Le projet de loi des finances 2016 prévoit, entre autres mesures fiscales, l'augmentation du taux de TVA sur le transport ferroviaire de 14 à 20%. Les arguments avancés pour justifier cette augmentation étant les suivants : - mettre fin à la situation de butoir dont souffre l'Office national des chemins de fer (ONCF), avec un crédit de TVA de l'ordre de 2,6 milliards de dirhams ; - poursuivre la réforme de la TVA en allant vers deux taux (10% et 20%), et en éliminant tous les autres (7% et 14%). Deux arguments qui résistent difficilement à l'analyse, notamment celle du PPS dont le groupe parlementaire a proposé un amendement allant à l'encontre de cette mesure en proposant un abaissement du taux de TVA de 14 à 10% et ce, sur la base des éléments de réflexion développés ci-après. 1- La situation de butoir dans laquelle se trouve actuellement l'ONCF est due à l'importance de ses investissements (dont ceux relatifs au projet de LGV) et surtout à la suppression, en 2007, de l'exonération de la TVA sur les investissements. Une exonération qui facilitait grandement le financement des investissements en évitant aux entreprises de prendre en charge la TVA que les banquiers ne peuvent financer en raison de sa déductibilité. En appliquant l'augmentation projetée du taux de TVA au chiffre d'affaires de l'ONCF, qui n'a augmenté que de 1% en 2014 pour se fixer à 3,6 milliards dirhams, l'absorption du crédit de TVA de 2,6 milliards dirhams demanderait, au moins, une douzaine d'années [2,6/(3,6x6%)], sans tenir compte des investissements à venir et qui viendraient l'aggraver (poursuite du projet LGV et modernisation du réseau par le triplement de la voie ferrée entre Casablanca et Kénitra, doublement complet de la ligne Settat-Marrakech, renforcement des installations de sécurité et de sûreté, construction de nouvelles gares, réhabilitation et acquisition du matériel roulant...). A ce titre, il y a lieu de rappeler que les investissements réalisés par l'ONCF en 2014 ont dépassé la barre des 6 milliards dirhams. La situation de butoir dans laquelle se trouve l'ONCF ne pourrait donc être réglée présentement et à l'avenir que par : un remboursement (échelonné dans le temps si nécessaire) du crédit de TVA de 2,6 milliards dirhams, et c'est ce qui vient d'être conclu dernièrement entre le gouvernement et l'ONCF ; le rétablissement de l'exonération de TVA sur investissements qui était en vigueur avant 2007, et le gouvernement vient d'en accepter le principe au même titre que pour les acquisitions d'avions par Royal Air Maroc. 2° L'augmentation du taux de TVA à 20 % sur le moyen de transport le moins polluant est en déphasage avec la stratégie du pays en matière de protection de l'environnementet, de promotion d'une économie plus verte et plus rationnelle dans l'utilisation des ressources, grâce à une dé-carbonisation des activités économiques. Un moyen de transport qui reste, par ailleurs, le plus sécurisé et le moins «accidentogène» et qui doit être plutôt encouragé dans un pays, comme le nôtre, où les accidents de la route constituent une véritable calamité nationale. 3° Dans la majorité des pays et tout particulièrement chez notre principal partenaire économique (l'Europe), le transport de passagers est considéré comme une activité d'intérêt général en offrant à chaque citoyen une mobilité indispensable à l'intégration sociale : accès à l'emploi, à la formation, aux services de santé ou à d'autres services publics. Si bien que le taux recommandé dans l'Union européenne est de 10 % ; un taux qui n'était que de 5,5 % en France jusqu'en 2013. 4° Le transport ferroviaire est particulièrement utilisé par la classe moyenne qui se retrouverait ainsi, encore une fois, atteinte dans son pouvoir d'achat ; elle, qui décharge déjà l'Etat d'un certain nombre de dépenses (enseignement des enfants, dépenses de santé). 5° L'argument de la réduction à deux du nombre de taux de TVA, procède plus du fétichisme que d'une réelle nécessité de réforme. Avec l'informatisation de la facturation des entreprises et la tendance à la télé-déclaration de la TVA, la multiplicité de taux de TVA ne pose plus de réelles difficultés et ce, comme en atteste le cas de nombre de pays où le nombre de taux va au-delà de deux. Ci-après les taux de TVA appliqués dans un certain nombre de pays : France : 20% - 10% - 5,5% et 2,1% Luxembourg : 23% - 13,5% - 9% et 4,8% Suisse : 8% - 3,8% et 2,5% Tunisie : 18% - 12% et 6% Turquie : 18% - 8% et 1% Belgique : 21% - 12 et 6% Portugal : 23% - 3% et 6% Italie : 22% - 10 et 4% Suède : 25% - 12% et 6%