Bill August, Benoit Jacquot, Alex de la Iglesia Toujours plus de cinéphilie ! L'édition 2014 du festival international du film de Marrakech ne déroge pas à la règle, celle qui a vu s'instaurer, lentement mais sûrement, l'une des séquences les plus fortes du festival, et l'une des plus prisées par les cinéphiles, celle des masterclass. Un rendez-vous qui a fidélisé, au fil des ans, un nombreux public, attentif, curieux d'apprendre et désireux d'échanger ; un moment qui a défini ses marques avec toujours plus de cinéphilie, plus de voyages dans la planète cinéma riche de sa diversité, avec des intervenants venus de parcours et d'horizons différents, pour dire, sous le ciel aux mille étoiles de Marrakech, leur passion du cinéma ; dans une ambiance conviviale et dans l'esprit du partage. Cette année, les professionnels du secteur, les cinéphiles, les étudiants des écoles de cinéma, les festivaliers passionnés de cinéma auront à apprécier des interventions de personnalités marquantes du cinéma contemporain. Bill August, la figure de proue non seulement du cinéma danois mais du cinéma nordique. Il arrive à Marrakech auréolé d'une double récompense à Cannes, avec la consécration suprême, la Palme d'or. D'abord en 1987, pour le très beau et émouvant Pelle le conquérant et en 1992 pour Les meilleures intentions. Ce film est justement représentatif de cette dimension scandinave du cinéma de Bill August. C'est, en effet, Ingmar Bergman qui en a proposé le scénario, quasiment autobiographique: «J'ai minutieusement étudié Pelle le conquérant et je ne vois personne que j'aurais pu préférer à Bill. J'ai vu sa chaleur, son professionnalisme, sa précision et tous les non-dits qui sous-entendent son travail», dit le maître suédois à propos de Bill August. Très ancré dans son environnementlocal et régional, le cinéma de Bill n'hésite pas à s'ouvrir sur d'autres horizons et d'autres thématiques passant du Chili des années 20 à l'Afrique du sud de l'apartheid, se basant sur des scénarii originaux ou des adaptations de best-seller de la littérature mondiale. Avec Silentheart, son tout nouveau film que le FIFM nous présente en cerise sur le gâteau, il retrouve l'univers familial intime. Un autre auteur qui n'hésite pas à puiser dans la littérature sera au rendez-vous à Marrakech, le réalisateur, scénariste et metteur en scène français Benoit Jacquot qui a démarré sa riche et foisonnante carrière, auréolée de récompenses prestigieuses, par une adaptation de Dostoïevski. Ayant appris le cinéma auprès de grands noms du cinéma français : Marcel Carné, Roger Vadim, Marguerite Duras... Benoit Jacquot se présente comme un héritier de la Nouvelle vague dont il prolonge ce souci majeur de ne pas laisser le cinéma s'enfermer dans des schémas définitifs. Sa carrière reflète cette démarche de quête au niveau des genres et des styles. Benoit Jacquot a ainsi fait de la fiction, des documentaires et a beaucoup travaillé pour la télévision mais avec des constantes où nous retrouvons un hymne à la femme et l'amour des comédiens. Il dit dans ce sens : «Je fais du cinéma pour être proche de ceux qui font les films, les acteurs». Sa grande cinéphile se nourrit des échanges qu'il anime dans les universités ou par son engament au sein du groupe de réflexion L'exception où il rencontre d'autres cinéastes, des philosophes et des critiques. Une rencontre qui promet. Autre profil, autre style, qui vient échanger avec les cinéphiles du FIFM, le réalisateur, scénariste et producteur espagnol, Alex de la Iglesia. Considéré à juste titre comme l'un des cinéastes les plus doués de sa génération ; n'at-t-il pas démarré sa carrière en décrochant pour son premier film, Action mutante en 1992, trois Goyas, consécration suprême du cinéma espagnol ? Devenu cinéaste culte, de renommée internationale, de la Iglesia n'hésite pas à défrayer la chronique en se positionnant radicalement sur des questions qui partagent encore la profession du cinéma non seulement en Espagne mais dans le monde, notamment par rapport à Internetet à la question des téléchargements : «Tant qu'il n'y a pas d'offre légale de téléchargement, on ne peut pas parler de téléchargement illégal !», dit-il. Une position inédite qui lui vaut le départ de la présidence de l'académie du cinéma espagnol. Celui que l'on présente comme le Tarantino espagnol développe un cinéma nourri d'une cinéphilie très éclectique qui va de Bergman à la bande dessinée. Surfant sur un cinéma de genre notamment le fantastique, sa démarche est portée par une cohérence d'ensemble qui défend des valeurs comme l'image de femmes fortes et engagées qui se lit en contre-pied de son film Les sorcières. *** Le cinéma est un «je» ! Avec Daoud Aoulad Syad Quel est le premier film que vous avez vu ? Et où l'avez-vous vu ? Sincèrement, je n'ai aucun souvenir. Les films qui me viennent à l'esprit sont les films western, Hindou et les films du Karaté. Bien sûr tous ses films je les ai vus à Marrakech: aux salles de cinéma de la médina à Marrakech : Mabrouka, Kenaria (Eden) et Atlas. D'où vient votre envie de faire des films ? Je voulais raconter des histoires. Non pas avec des mots mais avec des images et du son. Un film que vous mettrez en tête de liste de vos préférés Citizen Kane. Un film qui m'a bouleversé par son contenu et surtout son aspect formel. Une scène de film inoubliable ? La scène dans le film "Et la vie continue" de Abbas Kiarostami. Quand l'enfant demande à son père de faire pipi. Un gros plan qui vous bouleverse ? Bien sûr le plan dans le film «Le chien andalou « » de Buñuel. Le très gros plan de l'œil avec la lame du rasoir. Le dernier film qui vous a fait pleurer ? «Virunga». Un film documentaire que je viens juste de voir au festival d'Abu Dhabi. Une réplique que vous connaissez par cœur ? Je n'arrive pas à retenir de répliques. Par contre, j'ai plein de séquences de films dans ma tête. Quel actrice ou acteur aimeriez-vous filmer ? Plein de personnes. Mais n'oublions pas que c'est le rôle qui choisit l'acteur. Aujourd'hui, vous diriez que le verre est à moitié vide ou à moitié plein ? A moitié plein. Je suis très optimiste pour l'avenir. *** Avec Selma Bergach Quel est le premier film que vous avez vu ? Et où l'avez-vous vu ? Les films de Charlie Chaplin en super 8 ... projetés sur un mur D'où vient votre envie de faire des films ? Quand j'étais enfant je fabriquais des films en papier... Les bandes dessinées m'ont donné cette envie de faire vivre les histoires Un film que vous mettrez en tête de liste de vos préférés «Les enfants du paradis» de Marcel Carné, mais il y en a beaucoup d'autres .... Une scène de film inoubliable ? La fin du «Temps des gitans» d'Emir Kusturica Un gros plan qui vous bouleverse ? « Hiroshima mon amour « d' Alain Resnais, les corps qui s'étreignent comme un amas de cendres. Le dernier film qui vous a fait pleurer ? «The ballad of Jack and rose» de Rebecca Miller Une réplique que vous connaissez par cœur ? « Vous parlez comme un enfant, c'est dans les livres qu'on parle comme ça ou dans les rêves. Mais dans la vie....» Les enfants du paradis Quel actrice ou acteur aimeriez-vous filmer ? Daniel Day Lewis et Juliette Binoche Aujourd'hui, vous diriez que le verre est à moitié vide ou à moitié plein ? A moitié plein.