Le monde entier fête la poésie. Cette fête, coïncidant avec le 21 mars, est devenue une tradition annuelle depuis sa proclamation par l'UNESCO. Fête dont l'objectif est sans doute d'encourager des poètes de par le monde, valoriser la poésie, inciter à la production du vers, redorer le blason de l'art poétique dans une ère où ce dernier est farouchement concurrencé par d'autres arts. Des arts auxquels s'entremêlent, entre autres, l'industrie, l'économie, les médias, l'écran, la technologie. C'est dire que l'homme moderne affiche une manifeste propension à consommer l'image. Facilité, commodité et confort sont garantis. L'Homme moderne ne se donne plus le temps de lire des vers. D'en analyser le contenu. D'en estimer la valeur esthétique. Si dans le passé le poète était mis sur un haut piédestal car il était, sans conteste, le producteur de paroles et de mots sages, aujourd'hui la donne a trop changé. Le poète est, aux yeux de la société mercantiliste, un marginal, un rêveur, un diseur de mots et un désœuvré. La société est prise dans le piège de la consommation et de gadgétisation. Qui de nous ne se rappelle pas les premiers poèmes découverts et étudiés à l'école ? Un florilège de textes poétiques, en arabe et en français, nous reviennent à l'esprit, de manière très vive, dès que nous pensons aux années que nous avons passées sur les bancs de l'école. Souvenance marquée d'émotion, d'images, de sensation et de morale. Aujourd'hui, des études probantes ont montré que la poésie ne possède à l'école qu'un strapontin. Sa marginalisation par les curricula s'explique dans une large mesure par les nouvelles attentes de l'école, des apprenants et de la société. Pour ne prendre que l'exemple de l'enseignement de la poésie dans l'école marocaine, force est de constater que la dimension esthétique est sacrifiée au profit de didactisations trop attachées à la récitation, à la mémorisation et à la bonne diction. Aussi, le plaisir d'apprendre, de savourer la portée et les significations possibles du poème s'émousse-t-il à la longue et cède naturellement la place au rejet, ou du moins à la démotivation. Les poèmes choisis par les concepteurs des manuels scolaires n'interpellent pas les apprenants. L'enseignant, soucieux d'appliquer à la lettre les recommandations pédagogiques, insiste davantage sur la lecture, la diction, la correction phonétique et les aspects formels du poème proposé. Comme si la poésie n'était destinée qu'à cela ! Nous estimons que l'enseignement de la poésie dans notre école doit être remis en question. Il serait opportun de faire de cet enseignement un moment privilégié de sensibilisation aux aspects esthétiques des poèmes, aux valeurs véhiculées. Lesquelles doivent être en étroite relation avec des thématiques universelles comme l'amour, l'amitié, la paix, la tolérance et l'altérité. La poésie engagée serait également la bienvenue car elle initiera l'apprenant, lui donnera les moyens d'avoir une vision critique à l'endroit de soi, de la réalité, sous toutes ses formes, de l'espace où il évolue. Ce faisant, notre société, notre école bien particulièrement, iront dans le sillage de ce qui est préconisé par l'Unecso, à savoir «se mobiliser pour que la poésie trouve sa place traditionnelle dans la vie de la cité et qu'elle poursuive sa vocation universelle au service de la diversité culturelle et de la paix dans le monde».