens à une génération qui a adhéré à ce parti sans jamais imaginer qu'un jour elle sera au gouvernement. Et encore moins que certains militants parmi nous deviendraient ministres. S'agissant de la question du Sahara marocain, vous avez toujours plaidé pour le renforcement du front intérieur pour mieux défendre l'intégrité territoriale du Maroc... -L'idée du renforcement du front intérieur n'est pas nouvelle. Elle a 40 ans d'existence. C'est une idée qui est née à l'intérieur du PPS avec le déclenchement du conflit du Sahara. Le jour où le conflit a été posé et bien avant, lorsqu'on était dans une situation où il n'y avait pas d'ouverture démocratique, je vous renvoie au livre de Si Ali Yata du début des années 60, nous disions voilà les conditions pour récupérer le Sahara. Il faut agir sur le plan diplomatique, sur le plan politique et réinvestir les territoires etc, mais la chance du succès, c'est un front intérieur fort. Fort comment ? par une démocratie forte, une économie forte, une justice sociale et un vent de liberté et d'ouverture et la promotion des valeurs de la modernité. Le PPS a toujours défendu ces idéaux et c'est ce que nous continuons de défendre. La clé de succès, les deux atouts dont dispose le Maroc, sont l'unanimité nationale autour de SM le Roi pour défendre la marocanité du Sahara et le territoire sur lequel nous sommes installés et un front intérieur solide par la démocratie, la construction d'une économie forte, par plus de justice sociale et spatiale. Nous avons réaffirmé, donc, des positions qui ont été déjà les nôtres depuis longtemps...Celles-là qui ont fait que, pendant plus de 40 ans, les tentatives hégémoniques de notre voisin se soient toutes fracassées contre le bloc constitué par l'unanimité marocaine autour de l'unité nationale et de l'intégrité territoriale de notre pays. Propos recueillis par: Najib Amrani, Mohamed Hajjioui, M'barek Tafsi, Mohamed Taoufik Ameziane