En ouvrant le plus grand flagship de l'Afrique du Nord en juin dernier à Casablanca, la marque aux trois bandes veut marquer son engagement mais aussi sa domination sur le marché marocain. L'occasion de revenir sur les secrets de réussite de l'empire Adidas, mais surtout sur son renouveau après des années sombres... 700 brevets et autres droits de propriété industrielle dans le monde, première marque européenne et deuxième mondiale, un chiffre d'affaires record de 16,9milliards d'euros, en hausse de 27% en 4 ans… C'est en 1920 que l'histoire d'Adidas commence. Adolf Dassler, âgé à l'époque de seulement 20 ans, fabriqua sa toute première chaussure. Plus connu sous le nom d'Adi Dassler, ce fils de savetier bavarois aura conçu cette première chaussure à partir des quelques matériaux disponibles dans la difficile période d'après-guerre, principalement à partir de toile. D'autres sources affirment qu'à cette époque, il réalisait ses premières chaussures à partir de surplus de cuir de l'armée allemande. Quoi qu'il en soit, une seule idée l'a d'ailleurs guidé dans son travail : pouvoir fournir à chaque athlète le meilleur de la chaussure dans sa discipline respective, un principe qui l'a accompagné jusqu'à sa mort en 1978. Une passion et une recherche de la perfection qui s'expliquent par le fait qu'il était lui-même un athlète passionné qui axa son travail sur les disciplines classiques de l'athlétisme, étant dès le début en contact étroit avec les participants des compétitions sportives, et aimant assister aussi aux manifestations sportives importantes. Des débutsen famille ! Quatre ans après, il fonda avec son frère Rudolf l'entreprise Schuhfabrik Gebrueder Dassler (fabrique de chaussures des frères Dassler) à Herzogenaurach, près de Nuremberg, une entreprise qu'ils détenaient à parts égales et qu'ils géraient mutuellement. Adolf était à la création et à la fabrication, quant à Rudolf, il vendait dans toute l'Allemagne, et réussissait même à exporter ces fameuses chaussures. A cette époque, il réalisa ainsi, avec près de cent salariés, trente modèles de chaussures destinées à 11 disciplines différentes et a développé la chaussure optimale pour presque chaque sport. Adolf Dassler a mis en place de nombreuses nouvelles techniques, notamment les chaussures de course équipées de pointes en 1925, renforcées et cloutées en 1929… Bref, la croissance était au rendez-vous, et les athlètes portaient ces chaussures spéciales fabriquées dans son atelier, et aux Jeux Olympiques pour la première fois en 1928 à Amsterdam. Avec l'arrivée d'Adolf Hitler au pouvoir en Allemagne, les deux frères rejoignent le Parti national-socialiste des travailleurs allemands, et sont mobilisés et obligés de s'éloigner de leur entreprise, durant la deuxième Guerre mondiale. Une période pendant laquelle la gestion de l'entreprise échoit alors à leurs épouses respectives, en leur qualité de cogérantes, mais durant laquelle la firme ne doit son salut qu'aux commandes de l'armée allemande, notamment grâce aux chaussures et aux bottes pour les soldats. De retour dans leur ville Herzogenaurach, en 1945, il était devenu impossible de réconcilier les deux femmes. D'ailleurs, une sombre histoire entre les deux frères viendra entacher le cours des choses et la collaboration fraternelle. En effet, Rudolf, Alias Rudi, un ardent nazi, est soupçonné au moment où il se fait prisonnier par les Alliés, d'être un agent SS. Et il paraît que c'est son propre frère, Adi, qui a donné ces informations aux Américains. Après quoi, les deux frères décident de liquider l'entreprise Schuhfabrik Gebrueder Dassler et de la partager en deux parties égales. Ils feront même construire des cloisons pour diviser les locaux et se partageront les machines. Un partage qui, in fine, sera largement bénéfique à Adi! En effet, ce dernier, avec son surnom, et la première syllabe de son nom de famille, «Das», Adolf crée l'entreprise qui portera officiellement le nom d'Adidas AG et ce, le 18 août 1949. Un an plus tard, il déposera le logo des trois fameuses bandes, logo, qui, au passage, sera utilisé jusqu'en 1997. Par la suite, on ne le verra plus que pour les collections Adidas Originals. Quant à Rudolf, il restera lui aussi dans le domaine de fabrication de la chaussure de sport et fonde Puma, un nom prononçable dans toutes les langues. D'ailleurs, les deux frères s'installent dans la même ville, à la seule différence que Rudi sera de l'autre côté de la rivière Aurach. Un bon produit et surtout de la com' D'ailleurs, bien que les deux marques respectives des deux frères Dassler soient mon-dialement connues, l'histoire d'Adidas demeure incontestablement une des plus belles réussites du domaine, puisqu'en moins de vingt ans, Adidas devint le leader mondial de la fabrication de chaussures dans le domaine du sport. Un succès largement imputé à la personnalité de son fondateur. Cependant, outre la passion inébranlable qu'il vouait à son métier, ce dernier avait très tôt saisi l'importance des retombées médiatiques et de la communication et ce, à travers une des premières stratégies de «sponsoring sportif». Puisque, lors de la finale légendaire contre la Hongrie, l'équipe allemande portait des bottines avec vis goujons par Adidas. Toutefois, la véritable percée est venue pour Adi Dassler quand l'Allemagne gagna la Coupe du monde de football en 1954 en Suisse, que certains appellent «Le miracle de Berne». Une victoire que les Bavarois remportent avec des chaussures à crampons vissés Adidas, une invention que Puma revendique par ailleurs. Deux ans plus tard, aux JO de Melbourne en 1956, Horst, le fils d'Adi, distribuait des chaussures et du matériel à une foule d'athlètes américains, soviétiques ou africains, tous amateurs et trop heureux de l'aubaine. Résultat des courses : 70 podiums pour Adida ! Outre l'athlétisme et le football, le fondateur de la marque aux trois bandes accompagnera le développement de beaucoup d'autres disciplines sportives et s'est efforcé de spécialiser et d'optimiser ses produits en conséquence, comme c'est le cas pour le tennis, le Basket- ball, le Rugby, le Cyclisme, le Tennis de Table, la Boxe ou encore le Cricket. A titre d'exemple, vers les années 60, toujours dans cette quête de diversification des disciplines sportives, l'entreprise s'inté- ressa au tennis, qui, à l'époque, était considéré comme un sport amateur et ce, via la fabrication d'une chaussure qui y est spécialement dédiée. Ainsi, pour la concevoir, la firme a fait appel au tennisman français, Robert Haillet. Elle est fabriquée dès 1963 à Landersheim en France, puis commercialisée un an après sous le nom «Adidas Robert Haillet». Une véritable innovation pour l'époque puisque la paire de tennis en cuir, toute blanche, était aérée par trois rangées de trous. Le cuir était cousu directement à la semelle pour plus de solidité, et qui elle-même est adaptée à tout type de terrain, le tout avec un système de protection du tendon d'Achille. Sans oublier son système de couleur verte et arborant le logo de la marque, qui offrait à la chaussure une identité visuelle unique et marquante. Mais comme un bon produit ne suffit pas seul à faire connaître et à convaincre ses prospects, Adi Dassler, le visionnaire, se mit à la réclame. Il a été en effet le premier entrepreneur à utiliser la promotion sportive pour mettre le public au courant de ses innovations. Il a toujours fait appel aux athlètes pour tester ses créations et a utilisé ces mêmes athlètes célèbres dans la publicité de ses produits. Jesse Owens, Muhammad Ali, Max Schmeling, Sepp Herberger et Franz Beckenbauer devinrent au fil des années, des amis de la famille Dassler. La publicité agressive est également devenue une des pierres angulaires de sa politique d'entreprise, puisqu'Adi Dassler mettait sur le marché une innovation produit pour chaque événement sportif majeur, prouvant la supériorité de la chaussure Adidas. Ainsi, avec son fils, qui, selon certaines sources, prit les rênes de l'entreprise dans les années 1960, Adolf Dassler a créé un véritable empire, s'assurant une présence à toutes les grandes compétitions sportives, partenaires de grandes équipes et grandes personnalités, défendant les valeurs uni- verselles autour du sport. Mais le fondateur décède en 1978 à l'âge de 78 ans, laissant la firme entre de bonnes mains. Horst, ou le fils prodige ?! Mais tout n'aurait pas été aussi rose que l'histoire laisse entendre. Puisqu'à la mort d'Adolf Dassler, son épouse Käthe, reprit la tête de l'entreprise, à la grande déception de Horst qui doit partager le pouvoir avec sa mère, ses quatre sœurs et leurs maris. En outre, bien que l'ensemble des sources officielles tendent à dissimuler cette partie de l'histoire de la marque, certaines sources évoquent un conflit entre Adi et Horst en 1959. Une mésentente qui poussa ce dernier à s'installer à Landersheim en Alsace. Il crée de ce fait Adidas France qui deviendra la base de son empire. Aux côtés de la direction d'Adidas France, Horts lança Arena, qui n'était rien d'autre que la série de produits de natation d'Adidas France. C'est à cette époque que Horst se trouva dans une situation financière difficile. Il demanda ainsi même au directeur des ventes d'Adidas pour la côte Ouest de l'Amérique de lui prêter 1 million de dollars pour «utilisation personnelle». Son but était de pouvoir financer au mieux le développement d'Arena, une bouée de sauvetage pour lui, pensant certainement à quitter Adidas un jour ou l'autre. Il avait ainsi comme projet pour Arena de ne pas se limiter aux produits pour la natation, mais de faire d'Arena un véritable concurrent potentiel d'Adidas. Un projet qui n'a jamais abouti. Mais en moins de 20 ans, la branche française sera devenue plus grosse filiale que la maison mère allemande. D'ailleurs, ce fin stratège et entrepreneur est certainement le personnage le plus important de la famille Dassler, un homme ayant mis la main dans l'engrenage du pouvoir, et étant à la base du sport business comme il l'est à l'heure actuelle. En effet, Horst Dassler aurait été, aux côtés de Patrick Nally, ancien journaliste sportif anglais reconverti dans la publicité, un des fondateurs de «The Club», un groupe ultra sélect qui utiliserait l'argent issu du marketing sportif pour contrôler le sport à une échelle internationale. Il est aussi connu comme étant le père fondateur du sponsoring sportif d'aujourd'hui puisqu'il aura, cette fois-ci, avec le président de la FIFA à l'époque, João Havelange, flairé le potentiel de la mobilisation de la popularité du football au niveau mondial pour les intérêts du business! Victime de problèmes de santé en 1982, KätheDassler souhaitait que son fils Horst revienne en Allemagne et prenne la direction de la maison mère d'Adidas. Elle souhaite en effet régler, au plus vite, le problème de suc- cession, voulant laisser l'entreprise entre de bonnes mains. Elle mourut 12 jours après l'entrée officielle en fonction de Horst à Herzogenaurach. Nous sommes en 1984 et Adidas a désormais le contrôle du Coq Sportif, Arena, Erima et Pony, acquis à partir de 1975. Mais le retour de Horst s'avéra inefficace, et plusieurs usines durent fermer en France suite à de mauvaises décisions marketing. Puis l'arrivée d'autres marques d'équipement sportif, tout aussi agressives, n'arrangea en rien les affaires de la famille Dassler. Nike à leur tête, avec ses capacités à réaliser 40% de bénéfices grâce à ses usines en Asie contre 25% pour Adi- das, qui s'est vue également dans l'obligation de délocaliser en Asie et en Europe de l'Est. Peu avant la Coupe du monde au Mexique en 1986, Horst a dû être opéré d'un abcès cancéreux à un œil dans le plus grand secret. Il mourut le 9 avril 1987, à 51 ans. La descente aux enfers, puis le retour des beaux jours. Après ce décès prématuré, le groupe entre dans une phase de crise. En 1990, Adidas est au bord du gouffre. Les héritiers décident de vendre 80 % du capital d'Adidas, le 7 juillet 1990, la veille de la finale du Mondial de football en Italie, à Bernard Tapie, député des Bouches-du-Rhône et président de l'Olympique de Marseille : une transaction à 244 millions d'euros. Tapie rachète, six mois plus tard, les 15% d'Adidas encore détenus par le groupe suisse Metro. Il change le logo de la marque, renouvelle les collections, revoit la politique de distribution et délocalise une partie de la production en Asie à l'instar de ses concurrents Reebok et Nike. Le groupe, délesté des marques Pony, Le Coq sportif, Arena et Façonnable en 1990, frôle la banqueroute en 1992. D'ailleurs, le 8 décembre de la même année, Tapie met en vente Adidas pour 317 millions d'euros, qui fut acheté le 15 février 1993, pour 315,5 millions d'euros par un groupe d'investisseurs, composé du Crédit lyonnais, de l'UAP et des AGF. Lequel cède à Robert Louis-Dreyfus et quatre associés 15 % en 1993 puis la totalité du capital en décembre 1994, et ce pour 4,4 milliards de francs. Sous l'égide de Robert-Louis Dreyfus, Adidas retrouve le chemin des profits avec, en 1994, l'ouverture d'un magasin rue du Louvre, le lancement de la chaussure révolutionnaire, Predator et la campagne EarnThem signée David Lynch. Nouveau cœur de marché qui témoigne d'un changement culturel pour la marque : les 12-20 ans. Sans oublier, bien sûr, les sportifs pratiquants… En 1994, Madonna, en robe rouge à trois bandes dessinée par son couturier personnel, témoigne de la renaissance d'Adidas. L'entrée aux Bourses de Francfort et Paris, en novembre 1995, consacre le renouveau de la marque, qui redevient une marque «jeune».La société achète ensuite Salomon avant de le revendre, faute de synergies réalisées; puis rachète son concurrent «british», Reebok en 2005. Elle rejoint en octobre 2000 le Dow Jones Sustainability Group Index. Robert-Louis Dreyfus, dit le «sauveur» d'Adidas, quitte la firme en 2001: la valeur d'Adidas est passée de 3 à 20 milliards de francs entre 1993 et 2000 (il détient encore 4,99 % du capital). Le 8 mars 2001, Herbert Hainer, entré chez Adidas en 1987, devenu vice- président, est officiellement nommé président et président du conseil exécutif d'Adidas- Salomon AG. Le 25 octobre 2006, Adidas ouvre son 600ème magasin dans le monde (sur 4.000 points de vente), son navire amiral au 22 avenue des Champs-Elysées, l'Adidas Performance Store, le plus grand au monde, sur plus de 1.750 m2. Le changement du nom en Adidas AG est approuvé en mai 2006 lors de l'assemblée générale ordinaire. Erich Stamminger sera dès lors nommé PDG Adidas, qui a été remplacé le 8 janvier 2014 par EricLiedtke. La société vaut actuellement près de dix milliards d'euros à la Bourse et talonne Nike pour la position de leader mondial des équipements sportifs, notamment grâce à la production d'articles de sport personnalisés :Adidas commercialisera à partir de l'automne de nouvelles chaussures avec une semelle imprimée en 3D grâce à son partenariat avec une start-up californienne, Carbon, pionnier d'une technologie dénommée «Digital Light Synthesis».