Le Maroc s'endette pour 30 ans Menée tambour battant, depuis quelques semaines déjà, l'émission obligataire d'un montant de 1,5 milliard de dollars vient d'être ficelée. Baraka et Azami sont aux anges ! Difficile de dire que c'est une mauvaise chose. Mais l'opération en elle-même, telle qu'elle est actée, incite à s'interroger sur sa portée et sur son impact sur les finances publiques du royaume. D'abord les faits. Un communiqué du ministère de l'Economie et des finances annonce que l'émission obligataire en question est composée de deux tranches : une première tranche d'un montant d'1 milliard de dollars au taux d'intérêt de 4,25% sur une période de 10 ans ; et une deuxième tranche de 500 millions de dollars, au taux d'intérêt de 5,50%, sur une durée de 30 ans. Dans cette opération, «le Maroc a été accompagné par quatre banques d'affaires : Barclays Bank PLC, BNP Paribas, Citigroup Global Markets Limited et Natixis. Jusque-là rien d'anormal. Tout gouvernement cherche à apporter à l'économie les capitaux dont elle a besoin pour fonctionner. Comme dit l'adage, «celui qui paie ses dettes s'enrichit». Sauf que dans ce cas de figure, et au-delà de l'utilité de cet emprunt libellé en dollars, le Maroc s'endette, alors qu'il n'a pas encore payé ses dettes. On peut alors avancer que «celui qui s'endette s'appauvrit». Pour les économistes, les dérives de la dette sont nombreuses et souvent inextricables. Emprunter au taux de 5,5% suppose que l'économie marocaine doit croître d'au moins 10%, pendant 30 ans. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Or, parier sur l'avenir est on ne peut plus risqué. Il faut dire que, même limitée à 500 millions dollars, le remboursement de cette tranche, coûterait au moins le double, à l'échéance, au titre des intérêts (sans le principal). Ajouter à cela les divers frais et commissions liés à l'émission. Les banques d'affaires n'accompagnent pas le Maroc à titre bénévole. En tant que syndicat de placement, les banques chefs de file, exigent en retour une commission. Le communiqué du ministère de l'Economie et des finances n'en souffle pas mot. De plus, le taux dont est assorti cet emprunt est relativement élevé. Le risque pays (c'est-à-dire la capacité de remboursement du Trésor public) a sans doute été pour quelque chose dans cette appréciation. Si, d'un côté, il n'y a pas de risque de remboursement, de l'autre, compte tenu de l'épaisseur des intérêts à payer, la question de soutenabilité se posera sérieusement.