Abdelahad Fassi-Fehri, membre du Bureau Politique du PPS, chargé des questions de gouvernance publique, a accordé une interview au journal ECOPLUS. Nous la reproduisons pour nos lecteurs. 1- Quelles sont les leviers à mettre à profit par le PPS pour en vue de booster l'emploi ? Nous sommes en train de réfléchir sur notre programme électoral ; il est clair que la question de l'emploi sera au cœur de celui-ci; les leviers seront d'abord la promotion d'une croissance forte et durable qui passe par la promotion de l'investissement ; il faudra des mesures fortes de rétablissement de la confiance et de lutte contre la rente, d'assainissement de l'environnement des affaires, de lutte contre la corruption … ; la fiscalité sera également un levier ; la grande réforme que nous préconisons devra aller dans le sens de l'équité mais aussi de la promotion de l'investissement productif, de l'innovation, de la recherche-développement , les dépenses fiscales devront être soumises à une évaluation très sérieuse : beaucoup ont profité des exonérations sans contre partie significative en matière de création d'emplois. Il faudra continuer également dans la politique d'investissements publics et de grands travaux en les prolongeant par des travaux communaux (orientés vers le désenclavement, la petite hydraulique, le reboisement…) fortement demandeurs de main-d'oeuvre Une politique de promotion de l'auto-emploi et des PME est également indispensable ; ce qui suppose de résoudre les problèmes liés au financement, au coût des facteurs, à la simplification des procédures,… Le système public d'intermédiation (à travers l'ANAPEC et l'OFPPT notamment) devra être sérieusement réformé dans le sens de la territorialisation (dans les bassins d'emploi régionaux), de la transparence du marché du travail, de l'encouragement de l'intermédiation active et de l'amélioration de l'employabilité des demandeurs d'emplois par une politique de formation où les opérateurs économiques auront un rôle essentiel à jouer . 2- A combien vous évaluez le nombre de postes à créer chaque année pour contenir le chômage dans des proportions acceptables ? L'afflux annuel de nouveaux demandeurs d'emplois est estimé à près de 250. 000 personnes ; il faut également résorber le chômage préexistant. L'idéal serait un taux et un processus de croissance permettant une création nette d'emplois au delà de 300 000. Ceci dit, il y a les aspects quantitatifs mais aussi les aspects qualitatifs ; nous voulons la création d'emplois décents et lutter contre l'emploi précaire aussi bien dans le monde rural que dans les villes ; La décence de l'emploi s'exprime en termes de salaires, de conditions de travail, de protection sociale… La précarité de l'emploi ne ressort pas dans les statistiques officielles sur le chômage qui, par conséquent, donnent une image incomplète et enjolivée de la réalité du monde du travail. 3- Quelle est la part des emplois publics dans les emplois à créer ? et dans quel secteur public ? La création d'emplois publics doit répondre aux exigences d'un fonctionnement optimal de l'Administration et des services publics; de ce point de vue, il est important que la création d'emplois publics entre dans le cadre d'une stratégie prévisionnelle de gestion des ressources humaines, à élaborer au niveau régional et comportant le volet «recrutement» mais aussi les volets « formation », «recyclage», «redéploiement»… Les objectifs de cette stratégie peuvent être énoncés comme suit : amélioration des prestations du service public, création d'administrations territorialisées et correction de la centralisation excessive, renforcement de l'encadrement de la population en particulier dans les domaines sociaux : éducation, santé, action sociale, … (où les besoins sont importants et où le niveau d'encadrement de notre population est plus faible que celui de pays comparables). Mais la création d'emplois publics ne peut être une finalité en soi ; un recrutement massif, à l'aveugle, indépendamment des besoins ne peut conduire qu'à une aggravation du coût de fonctionnement de notre administration sans amélioration de son efficacité et de sa qualité et avec une inadéquation aggravée entre les ressources humaines et les nouvelles missions de l'administration, très exigeantes en termes de compétences. 4- la coalition gouvernementale vous imposera à composer avec les autres alliés et donc à composer aussi votre stratégie avec celle des autres partis ? Notre programme est un programme de lutte pour réaliser un certain nombre d'objectifs, que nous soyons au gouvernement au non. Bien entendu, nous soumettrons nos idées au débat avec nos alliés ; nul doute que sur ce plan, nous n'aurons pas, je pense, de difficultés à nous retrouver en particulier avec nos alliés de la koutla… ceci dit, il faudra soumettre à critique les programmes de promotion de l'emploi ou de réforme des systèmes de formation mis en œuvre par le gouvernement Jettou ou le gouvernement Al Fassi pour en tirer tous les enseignements , en particulier sur le plan de la gouvernance et du pilotage des réformes pour corriger les dysfonctionnements et les causes d'échec. 5- Comment vous comptez minimiser l'impact des paramètres qui vous échappent comme la crise économique internationale, la dette publique européenne, celle du Maroc… La mondialisation et l'ouverture d'économique présentent des opportunités mais aussi des menaces pour des pans entiers de notre économie qui sont en retard dans leur mise à niveau économique, sociale et en termes de compétitivité…les accords de libre échange signés par le Maroc doivent être réévalués ; nous en avons moins profité que nos partenaires… Je pense qu'il faut une réorientation en profondeur de nos stratégies sectorielles (émergence, Maroc vert…) en mettant la question sociale et le re-équilibrage entre le marché intérieur et le marché extérieur au cœur de leurs objectifs. Il est impensable que le plan Maroc vert, par exemple, ne mette pas la sécurité alimentaire du pays au cœur de ses objectifs et que nous restions à la merci de la volatilité des prix des matières agricoles , que nous sommes obligés d'importer. La diversification de nos échanges extérieurs et le renforcement de la coopération sud-sud doivent constituer des axes de travail majeurs.