On ne sait pas s'il faut s'en réjouir ou s'en inquiéter. Le bilan, plutôt mitigé, de l'industrie du tourisme au Maroc laisse entrevoir une légère frustration chez les professionnels. La FNT (Fédération nationale du tourisme) serait-elle capable de reformuler une nouvelle dynamique ? Toute la question est là. La rencontre, organisée hier à Casablanca, en marge de son assemblée générale ordinaire, ambitionnait de creuser le débat pour «éviter de tourner en rond», selon Chérif Alami, son ancien président. Etienne Pauchant, président-fondateur de la META (Mediterranean Travel Association) voudrait rassurer les professionnels sur les perspectives du secteur dans la région méditerranéenne. Invité par la FNT, ce spécialiste de l'ingénierie du tourisme et du marketing estime que le Maroc, en dépit du contexte difficile, parvient à consolider sa position en termes d'arrivées internationales et de recettes touristiques. Certes, le royaume aurait pu faire mieux, compte tenu du modèle économique construit par le secteur et la feuille de route tracée par la Vision 2010-2020. Les professionnels, confrontés à la baisse tendancielle enregistrée ce premier semestre 2012, s'interrogent. « Où en sommes-nous aujourd'hui ? » se demande Ali Ghannam, président de la FNT, en évoquant les nombreuses mesures consignées dans le programme « Vision 2020 » sur les différents chantiers de toute la chaîne touristique. Car il est bien évident que, pour l'heure, l'industrie du tourisme tourne au ralenti. Après l'effet «Printemps arabe», c'est la crise de la dette souveraine dans la zone euro qui vient compliquer la donne. Nombre d'hôteliers sont à la peine. Avec la baisse sensible des arrivées de touristes européens (Français, Espagnols et Italiens, entre autres), le taux de remplissage est largement en dessous des 40%. Un tel taux ne permet guère de rester en bonne fortune. Bien peu d'hôteliers, en l'occurrence ceux qui ont agi intelligemment, ont été épargnés. « L'industrie du tourisme, en amont comme en aval, est une équation à plusieurs variables », disait Ghannam. La problématique est de savoir comment créer une nouvelle dynamique tant au plan local que régional. Chérif Alami a fait remarquer que la Vision 2020 arrive avec un an de retard, les assises du tourisme sont prévues en décembre prochain, d'où la nécessité d'approfondir le débat, en identifiant les défaillances et les potentialités, en tenant compte de l'intérêt général du pays. « tourner en rond cela risque de nous faire perdre le sens du nord et du sud », a-t-il affirmé. Cela étant, au cours du débat de la matinée, la FNT n'a communiqué aucun élément nouveau d'analyse, ni reformulé de propositions à même de sortir le débat de sa litanie. En appelant au renforcement du partenariat public-privé, –thème générique de la rencontre-, la FNT ne semble pas prête à rompre avec ses vieux reflexes. Pour Etienne Pauchant, le Maroc, quoiqu'on dise, a su tirer son épingle du jeu. A regarder de plus près les principaux agrégats de l'activité du secteur, le royaume est mieux loti que ses concurrents dans la rive sud de la Méditerranée. Plus de 9,3 milliards d'euros de recettes tirées du tourisme international et domestique ; des dépenses directes par touriste de l'ordre de 561,8 euros en 2011, presque l'équivalent de celui réalisé en Turquie et plus que le double par rapport à la Tunisie. Seul bémol, l'Egypte, malgré le marasme, dans le sillage de la révolution, a fait mieux que nous avec une dépense par touriste de l'ordre de 658,6 euros. Il faut noter que ce sont les pays du nord, notamment les pays de l'Est, du Balkan, en plus de la France, Espagne et la Grèce qui ont raflé l'essentiel des flux touristiques en Méditerranée et qui frôlent les 300 millions de touristes par an. Le sud, quant à lui, a enregistré une baisse de 20%, soit une perte de près de 9 millions de touristes. A noter, par ailleurs, que les dépenses directes concernent les dépenses sur place réalisées par les touristes internationaux et ne comprennent pas les dépenses réalisées dans les pays d'origine (équipement, transport...). Pour Pauchant, le royaume maintient correctement ses prix. Ce niveau des prix est, rappelle-t-il, une bonne nouvelle dans un contexte de baisse générale, qui aura un impact sur la rentabilité des structures d'hébergement, la rémunération des personnels, le maintien des objectifs de retour sur investissement et la capacité à honorer les engagements vis-à-vis des banques. Reste maintenant à innover et changer de marketing, à développer le marketing viral, en mettant en place des sites web plus intelligents pour être plus visible sur la toile Google. Et là, c'est une autre équation que les professionnels doivent résoudre au plus vite. Les tendances actuelles du consommateur européen ont changé profondément, ce qui suppose un changement dans l'approche des marchés.