Le gouvernement Benkirane s'apprête à rendre publique la déclaration de son programme, tant attendue. Le comité de la coalition à charge de cette besogne à déjà peaufiné son esquisse et sa présentation à l'hémicycle n'est, en fait, qu'une question de quelques jours. De toute évidence, le fait que l'exécutif compte relever le SMIG à 3000 dhs suscite des réactions multiples aussi bien dans les milieux politiques que les masses populaires. Les uns et les autres s'interrogent sur la véracité de cette démarche, au regard de la conjoncture plutôt contraignante et l'impact qu'elle générerait dans le processus de productivité et de compétitivité. En tous cas, le débat autour de cette mesure va bon train, d'autant plus que l'équipe gouvernementale ne cesse de mettre en avant des signaux en termes de gouvernance et de reformes multiformes de plus en plus jaillissants. Pour jeter plus d'éclairages sur cette volonté manifeste d'augmenter le SMIG, nous accueillons aujourd'hui Mohamed Yaouhi, économiste, enseignant chercheur à l'université Ibn Zohr d'Agadir qui a bien voulu répondre à nos questions : Al Bayane : Incessamment, le gouvernement présentera son programme devant les députés de la Nation. Ces derniers jours, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts concernant cette augmentation du SMIG à hauteur de 3000 dhs, qu'en dites-vous ? Med Yaouhi : Le rehaussement des salaires tant dans le secteur privé que dans le secteur public sera une erreur fatale entrainant des répercussions néfastes tout d'abord sur: 1- le budget de l'Etat qui souffre déjà d'un déficit chronique 2- le niveau général des prix aura tendance vers la hausse (effets inflationnistes). En cas d'insuffisance de l'offre nationale, il y aura besoin de combler le manque par l'importation, ce qui aggravera le déficit commercial déjà flagrant. 3- l'augmentation des salaires du secteur privé accentuera les coûts des entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises, qui souffrent déjà de problèmes de financement, mais qui sont plus créatrices d'emplois, ce qui limitera la compétitivité de ces entreprises et pourra même les condamner, et constituera de la sorte, une ponction sur leur capacité de création d'emploi. En effet, l'augmentation des salaires pourra sans doute améliorer la situation de ceux qui occupent des postes d'emplois, mais constitue un fardeau réel pour les entreprises, et diminue sensiblement les opportunités d'embauche pour les chômeurs (bombe à retardement). Qu'en est-il pour les entreprises, en particulier celles qui se lancent dans les exportations ? Les entreprises exportatrices souffriront de l'augmentation de leurs coûts de production, du fait de l'augmentation des salaires, qui constituent une composante essentielle des coûts de production, ce qui détériorera la compétitivité des entreprises exportatrices marocaines par rapport aux concurrents redoutables d'autres pays, qui profitent d'une main d'œuvre bon marché et plus qualifiée. Quels effets pour Les entreprises nationales ? S'agissant des entreprises nationales, elles seront obligées d'augmenter les prix pour récupérer une partie des surcoûts occasionnés par l'augmentation des salaires, ce qui engendrera des effets inflationnistes. Cette augmentation des prix stimulera de nouvelles revendications d'augmentation des salaires, ....et ainsi de suite, c'est ce qu'on appelle en économie: Spirale inflationniste. Les investissements étrangers seront-ils affectés par ce relèvement ? Concernant les investissements étrangers, et sachant que les salaires constituent un élément décisif quant au choix des pays d'accueil, l'attractivité de notre pays aux investissements directs étrangers sera sensiblement amenuisée, notamment dans un contexte dans lequel les effets de la crise sont toujours si influents, et où le souci de diminution des coûts de production est forts prééminent. La baisse des investissements étrangers aura un impact direct sur la balance de paiement nationale, la création d'emplois, le transfert technologique et le savoir faire vers notre pays. L'augmentation du SMIG pourra sans équivoque, amener les cadres moyens et supérieurs à demander, à leur tour, des augmentations de salaires, ce qui enclenchera de nouvelles contestations, revendications et tensions sociales. Quelle conclusion tirez-vous de ces constats ? Pour toutes ces raisons, analysées théoriquement, et expérimentées empiriquement dans plusieurs pays, pour le bien de notre pays et en prenant en considération la solidarité entre les composantes du gouvernement Benkirane au niveau et de la gouvernance et des résultats (dont le PPS assumera une part de responsabilité), je suggère et après concertation des experts, au président du gouvernement pour se désister à prendre une décision qui n'est pas bien calculée, mais qui découle, sans doute, de la bonne foi de Mr Benkirane. En contrepartie, la solution que je propose modestement, c'est d'agir sur les prix, de les revoir à la baisse, notamment les prix des biens de première nécessité, et ceux des biens stratégiques pour les marocains. Donc, nous optons pour une amélioration du revenu réel des citoyens, au lieu d'une augmentation du revenu nominal qui sera vite annihilée par des effets inflationnistes.