Les conditions sont plus que jamais propices pour transformer l'essai en œuvrant pour activer la mise en œuvre des dispositions de la Constitution de 2011, qui reconnait la langue amazigh comme langue officielle nationale au côté de la langue arabe, a affirmé, jeudi, le Secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme (PPS), Mohamed Nabil Benabdellah, à l'ouverture du 3ème Forum national sur l'Amazighité à Rabat. Après le succès des deux précédentes éditions, le PPS se réunit de nouveau avec les organisations opérant dans le cadre du mouvement amazigh et d'autres potentialités culturelles, académiques et politiques pour faire le point de la situation, à la lumière notamment des changements intervenus dans le pays depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution, a rappelé le secrétaire général du PPS, qui a d'emblée précisé que son parti a décidé de participer à l'actuelle expérience gouvernemental pour porter haut les préoccupations du mouvement amazigh en matière notamment de la mise en œuvre des dispositions de la nouvelle Constitution en la matière. Beaucoup de choses ont rapidement changé au Maroc, a-t-il estimé, rappelant que personne par exemple ne pouvait imaginer en 2010 la constitutionnalisation et l'institutionnalisation de la langue amazighe. Maintenant que la Constitution a fait de la langue amazigh une langue officielle nationale à coté de la langue arabe, “l'on doit transformer l'essai, comme on dit en rugby", a expliqué M. Nabil Benabdellah. La situation est on ne peut plus propice pour le moment, car même ceux qui avaient une position peu claire, sont en train de changer de camp, grâce notamment à l'activisme et au lobbying des milieux qui soutiennent les revendications amazighes comme le PPS, selon M. Benabdellah, qui a fait savoir que ceux qui s'activent en faveur de la réforme au sein de l'alliance gouvernementale, toutes appartenances partisanes confondues (MP, PI, PJD) sont de plus en plus nombreux à prendre position pour la cause amazighe. Cette évolution ne doit surprendre personne, car depuis le discours d'Ajdir, prononcé par SM le Roi Mohammed VI, le 17 octobre 2001, la situation n'a cessé d'évoluer avec la création de l'Institut Royal de la culture amazighe (IRCAM) et la reconnaissance de la diversité des fondements de l'identité culturelle marocaine. Une série d'acquis ont été réalisés au niveau notamment de l'enseignement de la langue amazighe, de l'Administration, de la communication avec la création d'une chaine entièrement dédiée à l'Amazighité, a-t-il affirmé, estimant qu'il est temps de travailler pour aller de l'avant en faisant fi de toutes les surenchères. Pour être plus pratique, il est nécessaire pour le mouvement pour l'Amazighité d'unifier ses rangs, a dit M. Benabdellah, qui a réitéré à cette occasion la disposition du PPS de soutenir comme dans le passé les défenseurs de la cause amazighe sur la base d'un certain nombre de principes que l'on ne doit pas perdre de vue au cours de l'élaboration de la loi organique devant être adoptée dans le cadre du processus d'officialisation de l'Amazigh comme langue nationale officielle. Il s'agit en premier lieu du principe de la généralisation de la langue amazigh, chantier qui concerne l'ensemble des Marocains et non pas uniquement les berbères. Il est également impératif de tenir compte du principe de l'unification pour savoir que l'on parle tous d'une seule Amazighité avec ses différentes composantes. Il est indispensable aussi de ne plus remettre en cause l'alphabet Tifinagh adopté pour le moment au niveau de l'IRCAM et de l'enseignement de la langue amazighe dans les établissements scolaires. Un autre principe de taille à prendre en considération dans le cadre de ce processus a trait à la dimension démocratique de cette action visant l'intégration définitive de l'Amazighité dans le paysage politique, culturel et administratif marocain, un choix que l'on doit assumer jusqu'au bout à l'instar de celui de la Régionalisation avancée en cours, a-t-il expliqué. La loi organique à élaborer ne doit pas perdre de vue l'impératif de consacrer l'égalité entre les langues nationales officielles au Maroc (Amazigh-Arabe et autres) dans toutes les sphères de la vie et ce selon une approche transversale, a-t-il ajouté. Il a par ailleurs recommandé de faire preuve de patience en établissant un agenda qui définit les étapes à suivre pour mettre en pratique ce projet grandiose, devant contribuer à changer à terme le paysage culturelle et politique, à l'instar de la régionalisation avancée en cours dans le Royaume, a-t-il dit proposant d'accorder la priorité par exemple à des secteurs comme l'enseignement, la communication, la culture, la justice, l'Administration tout en réfléchissant en profondeur aux moyens les plus adaptés de mise en œuvre. Les participants à ce 3ème Forum doivent approfondir le débat sur toutes ces questions pour arrêter des propositions pertinentes destinées à faire avancer le chantier de l'Amazighité. Ils sont invités aussi à relancer les discussions au sein du comité de suivi mis en place dès le 1er Forum pour contribuer de manière plus concrète à l'élaboration de la loi organique. Pour sa part, M. Amine Sbihi, membre du Bureau politique du PPS et ministre de la Culture a d'emblée mis l'accent sur la diversité culturelle et linguistique, un acquis structurant et décisif de taille pour l'identité marocaine et la continuité de l'Etat marocain. Depuis le discours d'Ajdir de 2001, ayant mis fin à la conception monolithique de la culture marocaine, plusieurs acquis ont été réalisés en matière d'enseignement, d'information, et de conception idéologique, a-t-il dit, notant que de tels acquis restent toutefois fragiles. Fort heureusement, la Constitution de 2011 est venue institutionnaliser la diversité culturelle et linguistique au Maroc en insistant sur le fait que la culture marocaine est riche par ses affluents andalou, juif, amazigh, arabe, hassani et autres, a-t-il dit. Dans le cadre de la mise en œuvre de la constitutionnalisation de la langue amazighe, le ministère de la Culture, a-t-il fait savoir, est sur le point d'achever un document cadre relatif au Conseil national des langues et de la culture, ajoutant que cette plateforme sera soumise à un large débat. Il s'agit aussi d'enrichir le champ linguistique en le dotant de tout l'arsenal juridique nécessaire et de définir le genre de culture, les intervenants et les moyens de travail dans le but notamment de promouvoir des industries créatives culturelle, a dit le ministre, selon lequel il est temps de ne plus exclure certaines associations opérant notamment en faveur de l'Amazighité des subventions de l'Etat. Pour y parvenir, a expliqué M. Amine Sbihi, il est toutefois nécessaire d'impliquer le mouvement Amazigh dans l'élaboration du document cadre précité et de la loi cadre sur l'Amazighité dans le but ultime de promouvoir une culture nationale unificatrice, diversifiée et riche de ses affluents en y intégrant tous les éléments artistiques et culturels unificateurs. En agissant de la sorte, le Maroc aura encore une fois la singularité de gérer avec sagesse ce dossier pour éviter tous les dérapages constatés dans plusieurs régions du monde (question kurde par exemple), a estimé le ministre de la culture, appelant les forces opérant dans ce domaine à la vigilance car les points de résistance au changement n'ont pas encore disparu. A l'issue de cette séance d'ouverture, présidée par Hussein Chaabi, coordonnateur national du secteur de la Culture et de la Communication du PPS, les débats se sont poursuivis autour de trois exposés sur “approche sur la mise en œuvre de l'officialisation de l'Amazighité (Youssef Laâraj, membre du réseau de l'Amazighité pour la citoyenneté), “éléments de la loi cadre sur l'officialisation de l'Amazighité" (Meryem Demnati, activiste amazighe, membre de l'observatoire amazigh des droits et libertés) et “l'amazighité dans l'après Constitution de 2011...Que faire?" (Hussein Chaâbi, membre du Comité central du PPS et coordonnateur national du secteur de la Culture et de la Communication). A l'issue des interventions des représentants des associations et d'activistes amazighs, un riche débat a été ouvert au sujet des principaux points de ce forum, tenu sous le thème: «perspectives d'officialisation de l'Amazigh». La séance de clôture a été marquée par la présentation des principales conclusions et recommandations de cette rencontre, initiée par le PPS en partenariat avec les organisations et activistes opérant à la faveur de la cause amazighe et ce après les succès des deux précédentes éditions de 2010 à Rabat et de 2011 à Ifrane.