Des réformes novatrices Depuis l'intronisation du roi Mohammed VI, une nouvelle ère en matière de respect et de promotion des droits de l'Homme a été inaugurée. En ce sens, de profondes réformes, normatives et institutionnelles, ont été entreprises dans la perspective de réhabiliter le champ des droits de l'Homme au Maroc. Ces réformes sont pour le moins novatrices et impressionnantes. Elles témoignent de la volonté du Maroc de capitaliser sur les acquis du passé et de parfaire l'adhésion du royaume au système des droits de l'Homme, tels qu'ils sont universellement reconnus. Cette dynamique réformiste a été largement saluée par la Communauté internationale. Aussi convient-il de préciser que cette politique fut l'objet de mesures concrètes ayant pour objectif la consolidation des droits de l'Homme via l'amélioration continue de leur cadre législatif et le renforcement des institutions œuvrant au respect et à la promotion de la culture des droits de l'Homme. Décidé à clore le dossier des violations des droits de l'Homme, le Maroc a mis en place de nouveaux mécanismes extrajudiciaires, en l'occurrence le processus de justice transitionnelle. Le cadre juridique Il convient de souligner que l'approche du Maroc en matière de droits de l'Homme trouve son fondement juridique dans la Constitution du royaume, considérée comme le cadre normatif majeur, suivie par le dispositif international en la matière. La Constitution de 2011 La Constitution marocaine figure comme le fondement juridique de l'approche du royaume en matière de respect et de promotion des droits de l'Homme. En effet, si la première Constitution de 1962 a posé les premiers jalons de la protection des droits et des libertés des citoyens, la Constitution de 2011 mérite à juste titre le statut de véritable Charte des droits et libertés. Il s'agit d'un constat qui ne souffre aucune ambiguïté. Ainsi, dès son préambule, le texte constitutionnel réaffirme « (...) l'attachement [du Maroc] aux droits de l'Homme tels qu'ils sont universellement reconnus ». A ce titre, le Maroc s'engage à s'inscrire positivement dans la dynamique internationale visant à promouvoir les droits de l'Homme sur l'échiquier international, et à contribuer activement à leur développement, dans leur indivisibilité et leur universalité. Soucieux en outre de protéger la diversité et la richesse de l'identité nationale, le constituant marocain de 2011 a prévu, au niveau de l'article 5 de la Constitution, la mise en place d'un Conseil national des langues et de la culture marocaine «(...)chargé notamment de la protection et du développement des langues arabe et amazighe et des diverses expressions culturelles marocaines, qui constituent un patrimoine authentique et une source d'inspiration contemporaine». La nouvelle Constitution, adoptée par une large majorité de la population marocaine lors du référendum du 1er juillet 2011, garantit à tous les citoyens, individus ou groupes, une panoplie de droits, politiques, économiques et sociaux dont on peut citer le droit à la vie, le droit à la sécurité, le droit de propriété et le droit à l'information. D'autres garanties sont mises en place par la Loi fondamentale du royaume, notamment les libertés de circuler et de s'établir sur le territoire national, d'en sortir et d'y retourner, les libertés de création, de publication et d'exposition en matières, littéraire et artistique et de recherche scientifique et technique, les libertés de réunion, de rassemblement, de manifestation pacifique, d'association et d'appartenance syndicale et politique. Quant à l'approche genre, le texte constitutionnel consacre la parité entre les hommes et les femmes et crée, à cet effet, une Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination. Ainsi, l'article 19 de la Constitution dispose que «L'homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental (...)». Autant dire que la nouvelle Constitution marocaine honore sans failles sa vocation de véritable charte des droits de l'Homme. La place prépondérante du référentiel juridique international Un fait mérite d'être souligné de prime abord : la constance du Maroc à accorder une place éminente aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'Homme et à veiller à l'harmonisation de sa législation interne avec les conventions internationales y afférentes. C'est dans cette perspective que le royaume a adhéré à la majorité des conventions et pactes internationaux relatifs aux droits de l'Homme, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la convention internationale contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la convention relative aux droits de l'enfant, la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et la convention internationale sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille. Conformément aux dispositions de ces conventions, le Maroc présente périodiquement, devant les organes internationaux compétents, des rapports concernant leur mise en œuvre. La place du référentiel juridique international dans l'ordre juridique interne est expressis verbis affirmée par de nombreux textes législatifs, qui prévoient l'obligation de respecter les conventions internationales auxquelles le Maroc est partie. En ce sens, la nouvelle Constitution dispose dans son préambule que le Maroc s'engage à « (...) accorder aux conventions internationales dûment ratifiées par lui, dans le cadre des dispositions de la Constitution et des lois du Royaume, dans le respect de son identité nationale immuable, et dès la publication de ces conventions, la primauté sur le droit interne du pays, et harmoniser en conséquence les dispositions pertinentes de sa législation nationale ». En outre, certaines lois ont explicitement prévu la primauté des conventions internationales dûment ratifiées par le Maroc sur le droit interne. Ainsi, le dahir du 6 septembre 1958 portant code de la nationalité, modifié par la loi n°62-06 du 2 avril 2007, dispose dans son article premier que « Les dispositions des traités ou accords internationaux ratifiés et publiés prévalent sur celles de la loi interne ». Dans le même sillage, la loi n° 2-00 relative aux droits d'auteurs et aux droits analogues, adoptée le 15 février 2000, prévoit, dans le deuxième alinéa de son article 68, qu' « En cas de conflit entre les dispositions de la présente loi et celles d'un traité international auquel le Royaume du Maroc est partie, les dispositions du traité international seront applicables ». La consécration juridique de la primauté des règles de droit international donne à mesurer l'engagement du Maroc à intégrer les dispositifs universels en matière de droits humains. Selon toute vraisemblance, cette orientation est vouée à un bel avenir compte tenu des efforts déployés par le Maroc en vue de réformer sa législation interne pour l'arrimer davantage aux normes internationales en matières de droits de l'Homme. Le cadre institutionnel Il ne s'agit pas ici d'énumérer toutes les institutions et les instances de promotion des droits de l'Homme au Maroc, mais de présenter celles créées ou consacrées par la nouvelle Constitution et qui revêtent un caractère novateur. L'objectif étant, rappelons-le, de montrer la prégnance de la culture et de l'effectivité des droits de l'Homme au Maroc. Le Conseil national des droits de l'Homme Le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) serait, sans nul doute, l'instance phare à ce niveau. La mise en place de cette instance vient concrétiser l'engagement du Maroc dans la protection et la promotion des droits de l'Homme. Succédant à l'ancien Conseil consultatif des droits de l'Homme (CCDH), créé en vertu du dahir du 20 avril 1990, et ayant joué un rôle majeur dans la transition démocratique au Maroc, le CNDH vient appuyer le processus de consolidation de l'Etat de droit. Aussi constitue-t-il une étape cruciale dans le processus d'institutionnalisation de la politique de respect et de promotion des droits de l'Homme. Prenant note du bilan éminemment positif réalisé par le CCDH en matière de droits de l'Homme au Maroc et afin d'en accroître «(...) le niveau de professionnalisme et d'indépendance, de sorte qu'il puisse préserver au mieux les droits et les libertés, et d'en assurer la défense en combattant toutes les violations (...)», le CCDH fut remplacé par le CNDH, institution nationale ayant pour mission la défense et la promotion des droits et libertés au Maroc. Le dahir n° 1-11-19 du 1er mars 2011, portant création du CNDH a insisté sur l'indépendance de cet organisme ainsi que sur la nécessité de l'élargissement de sa composition, conformément aux standards internationaux en la matière, notamment les « Principes concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l'Homme », adoptés par l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies (ONU) dans sa résolution A/RES/48/134, du 20 décembre 1993, dits aussi les «Principes de Paris». Les activités du CNDH matérialisent, par ailleurs, l'œuvre d'institutionnalisation de la politique de respect des droits de l'Homme au Maroc. En effet, ce Conseil « (...) surveille [et examine tous] les cas de violation des droits de l'Homme dans toutes les régions du Royaume, soit de sa propre initiative soit sur plainte des parties concernées » et ce conformément aux articles 4 et 5 du dahir portant sa création. En matière de promotion des droits de l'Homme, le CNDH «(...) examine et étudie l'harmonisation des textes législatifs et réglementaires en vigueur avec les conventions internationales relatives aux droits de l'Homme et au droit international humanitaire» et œuvre à leur affermissement. Sur ce registre, le CNDH ne sera pas sans incidences sur la posture du Maroc dans le conflit autour du Sahara, à un moment où la partie adverse joue la carte des droits de l'Homme tel son ultime cheval de bataille. Il devra couper court aux allégations de violation par le Maroc des droits de l'Homme dans les provinces du Sud et convaincre la Communauté internationale de la détermination du Maroc à promouvoir l'exercice par ses citoyens de leurs droits et libertés, singulièrement à l'intérieur des provinces du Sud où l'état prospère de développement politique contraste avec le calvaire tous azimuts qu'endurent les prisonniers des camps de Tindouf. Sensible à la démarche marocaine, le Conseil de sécurité s'était rapidement saisi de la pertinence du projet que porte la création du CNDH à l'avantage de la situation au Sahara occidental et s'est félicité, notamment dans sa résolution 1979, adoptée en date du 27 avril 2011, de l'œuvre de création proprement dite ainsi que des antennes alors prévues dans les provinces du Sud, et qui, dans la foulée, ont été mises en place dans les deux villes de Laâyoune et de Dakhla. L'Instance Equité et Réconciliation Pour faire table rase irréversiblement des graves violations des droits de l'Homme au Maroc et réparer les préjudices subis par les victimes de ces violations ou par leurs parents, le Maroc a mis en place une instance chargée d'enquêter sur ces violations, appelée, Instance Equité et Réconciliation (IER). Créée par dahir le 10 avril 2004, l'IER est composée de 16 membres, 8 désignés parmi les membres de l'ancien CCDH et 8 désignés parmi les anciens mouvements d'opposition issus de la société civile. Outre l'identification des cas de violations majeures des droits de l'Homme ainsi que la réparation matérielle et morale accordée aux victimes ou à leurs parents, l'IER a adopté une série de recommandations pour la réinsertion sociale, la réadaptation psychologique et le suivi médical des victimes. Par-delà ces missions réparatrices, l'IER a joué un rôle décisif dans le processus de consolidation démocratique au Maroc. Sa contribution majeure sur ce registre se rapporte à l'importance des recommandations qu'elle a émises au terme de son mandat. Son rapport final fait mention d'une série de réformes sectorielles d'ordre législatif, judiciaire, pénitentiaire et socioéconomique, dont le discours royal du 9 mars 2011 – annonçant la réforme constitutionnelle – s'est fait explicitement l'écho. Le Médiateur L'on ne pourrait présenter l'architecture institutionnelle relative aux droits de l'Homme au Maroc sans évoquer l'institution du Médiateur, ancien Diwan Al Madhalim. Il s'agit d'un nouveau procédé de règlement de litiges administratifs venant combler les failles qui caractérisent le mécanisme de la justice administrative. Créé en vertu du dahir 1-11-25 du 17 mars 2011, «Le Médiateur est une institution nationale, indépendante et spécialisée qui a pour mission, dans le cadre des rapports entre l'administration et les usagers, de défendre les droits, de contribuer à renforcer la primauté du droit et à propager les principes de justice et d'équité, de procéder à la diffusion des valeurs de la moralisation et de la transparence dans la gestion des services publics et de veiller à promouvoir une communication efficiente». La création de cette institution vise à consolider les acquis réalisés par Diwan Al Madhalim, et à mettre en place une nouvelle institution moderne «(...) permettant d'accompagner la réforme profonde des institutions que connaît notre pays, en harmonie avec les standards internationaux». En effet, le Médiateur est chargé d'assurer la protection des usagers et de défendre leurs droits contre des actes administratifs entachés d'abus de pouvoir à travers des mesures de médiation et de réconciliation. Il est habilité, en vertu de son statut, à mener des enquêtes et des investigations sur les éventuelles plaintes ou doléances qui lui sont soumises. Contrairement à Diwan Al Madhalim, l'institution du Médiateur a été érigée en force de proposition pour renforcer les principes de bonne gouvernance dans la gestion des services publics. L'on ne s'étonnera donc point si les réformes entreprises par le Maroc en matière des droits de l'Homme ont élevé le royaume au rang de « modèle référentiel » dans une aire géopolitique en pleine transformation. On en voudra pour preuve, les témoignages de la délégation du Conseil national de transition libyen (CNT) qui a rendu visite au royaume, le 16 février 2012, dans la perspective, notamment, de s'inspirer de l'expérience marocaine en matières de droits de l'Homme et de justice transitionnelle. A l'occasion, Abdelkader Abdessalam, membre de la délégation libyenne, ne s'est pas privé d'affirmer que «L'expérience marocaine dans ce domaine est un grand acquis pour le Maroc qui a déployé des efforts considérables pour la promotion des droits de l'Homme». On le dit souvent : des desseins nobles ne tardent jamais à être reconnus. Zoom sur le CEI * Créé en 2004 à Rabat, le Centre d'Etudes Internationales (CEI) est un groupe de réflexion indépendant, intervenant dans les thématiques nationales fondamentales, à l'instar de celle afférente au conflit du Sahara occidental marocain. Outre ses revues libellées, «Etudes Stratégiques sur le Sahara» et «La Lettre du Sud Marocain», le CEI initie et coordonne régulièrement des ouvrages collectifs portant sur ses domaines de prédilection. Sous sa direction ont donc été publiés, auprès des éditions Karthala, «Une décennie de réformes au Maroc (1999-2009)» (décembre 2009), «Maroc-Algérie : Analyses croisées d'un voisinage hostile» (janvier 2011) et « Le différend saharien devant l'Organisation des Nations Unies» (septembre 2011). En avril 2012, le CEI a rendu public un nouveau collectif titré, «La Constitution marocaine de 2011 – Analyses et commentaires». Edité chez la LGDJ, ce livre associe d'éminents juristes marocains et étrangers à l'examen de la nouvelle Charte fondamentale du royaume.