La main sur le cœur, ils entonnent l'hymne national, puis se dirigent dans un joyeux “brouhaha” vers le réfectoire de cette école de New York, où leurs parents, en majorité des Marocains établis aux Etats-Unis, sont venus suivre les progrès de leurs enfants, après un semestre d'apprentissage de la langue arabe, mais surtout de la culture et des traditions marocaines. Ils sont quelque 90 enfants, âgés de 5 à 11 ans, à bénéficier de ces cours hebdomadaires contre une cotisation symbolique, dans cette école publique de Brooklyn, une des cinq circonscriptions de la ville de New York. “Ici, ils apprennent la langue arabe, enseignée par des bénévoles marocains”, explique Adil Oualim, président de l'Association MAHA (Moroccan American House Association), à l'origine de cette initiative. Certains d'entre eux n'ont jamais été au Maroc, le seul lien avec le pays, en dehors des parents, reste la communauté. “Il y a beaucoup d'associations mais elles sont trop éloignées de nos us et coutûmes”, expliquent les membres de cette jeune association qui a vu le jour en janvier 2010. Mais, disent-ils, “nous restons ouverts à toutes les communautés”. En effet, parmi les bénéficiaires figurent aussi des Algériens, des Yéménites, des Palestiniens, tous séduits par “un prix très compétitif”, 25 dollars (200 MAD) par enfant, mais également par “l'approche originale” de l'apprentissage. Dans les quatre salles de cours réservées chaque samedi à l'association, moyennant une contribution annuelle, chaque élève doit d'abord reconnaître l'initiale de son prénom parmi les lettres en alphabet arabe déposées en vrac à l'entrée avant de regagner sa place. Aujourd'hui, ils étudient la lettre “J” associée à un fruit, la noix (Jaouz en arabe) et à un costume, la djellaba, et pour ce faire, ils remontent à travers les échoppes dans les souks de Rabat, Fès ou Meknès à la découverte des artisans marocains. Un voyage à travers les villes impériales, un clin d'œil à l'histoire du Maroc. “Nous répondons au vœu des parents. Ils souhaitent un enseignement proche de leur culture”, explique Safia, originaire de Kenitra, en charge de la classe des +touts petits+. “Tous les manuels sont basés sur la méthode de l'éducation nationale”, dit-elle à la MAP, en montrant des livres de maisons d'édition marocaines. “On a recours à internet pour les familiariser avec la recherche en arabe et compléter certaines notions”, précise les responsables de l'association. Dans la classe mitoyenne, les enfants un peu plus âgés sont regroupés autour de Ouafaa, une autre volontaire, qui les initie à l'art culinaire marocain. “C'est une méthode d'apprentissage très ludique, mais qui a l'avantage de retenir leur attention”, explique Hafida Torres, maman de deux jumelles et également membre de l'association MAHA. La plupart des enfants sont nés ici, fréquentent les écoles publiques américaines. “Pour une parfaite intégration ils ont besoin de connaître leur culture et leur origine”, dit-elle. Trois étages plus bas de cette école publique (PS170), située dans un quartier très animé de Brooklyn, Adil Oualim presse les parents à s'impliquer davantage dans cette “jeune expérience” et à apporter leur soutien, notamment pour la formation d'une équipe de foot ball. Il partage également avec eux le programme des prochaines portes ouvertes consacrées au 7ème art national, prévues en avril prochain. “Nous nous inscrivons dans une interaction régulière avec les parents”, explique le président de MAHA, convaincu de l'importance de leur implication, à travers leurs idées ou contribution effective dans les activités, dans la réussite de ce projet. “L'association nous donne ce rayon de soleil marocain qui nous manque tellement ici et à un prix très abordable”, souligne une jeune femme, mère de trois enfants, qui a rejoint son mari depuis trois années, durant lesquelles elle n'est pas retournée à Mohammedia, sa ville natale. Très nostalgique, elle explique ne pas pouvoir envisager de retourner au pays dans l'immédiat en raison des prix “prohibitifs” du billet d'avion, surtout avec trois enfants à charge. “Vous savez, les moyens ne suivent pas toujours”, dit-elle, regrettant les jours heureux écoulés dans son Maroc natal. “Ici, c'est bien aussi, mais il faut travailler dure”. Mais MAHA, c'est aussi “un cadre d'écoute et d'aide” à la communauté. Les Marocains fraîchement arrivés aux Etats-Unis savent “pouvoir compter sur l'association” pour les orienter, leur faciliter leur installation ou les renseigner sur les centres d'apprentissage de la langue anglaise. C'est une “fenêtre sur notre culture”. Notre objectif, expliquent les membres de l'association, est de contribuer à rendre les jeunes générations “conscientes qu'elles ont une richesse à apporter à leur pays d'accueil”. Mais déjà la sonnerie retentit. Le temps qui leur est imparti pour la journée touche à sa fin, parents et membres de Maha se dépêchent de nettoyer le réfectoire et se donnent rendez-vous samedi prochain.