Quelles relations politiques, économiques et culturelles ? Tel est le thème de la rencontre organisée, le 9 janvier dernier à Rabat, par l'Association des économistes marocains(AEM), portant sur la présentation de l'ouvrage de Samir BENNIS intitulé «Maroc-Espagne, les relations politiques, économiques et culturelles 1956-2005», paru aux éditions Confluence en 2008, 221 pages , préfacé par Ismail ALAOUI, ancien ministre de l'Education nationale et ancien ministre de l'Agriculture. Prenant la parole, Ismail Alaoui a qualifié les relations historiques entre l'Espagne et le Maroc de néolithiques et complexes. Remontant à la période des Phéniciens et des Romains, et puis la période de l'apparition de l'Islam en péninsule ibérique, Alaoui a précisé que Sebta est tombée dans les mains des «Ibériens» en 1415 après avoir été sous domination portugaise. La complexité des relations entre les deux pays se révèle à quatre niveaux. Le premier concerne la position de l'Espagne au titre de la récupération du Sahara dit «occidental». Le décès du Général Franco et l'organisation par le Maroc de la marche verte en 1975 ont aidé à la récupération du Sahara. Le deuxième porte sur le refus de l'Espagne de la décolonisation de Sebta et de Melillia et qui constitue «un contentieux en suspens dans les relations entre les deux pays». Le troisième niveau de complexité est lié à la question de la pêche maritime abordée par l'auteur de l'ouvrage au quatrième chapitre. L'exploitation des richesses halieutiques remontant au quatorzième siècle s'est traduite par la colonisation de Tarfaya et puis Sidi Ifni et constitue «une monnaie d'échange» dans les relations entre les pays des deux rives de la méditerranée. Enfin, le quatrième axe concerne la question de l'émigration des Marocains vers l'Espagne, «le Maroc étant accusé par les médias et le gouvernement espagnols de fomenter l'émigration clandestine». Crise économique espagnole et intégration de Sebta et Melillia Par la suite, Ismail Alaoui s'est posé trois questions fondamentales : Le conflit entre l'Espagne et le Maroc n'a-t'il pas une fin ? Quel devenir pour les relations commerciales entre les deux pays ? Les peuples concernés n'ont-ils pas de suffisamment de poids pour éviter définitivement une «guerre» entre les deux pays ? Enfin, Alaoui précise que la crise économique que vit l'Espagne actuellement influera sur les relations entre les deux pays. Avec l'avènement de Sa Majesté le Roi Mohamed VI et sous le poids des projets structurants engagés, tels que Tanger MED et les projets économiques de Nador, la régionalisation avancée en prévision et la nouvelle constitution, l'intégration de Sebta et de Mélillia dans la politique économique s'avère possible. «La nouvelle constitution dépasse de loin la constitution espagnole, sachant, faut-il le préciser, que l'Espagne nous devance en matière de régionalisation». «Ce qui se passe, souligne Ismail Alaoui, entre l'Espagne et le Maroc concernant la ville de Sebta ainsi que Mélillia ressemble à ce qui s'est passé entre la Chine et Hong Kong. Les deux villes s'approvisionnent en produits alimentaires et en carburant auprès des villes marocaines, il n'a qu'à voir la file des voitures des deux présides traversant les frontières. Si on avance au Maroc dans le domaine de la régionalisation avancée, on pourrait arriver à une intégration progressive des deux villes» «L'Espagne devrait, conclut Alaoui, regarder ce qui se passe dans le monde. Elle ne peut pas continuer à coloniser des villes d'un pays qui évolue et progresse économiquement, politiquement et socialement». Classe politique et médias espagnols Après les précisions apportées sur la position de la classe politique espagnole (Union du centre démocratique, Parti socialiste ouvrier espagnol, Parti populaire et Parti communiste) sur Sebta et Melillia ainsi que sur l'image du Maroc en Espagne, Samir Bennis a abordé les sondages d'opinion en péninsule ibérique présentant le Maroc comme un ennemi, ce qui implique le renforcement de la diplomatie et de la société civile pour redorer l'image du Maroc. La « délocalisation » adoptée par l'Espagne en direction du Maroc, tel que le souligne Mustapha M'Chiche Alami, qui émet le souhait de voir publiés des ouvrages en espagnol à distribuer à l'opinion publique, doit être suivie par un développement de l'emploi au Maroc, comme le précise Mohamed Chiguer, pour mettre fin au commerce clandestin et «aux femmes mulets». «Il faudrait clarifier les stratégies diplomatique, politique, économique et culturelle » et renforcer la présence marocaine dans les manifestations extérieures», conclut El Mostafa El Ktiri, Haut commissaire aux Anciens résistants et anciens membres de l'Armée de libération, Président de l'AEM. «La recherche en histoire et la traduction d'ouvrages à l'espagnol constituent une forme de communication pour peser sur l'opinion publique espagnole». *Ingénieur d'Etat Statisticien Economiste, membre de l'Association des Economistes Marocains.