En perspective d'une négociation tripartite devant déboucher sur un accord avant le premier mai, comme souhaité par le gouvernement, les partenaires sociaux ont tenu, du lundi 19 au mercredi 21 mars, un deuxième round préparatif. Visant à baliser le chemin conduisant aux prochaines séances de négociations, les travaux des trois commissions thématiques n'ont pas connu de gros progrès, de l'avis des centrales. Un avis partagé par responsables et négociateurs de l'UMT (Union marocaine du travail), CDT (Confédération démocratique du travail) et même au sein de l'UNTM (Union nationale du travail au Maroc). L'expression du moment : la stagnation «Jusqu'à présent, il n'y a aucun indice positif», commente Noureddine Soulaik, secrétaire national au sein de l'UMT après achèvement des trois réunions des commissions sectorielles. L'expression du moment, de son point de vue, mais aussi de ses pairs, est «la stagnation». «A présent, on peut dire que le compteur est toujours à zéro et que les choses ne sont pas encore matures», soutient ce membre de l'équipe de négociation du syndicat le plus représentatif. Même son de cloche du côté de la CDT. Abdelmajid El Amouri Bouazza, membre du bureau exécutif de la CDT, assure dans une déclaration à Al Bayane qu'après le premier round du mardi 13 mars, les trois commissions, à savoir celles du «secteur privé», de «l'amélioration des revenus» et du «secteur public» ont été tenues, respectivement, lundi, mardi et mercredi, «sans progrès significatif». «Il y a eu débat, mais nous n'avons pas encore commencé les négociations», a-t-il tenu à préciser en fustigeant le campement du gouvernement sur ses anciennes propositions. «Il parait que le gouvernement campe sur ses propositions du dialogue social d'avril et mai 2016 qui a échoué», a-t-il dit. Des propositions qui ont été préalablement, rappelle-t-il, refusées par l'ensemble des centrales syndicales. Même pour l'UNTM, traité de «syndicat maison» du parti au gouvernail (PJD), il n'y a pas lieu de louvoyer. «Il n'y a pas encore un vrai débat. Or, malgré que les indices positifs ne sont pas encore là, nous sommes toujours optimistes», déclare à Al Bayane le secrétaire général de l'UNTM, Abdelilah Hallouti. Bien qu'elle «affiche la même volonté que celle du gouvernement de parvenir à un accord», l'UNTM «n'est pas prête à accepter un accord à n'importe quel prix», affirme son SG. Symbiose des syndicats sur les dossiers chauds Hormis le dossier de la loi organique sur le droit de grève, actuellement dans le pipe, les syndicats les plus représentatifs sont sur les mêmes longueurs d'ondes. Ainsi, ils sont unanimes sur la «nécessaire augmentation générale des salaires». «La revendication primordiale des centrales est une augmentation générale des salaires dans les secteurs privé, public et agricole», a précisé El Amouri avant de déplorer le fait que «le gouvernement et le patronat n'ont pas encore fait de proposition dans ce sens». «Tout ce qui touche à l'amélioration des revenus dans les secteurs privé et public et les différentes branches de l'économie n'est pas encore sujet d'un débat sérieux», a-t-il regretté. Dans la même veine, le SG de l'UNTM considère qu'«il n'y a aucun sens pour un accord qui ne permet pas d'améliorer les revenus des travailleurs». S'attendant à un retour d'ascenseur de la part du gouvernement, Abdelilah Hallouti rappelle : «Nous avons accepté la réforme de la CMR (caisse marocaine de retraite) et nous attendons en contre partie un équilibrisme de la part du gouvernement pour que les fonctionnaires digèrent cette réforme et ne se sentent pas lésés». D'autant plus, ajoute-il, que cela fait des années qu'ils subissent l'augmentation des cotisations et le moment est venu pour corriger ce tort». «Il faut que tout le monde supporte le coût de la réforme des retraites», a-t-il clamé. Outre le gouvernement, les syndicalistes évoquent également une discorde avec le patronat (CGEM) à propos des grandes orientations en ce qui concerne les lois et les règlements. Tout comme El Amouri, Noureddine Soulaik, membre de l'équipe de négociation de l'UMT, explique que « les syndicats demandent l'activation du code de travail et la CGEM réclame son amendement. Ils cherchent ce qu'ils qualifient de «flexibilité du travail», autrement dit, la possibilité de licencier un employé à n'importe quel moment. Chose qu'on ne peut en aucun cas accepter». «A quoi sert une loi si elle n'est pas appliquée?», s'indignent les syndicalistes. La loi organique sur la grève ou la bombe à retardement L'ensemble des syndicalistes contactés par Al Bayne ont relevé que tous les points abordés ont servi à tâter le pouls d'un côté et d'un autre, en soulignant que le point qui risque de miner l'ensemble des efforts déployés par les trois partenaires et constitue une véritable bombe à retardement est la loi organique sur le droit de grève. «C'est une ligne rouge pour nous. Cette loi organique ne peut être examinée hors de l'institution du dialogue social», affirme Soulaik en indiquant que «le discours d'ouverture de la session parlementaire prononcé par le Roi a souligné la nécessité d'ouvrir de larges concertations concernant cette loi organique». «Pour accepter nos revendications (sus-citées), ils exigent notre acceptation de la flexibilité du travail, l'amendement du code de travail et la passation du projet de loi sur la grève», soutient dans le même sens Amouri. «Nous ne pouvons entrer en négociation sans que le dossier de la loi sur la grève ne retourne sur la table des négociations. Il faut que gouvernement le retire de la première chambre. C'est une loi d'interdiction de la grève et pas de réglementation de la grève», ajoute-il. Moins virulent à l'égard des autres partenaires sociaux, l'UNTM se dit prête à débattre de la loi organique sur le droit de grève. «Ce projet de loi est dans le pipe, l'ancien chef du gouvernement qui l'a déposé le 6 octobre 2017 était tenu par l'obligation constitutionnelle de passer l'ensemble des lois organiques étant donné que les élections étaient pour le 7 octobre», a argué Hallouti en appelant à ce qu'il soit «discuté au niveau du Parlement». Interpellés par Al Bayane sur les seuils sociaux, les différents syndicalistes avec qui nous avons tenu langue se déclarent ouverts à la discussion de l'ensemble des scénarios proposés par le gouvernement sans pour autant donner des chiffres quant aux seuils en dehors de la table des négociations. Ceci étant, nous avons également contacté le patronat et certains membres du gouvernement qui n'ont pas donné suite à nos appels.