Le modèle marocain et le modèle finlandais sont-ils compatibles ? Pour le simple citoyen marocain, la Finlande est un pays lointain qu'il a découvert dans les manuels scolaires ou prospectus touristiques et dont personne ne parle dans les médias. C'est un Etat réputé pour être un territoire couvert de neige, sans grand club de football ni fameux acteurs de cinéma. Ce que le Maroc et la Finlande ont en commun est qu'ils sont deux Etat souverains, disposent de lignes aériennes propres et sont représentées dans plusieurs organisations internationales. Là s'arrêtent les points de similitude. Ce que le citoyen moyen marocain ignore est que la Finlande est le modèle de pays avancé où le taux de chômage est le plus bas en Europe, et qu'elle est la nation la moins corrompue de la planète et dont le niveau éducatif et de recherche scientifique est le plus fiable. Pourtant, il y a trois décennies, ce petit pays nordique pataugeait dans les mêmes problèmes socioéconomiques que le Maroc (dans la même époque) avec un taux de chômage de 20%, des entreprises en banqueroute et des échanges commerciaux tournés vers l'ex-Union Soviétique à hauteur de 25% du commerce extérieur. Elle devait se soumettre à un plan de sauvetage et de redressement économique qui lui coûtait 8% de son Produit intérieur brut (PIB). A la disparition de l'URSS, au début des années 90, de nombreux secteurs économiques furent emportés par la chute des échanges commerciaux, dont les industries du bois, les chantiers navals et l'immobilier qui constituaient les fondements de l'économie finlandaise. En l'espace de trois décennies, la Finlande est cité comme un modèle à imiter non seulement par des pays dits en voie de développement ou émergents, tel le Maroc, mais également par ses voisins européens comme l'Espagne. Les Finlandais n'avaient pas recouru ni à la hausse des impôts, ni au gel des salaires des fonctionnaires ni à l'austérité budgétaire pour redresser les finances publiques. Ce sont les politiques, toutes tendances confondues qui se sont mis d'accord sur l'instauration d'un modèle économique propre en vue de sauver le pays de l'effondrement total. Les lignes imaginaires entre les idéologies devaient disparaitre pour permettre un grand consensus entre gouvernement et opposition afin de remettre l'économie sur la bonne direction. Les Finlandais avaient alors décidé, sur la base d'une décision commune, de dévaluer leur monnaie et surtout réduire le déficit public et opté pour des formules plus souples tendant à alléger la pression fiscale sur les entreprises. Ces mesures ont été accompagnées d'autres plus pratiques dont les résultats seront comptabilisés à moyen-long terme. L'éducation et l'investissement dans la recherche scientifique et technologique pour la formation de travailleurs qualifiés étaient les deux piliers fondamentaux du nouveau modèle économique. Les successifs gouvernements finlandais ont porté la rubrique investissement/développement (I+D) de 1,8% au budget général de l'Etat en 1991 à 3,5% en 2004 et à 5% actuellement. Résultat: depuis 2002 (à l'issue seulement de deux décennies), la Finlande a surclassé les Etats-Unis pour devenir le pays le plus compétitif du monde. Son système éducatif est le plus avancé d'Europe. Ceci démontre que la formation va de pair avec la croissance économique et que des travailleurs qualifiés sont en mesure d'innover, créer de la richesse et contribuer à l'amélioration de la balance commerciale et de la productivité de l'entreprise. Logiquement les recettes du trésor de l'Etat vont également progresser sans besoin d'augmenter les prix des produits de première nécessité, ni geler les pensions des retraités ni revoir les statuts de la Caisse de compensation (qui n'existe pas dans ce pays). La solution se trouve dans l'efficacité du modèle économique appliqué. Il va de soi que le niveau de vie des Finlandais a évolué comme conséquence de la bonne politique de redressement économique. Ceci corrobore également une autre évidence selon laquelle le respect de la valeur des connaissances fait partie de la culture d'une nation qui croit que l'investissement dans l'éducation est l'affaire de tous, pouvoirs politiques et entreprise. Pour pouvoir survivre, l'entrepreneur est appelé à sacrifier une partie des bénéfices de son entreprise au profit de la recherche et l'innovation. L'emploi de jeunes chercheurs et licenciés devient indispensable. Le travail «au noir», l'évasion fiscale et le blanchement de l'argent sale sont alors bannis de la terminologie de cet entrepreneur modèle. Peut-il le Maroc atteindre les mêmes performances pour devenir la Finlande du Maghreb et d'Afrique dans les prochaines décennies ? Quels sont les instruments à utiliser à cette fin ? Le royaume dispose actuellement des mêmes instruments que ce petit pays, tels un parlement pour légiférer des lois, des instances judiciaires spécialisées dans la lutte contre toute sorte de fraude, des universités dans l'ensemble du territoire et un énorme capital humain sous-employé. Cependant, les médias nationaux rapportent chaque jour des informations relatives à l'implication d'entrepreneurs, conseillers élus ou fonctionnaires dans des délits de corruption, d'abus de pouvoir et de fraude fiscale. Ces conduites représentent une grave menace pour la réputation du Maroc et inquiètent de potentiels investisseurs étrangers. La Finlande, qui est citée comme le pays le moins corrompu du monde, doit cette réputation à la culture du Finlandais mais aussi à un modèle social basé sur la stricte transparence dans toute affaire publique ou privée. Une étude d'Ana Ariza, analyste de l'institut Foncava Gestion, spécialisée en matière d'investissement et marché des valeurs, à laquelle a eu accès Al Bayane, révèle les clés du succès de la Finlande dans la lutte contre la corruption, qui peuvent parfaitement être appliquées au Maroc et dans tout autre pays du monde. D'abord, ce pays a opté pour le principe de transparence totale des administrations publiques où toute décision prise par un fonctionnaire dans le cadre de son activité (sauf celles en rapport avec la sécurité) peut être connue par l'ensemble des citoyens. Il est illégal d'agir contre cette norme. De même, toute opération d'achat à effecteur par les administrations publiques, allant d'un crayon à un quartier général (ensemble d'édifices) doit se faire à des prix du marché y compris le recours à trois devis contradictoires de fournisseurs pour pouvoir choisir la meilleure offre. «C'est-à-dire que si un stylo à bille te coûte 100 euros, bien qu'il y ait une facture, n'est pas admissible parce qu'il s'agit d'une simple et apparente escroquerie». En Finlande, est également respecté le principe de transparence totale dans les comptes et comptabilité des citoyens. Les Finlandais sont en mesure de savoir quelles sont les recettes déclarées de tous les résidents du pays, c'est-à-dire l'ensemble des habitants sans nulle exception. Il n'y a pas de maire car la gestion des municipalités est assurée par les fonctionnaires (publics) dotés d'expérience dans l'administration des entités de telle catégorie. Si un citoyen a des doutes sur le comportement d'une personne qui voulait passer outre la volonté des électeurs peut agir pour demander son licenciement ou remplacement par le conseil municipal. Seul Helsinki fait exception à ce modèle. Les postes ministériels (de conseillers surtout) sont couverts par des fonctionnaires publics suivant un barème et dont l'accès est ouvert à tous les Finlandais, et non aux militants des partis au pouvoir désignés selon leurs mérites au sein de leurs organisations politiques. De manière, il n'y a pas de désignation discrétionnaire de conseillers ministériels de la part du ministre ou du parti au pouvoir à des postes de libre disposition. Tout ceci est complété par le principe de proportionnalité dans la sanction. Le montant des peines d'amende est proportionnel aux recettes de l'individu ou l'entreprise incriminée. Ce principe, en compagnie à l'image sociale qui va parallèlement dans un cas de corruption, a un effet dissuasif. Nos hommes politiques, honorables élus, entrepreneurs et simples citoyens sommes-nous en mesure d'agir comme de bons contribuables et emboîter le pas aux finlandais. Tous les principes cités antérieurement, qui font de la Finlande un exemple à citer et à suivre, n'ont aucun coût matériel. Il suffit seulement de s'atteler à l'éthique, au devoir de citoyenneté et à l'application surtout des lois en vigueur.