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Les liens de souveraineté dans l'Avis consultatif de la Cour Internationale de Justice relatif à l'affaire du Sahara occidental : Appréciation critique
Si la notion d'allégeance peut paraître, à première vue, comme étrangère au droit international contemporain, la notion de souveraineté, quant à elle, constitue l'une des caractéristiques sine qua non de l'Etat moderne et l'un des principes fondamentaux reconnus et consacrés par le droit international. Norme de droit positif, la notion de souveraineté a fait l'objet de nombreuses études ayant porté sur sa nature, sur son essence, sur sa forme juridique et sur les modalités de son exercice. Elle a de même été consacrée par de nombreuses conventions internationales et résolutions onusiennes, et amplement abordée par la jurisprudence internationale. Inversement, la notion d'allégeance n'a pas été abondamment étudiée par la doctrine internationaliste. Si l'allégeance constitue dans certaines conceptions juridiques une forme de souveraineté étatique et un élément indispensable à la définition de l'Etat, il n'en demeure pas moins vrai que le droit international public, européocentrique de conception, lui accorde peu de place. Ainsi, dans la conception juridico-politique musulmane, les liens d'allégeance et l'exercice de la souveraineté sont étroitement liés. C'est sous cet angle que la Cour Internationale de Justice (CIJ) aurait dû traiter la question de souveraineté sur le Sahara occidental. Aussi, il convient de revisiter, sur le plan de la doctrine, le dispositif de l'Avis consultatif de la Cour en vue de démontrer que les liens d'allégeance des tribus sahraouies aux sultans marocains sont équivalents à la notion de souveraineté territoriale. En effet, après les tergiversations de l'Espagne de décoloniser le territoire du Sahara occidental, le Maroc a saisi l'Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies (ONU) afin que celle-ci sollicite un Avis consultatif de la juridiction internationale de la Haye sur «(…) les liens juridiques de ce territoire avec le Royaume (…)». Le Maroc a demandé à la Cour de tenir compte de sa structure particulière d'Etat musulman fondé sur les liens religieux d'allégeance. La Cour a estimé dans son Avis que «La demande du Maroc est (…) légitime», car «(…) aucune règle de droit international n'exige que l'Etat ait une structure déterminée (…)». Au terme de son examen des faits historiques, la Cour a conclu que l'empire chérifien «(…) était fondé sur le lien religieux de l'Islam qui unissait les populations et sur l'allégeance de diverses tribus au Sultan, par l'intermédiaire de leurs caïds ou de leurs cheiks, plus que sur la notion de territoire. (…) les liens politiques d'allégeance à un souverain ont souvent été un élément essentiel de la texture de l'Etat». En outre, la Cour a reconnu que le sultan a exercé «(…) son autorité et son influence sur les tribus qui nomadisaient dans le Sahara occidental». Néanmoins, la Cour a ajouté que les «(…) éléments et renseignements portés à sa connaissance n'établissent l'existence d'aucun lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara occidental d'une part, le Royaume du Maroc ou l'ensemble mauritanien d'autre part». Constatons que la CIJ, à travers cette dernière remarque, semble avoir ignoré les principes fondamentaux du droit public musulman. Ainsi, tout en affirmant l'existence de liens d'allégeance entre les tribus sahraouies et le sultan du Maroc, la Cour nie l'existence de tout lien de souveraineté entre le sultan et ces tribus. Un tel raisonnement a largement brouillé le dispositif de l'Avis et par conséquent ralenti le processus de règlement du différend saharien. Il convient de préciser qu'en droit public musulman et marocain, la notion d'allégeance équivaut à celle de souveraineté. La Cour, en statuant sur le fond, s'est référée à la notion de souveraineté de type occidental. En droit public musulman, la souveraineté n'appartient qu'à Dieu et les sultans qui exercent effectivement le pouvoir ne sont que ses délégataires dont l'investiture intervient en vertu de l'acte d'allégeance. Cet acte constitue un «contrat social», conclu entre le sultan et les sujets, en vertu duquel ces derniers s'engagent à lui obéir tant que ses actions s'inscrivent dans le cadre de la Charia. En contrepartie, le sultan s'engage à protéger ses sujets, leurs biens et leurs territoires. Dans ce sens, la relation conséquente entre l'allégeance et la souveraineté apparaît clairement. La Cour aurait dû traiter cette question en faisant référence au droit public musulman et non pas au droit international contemporain. La position de la CIJ ne s'accommode nullement avec son statut qui dispose clairement, dans son article 9, que la Cour doit assurer «(…) la représentation des grandes formes de civilisation et des principaux systèmes juridiques du monde». Le professeur Mohamed Bennouna a souligné que par sa «(…) distinction entre les liens d'allégeance et de souveraineté, la Cour en arrive à mettre en cause l'existence même du Maroc puisque le pouvoir s'exerçait selon des formes similaires aussi bien dans les régions de Marrakech ou de Fès !». La Cour n'a donc pas pris en considération les règles et les bases du droit public musulman qui représente une grande civilisation et un des principaux systèmes juridiques du monde. * Le Centre d'Etudes Internationales (CEI) est un groupe de réflexion et d'analyse basé à Rabat. Acteur actif du débat afférent à la conflictualité saharienne et à certaines thématiques nationales fondamentales, le CEI a publié, en 2010, auprès des éditions Karthala, un ouvrage collectif intitulé : « Une décennie de réformes au Maroc (1999-2009) ». En janvier 2011, le CEI a rendu public, auprès du même éditeur, un second ouvrage titré, « Maroc-Algérie : Analyses croisées d'un voisinage hostile ». Il vient également de faire paraître, auprès des éditions précitées, un ouvrage portant sur « Le différend saharien devant l'Organisation des Nations Unies ». Outre ses revues, libellées, « Etudes Stratégiques sur le Sahara » et « La Lettre du Sud Marocain », le CEI compte à son actif plusieurs supports électroniques dont, www.arsom.org, www.saharadumaroc.net, www.polisario.eu et www.ibn-khaldoun.com.