L'Algérie libère deux groupes de 43 Marocains emprisonnés depuis des années    Visite de Xi Jinping au Maroc : Un escale stratégique pour le partenariat sino-marocain    Collectivités territoriales : l'AMPCC et l'Association des élus de France s'associent pour renforcer la coopération décentralisée    UNAF U17/ Cet après-midi, un intense Maroc-Algérie : Horaire? Chaînes ?    Bourse: CMGP Group entame une nouvelle phase de son expansion    MP Industry Group investit 437,623 MDH dans une usine à Tanger Med    COP 29 : l'ADA active sur plusieurs fronts    La COP29 prolongée, en l'absence d'un compromis    Elections fédérales au Canada: Les conservateurs devancent largement les libéraux de Trudeau    Que peut espérer l'Afrique des Etats-Unis sous l'ère Trump ?    CAN Féminine Maroc 2024 : Le Maroc dans le groupe A avec la RDC, la Zambie et le Sénégal    Botola : Le Raja et le Wydad se neutralisent dans le derby de Casablanca    Ligue des champions féminine de la CAF : une finale pour l'histoire    Le MSPS lance "Riaya 2024/25" au profit des zones touchées par le froid    Temps chaud de samedi à lundi et fortes rafales de vent avec chasse-poussières dans plusieurs provinces    Le Maroc renforce son cadre juridique pour la gestion du patrimoine culturel    MP Industry inaugurates first Moroccan factory with a 437.62 million dirham investment    Sophie De Lannoy : "Chaque personnage est inspiré d'une personne réelle"    Qui est Boualem Sansal, l'écrivain algérien porté disparu qui a dénoncé l' »invention du Polisario par les militaires »?    Des partis marocains appellent à l'application de la décision de la CPI contre Netanyahu et Gallant    Démantèlement d'une cellule terroriste affiliée à "Daech" dans le cadre des opérations sécuritaires conjointes entre le Maroc et l'Espagne (BCIJ)    Première édition de Darb Race, le 8 décembre prochain à Dar Bouazza    Ce que l'on sait d'Orechnik, le missile balistique russe qui a semé la panique [Vidéo]    Ouahbi : "La transformation digitale, un des grands défis actuels de la profession d'avocat"    Présidentielle en Namibie. Un moment décisif pour la SWAPO    Le Bénin met à jour sa politique de protection sociale    Pavillon Vert: 90 Eco-Ecoles labellisées pour l'année scolaire 2023-2024    Moroccan parties urge ICC action against Netanyahu and Gallant    Talbi Alami : "La garantie des droits des femmes et le renforcement de leur présence dans les postes de décision, piliers fondamentaux de 25 ans de règne de SM le Roi"    Avant le départ de Joe Biden, Washington appuie le plan d'autonomie pour le Sahara et le confirme comme une solution «réaliste»    Protection du patrimoine marocain : Mehdi Bensaïd affûte ses armes    Cinéma : "Gladiator II", le retour réussi de Ridley Scott    Visa For Music : À l'ExpoStand, les musiques du monde se rencontrent!    Nadia Chellaoui présente son événement «Racines» le 26 novembre    L'inflation annuelle au Maroc ralentit à 0,7 % en octobre    Al Barid Bank et Guichet.com scellent un partenariat en faveur des jeunes Marocains    M. Zniber souligne les efforts déployés par la présidence marocaine du CDH en vue de la réforme des statuts du Conseil    Les prévisions du vendredi 22 novembre    Températures prévues pour le samedi 23 novembre 2024    Démantèlement d'une cellule terroriste affiliée au groupe Etat islamique lors d'une opération hispano-marocaine    Raja-Wydad: Un derby en mode silencieux ce soir !    Qualifs. CAN de Basketball 25 / Maroc - Soudan du Sud ce vendredi: Horaire? Chaîne?    De nouvelles pièces de monnaie pour célébrer la prochaine réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris    Le Panama décide de suspendre ses relations diplomatiques avec la pseudo    RAM et la compagnie brésilienne GOL Linhas Aéreas concluent un accord de partage de codes    Challenge N°946 : Du 22 au 28 novembre 2024    Maroc 7,58 MDH d'amende pour Viatris, fusion entre Mylan et Pfizer    Censure : le régime algérien accuse Kamel Daoud d'avoir dit la vérité sur la « décennie noire »    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Razzia de Nabil Ayouch: Démons et merveilles du Maroc actuel
Publié dans Albayane le 19 - 04 - 2018

Les films de Nabil Ayouch ne sont pas de ceux qui font consensus. Ils interrogent et font souvent débat. Après Les chevaux de Dieu (2012) tiré d'un roman de Mahi Binebine sur le terrorisme islamiste et Much Loved (2015) sur la prostitution, le réalisateur poursuit avec Razzia sur la désillusion, une œuvre forte, entre chronique et mémorial, comme un Chant général de la société marocaine. Sorti au Maroc en février 2018 et en France en mars, co-écrit par le réalisateur et son épouse, Maryam Touzani, Razzia dresse sans complaisance le portrait mental de la société marocaine d'aujourd'hui.
L'histoire commence en 1982 avec l'arabisation de l'enseignement et les tentatives d'étouffement de la langue berbère par la dictature d'Hassan II et se termine en 2015 sous Mohamed VI avec l'islamisation du pouvoir et une révolte populaire à Casablanca. Mais 2015 est aussi l'année de l'interdiction de Much Loved dans les salles marocaines et des agressions subies par la comédienne Loubna Abidar pour y avoir tenu le rôle d'une prostituée. À cet égard, Razzia nourrit déjà toute une réflexion sur le climat de violence et de censure qui peut entourer la production artistique.
La démonstration est concrète. Vies sur table. Elle s'ouvre sur le désenchantement d'Abdallah (Amine Ennaji), le jeune instituteur qui refuse d'enseigner en arabe à des enfants berbères. Puis, sans transition, après une ellipse de plus de trente ans, d'autres histoires s'enchaînent, s'emmêlent, suspendues au vide temporel et à la tonalité de l'échec transmise par Abdallah. L'art du montage de Nabil Ayouch fait le reste. Au spectateur de trouver un sens commun à toutes ces vies qui s'interpellent sans toujours se répondre. Celle de Salima d'abord (Maryam Touzani) qui lutte pour s'émanciper et rester elle-même dans son couple autant que dans la rue. Il y a ensuite Yto (Saâdia Ladib en 1982 et Nezha Tebbaai en 2015), sa mère, jeune veuve délaissée trente ans plus tôt par Abdallah qui pourrait bien être le père de Salima. On rencontre encore Inès (Dounia Binebine), une adolescente de la jeunesse dorée en mal d'amour maternel et en pleine crise identitaire, Hakim (Abdelilah Rachid), un ouvrier ébéniste homosexuel méprisé par son père et qui rêve de devenir chanteur, Monsieur Joe enfin (Arieh Worthalter), un restaurateur juif connu du tout Casa mais rattrapé par sa religion.
Un personnage les résume tous, Ilyas qu'on voit d'abord enfant (Mohamed Zarrouk) avec Yto, sa mère, et avec Abdallah, son maître d'école, puis adulte (Abdellah Didane) comme serveur dans le restaurant de Monsieur Joe. Ilyas voue une passion sans bornes pour Casablanca, le film culte de Michael Curtiz, une passion brisée quand il apprend que le film a été tourné dans les studios américains. Le sujet de Razzia est là. Dans la désillusion d'Ilyas. Superbe palimpseste où se dévoile l'image du Maroc du XXIème siècle depuis que le fondamentalisme religieux a fait main basse sur le quotidien et opéré une razzia, une O.P.A., un hold-up sur la vie ordinaire. Tout le Maroc actuel est dans cet écart entre les démons de l'obscurantisme dont une partie de la société est porteuse et les merveilles illusoires de la modernité dont la ville de Casablanca reste l'emblème.
Par la pluralité de ses thèmes, le film est donc une fresque réaliste. Il aborde des sujets majeurs, la question des langues parlées, la situation de la femme, l'homosexualité, la promiscuité de la misère et de l'extrême richesse, l'exode rural, les problèmes de la jeunesse, la révolte toujours latente des masses laborieuses, le chômage des intellectuels, le chômage camouflé de ces femmes qui vendent leur corps ou le chômage tout court dont Marx dit qu'il est l'armée de réserve du capitalisme. Tout est simplement montré, cadré, les dialogues sont saisissants de vérité. Mais par la pluralité de ses silences ou de sa retenue, le film est aussi un magnifique poème épique, comme Le Chant général de Pablo Neruda justement, qui suggère autant qu'il dit.
Une chose est sure : Razzia n'est pas un film défaitiste. Il enjoint de ne pas étouffer son désir d'être soi-même, de ne pas se priver de soi pour ressembler aux autres, et de lutter, de résister au regard de la rue. Qu'importe alors si la lecture linéaire achoppe parfois. Restent la lecture sensible, une mathématique où l'on se contenterait d'additionner ces vies pour les fondre dans le creuset d'une société vivante et libre qui refuse tout dogmatisme.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.