Le temps plein aménagé, ce fameux TPA, sujet d'une controverse inégalée, refait surface. Bien plus, le TPA fait l'actualité, il occupe le devant de la scène, ce fut le cas le Mardi 5 Juin 2012 lors de l'émission Kadaya wa araa (Questions et opinions) sur la 1 er chaine, une émission destinée à jeter la lumière sur des sujets d'actualité. L'invité de l'émission de Abderahman Al Adaoui fut le professeur Houcine Louardi, ministre de la Santé. Pour s'enquérir de la situation sanitaire au niveau de notre pays et poser des questions en direct à ce sujet au ministre de la Santé, il y avait Mme Rachida Fadil, présidente de l'association des sage-femmes, le Dr Boudraa du PAM et Addi Bouarfa de l'Organisation Démocratique de la Santé. Plusieurs sujets furent abordés lors de cette soirée, ce fut le cas des sages femmes qui sont poursuivies par la justice pour des affaires qui restent entourées d'une certaine opacité. La pénurie des ressources humaines, la disponibilité des médicaments, les affectations des personnels de santé, le déroulement et l'évolution de la carrière des infirmiers, les équivalences des diplômes des infirmiers avec le système L.M.D comme c'est le cas dans d'autres pays voisins On a aussi parlé de grogne des professionnels de la santé, des lauréats des IFCS qui attendent d'être recrutés par le ministère de tutelle, au moment où il y a déficit d'infirmiers. Il a aussi été question des fameux vaccins, des services des urgences, de la motivation des professionnels de santé, du rôle du secteur privé et bien entendu du Temps Plein Aménagé (TPA). A ce sujet, tous les invités ont montré le même intérêt, les mêmes préoccupations et dénoncé vigoureusement cette pratique malsaine qui n'a que trop duré. Le temps plein aménagé a été initié par feu SM Hassan II en 1995, afin de permettre à certains professeurs agrégés et les professeurs de la Faculté de médecine d'exercer une activité libérale lucrative à raison de deux après-midi par semaine, l'objectif étant de permettre à ces derniers de vivre dignement eu égard à leur statut, à leurs grandes compétences, chose qui a tout de suite séduit. Cette autorisation était limitée à 4 ans, à l'issue desquels l'Etat s'engageait à construire une clinique universitaire au sein de l'hôpital Ibn Sina où devait se dérouler en principe le TPA intra-muros. Tout avait été prévu dans les moindres détails pour éviter les dépassements et les débordements. Les textes d'application élaborés pour l'occasion limitaient cette activité à deux demi-journées par semaine (une pour la consultation, une pour le bloc opératoire) et dans deux cliniques pour ce qui est de Rabat et à quelque chose prés idem pour Casablanca. Devenu Temps plein d'absentéisme Jusque-là rien d'anormale ou d'alarmant puisque dans nombre de pays, l'Etat accorde aux professeurs en médecine, le droit d'exercer à titre privé et lucratif, dans le cadre d'un plein-temps aménagé. Cela s'est fait dans le but de retenir dans le service public les meilleures compétences qui, sans cela, seraient tentées d'aller négocier leurs services dans le privé, autrement plus attractif et rémunérateur. Seulement chez nous, ça ne se passe pas toujours comme on le souhaite. Avec le temps, ce fut la déferlante, nombreux furent les professeurs qui commencèrent à déserter leurs services et surtout les autres médecins qui n'ont rien à voir avec les professeurs enseignants des facultés de médecine qui s'adonnèrent de manière outrancière a cette pratique très lucrative. Tout le monde s'est mis au TPA qui est devenu synonyme de «Temps plein d'absentéisme». Il convient de préciser ici que tous ces praticiens ne sont pas à «mettre dans le même panier» : beaucoup sont d'excellents professionnels, dévoués à leurs malades, et ne recourent pas ou très peu au privé. D'autres, il est vrai, sont davantage attirés par l'appât du gain. Le problème, pour ces derniers, est surtout qu'ils ne sont contrôlés par personne. Dans cette histoire de TPA qui devait durer 5 ans et prendre fin en principe en 2001, une période transitoire mais suffisante qui aurait permis aux cliniques universitaires de voir le jour et partant aux professeurs agrégés de continuer à exercer légalement le TPA en intra muros, Le CHU, grâce à ses compétences humaines, aux soins de haute qualité et au cadre agréable sensé être celui des plus grandes cliniques européennes, bénéficiera lui aussi d'une part non négligeable des revenus générés par les activités de soins dispensés par les professeurs au sein des cliniques hospitalières. Rien de tout cela ne fut. Les choses, à ce jour, n'ont toujours pas évolué. Le TPA a pris fin légalement en 2001, mais comme on dit chez nous, c'est le temporaire qui dure, une situation jugée aujourd'hui illégale et donc contraire aux lois en vigueurs. Les responsables ont le devoir d'agir pour éclaircir cette situation avec les moyens juridiques en concertation avec toutes les parties prenantes. Remédier à une situation qui perdure Le temps plein aménagé est devenu au fil des ans le temps plein d'absentéisme de ceux censés encadrer les futurs médecins qui parfois sont livrés à eux-mêmes, chose que l'on peut aisément relever au niveau de certains services. Il faut rappeler que depuis 2001, la question du TPA a toujours été posée, les ministres qui se sont succédé à la tête du département de la santé ont tenté chacun avec ses moyens, ses connaissances, ses compétences de trouver une solution à cet épineux problème, mais force est de constater que les choses n'ont pas évoluées. C'est pourquoi le ministre de la Santé, le professeur Houcine Louardi, entend entreprendre une concertation avec toutes les parties concernées par la pratique du TPA (professeurs agrégés, l'ANCP, les syndicats, le CNOM, la SMSM.....). Le professeur Louardi entend remettre de l'ordre et remédier à tout ce qui légalement devrait avoir été fait par ses prédécesseurs qui, malheureusement, ont laissé les choses pourrir. Si le TPA, une pratique qui existe sous d'autres cieux est chose courante, mais à la différence que celles et ceux qui la pratiquent sont respectueux des règles qui entourent le TPA, il n'en est pas de même chez nous. On peut autoriser le TPA, mais à condition d'en respecter les bases fondatrices et mettre en place des gardes-fous, une nouvelle réglementation qui soit en phase avec la période actuelle et le nouveau concept de la santé. Les nouvelles règles qui régiront le TPA, si elles venaient à voir le jour, devraient avoir pour but non pas d'entraver la pratique du TPA, mais permettre d'exercer la profession dans les règles de l'art, dans le respect de l'éthique et de la déontologie, c'est à mon sens ce qui est le plus important. Que dit la circulaire du ministère de la Santé ? Exercice illégal de la médecine à titre privé par des médecins fonctionnaires: circulaire du ministère de la Santé N°61 du 14 novembre 2003. La présente circulaire a pour objet de rappeler aux médecins du secteur public les obligations découlant de leur statut de fonctionnaires de l'Etat ainsi que les règles auxquelles ils sont soumis en vertu de la loi n°10-94 relative à l'exercice de la médecine. En leur qualité de fonctionnaires, il leur est en effet interdit d'exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. Cette règle d'interdiction est inscrite dans l'article 15 du dahir n°1.58.008 du 24 février 1958 formant statut général de la fonction publique. Son inobservation constitue un manquement aux obligations professionnelles. En tant que faute grave, elle est de nature à justifier la mise en œuvre de la procédure de suspension immédiate prévue par l'article 73 du statut précité et la traduction du fonctionnaire fautif devant le conseil de discipline. Par ailleurs, la loi N°10.94, relative à l'exercice de la médecine a prévu des règles particulières à l'exercice de la médecine à titre privé par des médecins fonctionnaires. En son article 55, cette loi confirme l'interdiction pour ces médecins de s'adonner à l'exercice de la médecine à titre privé. Ils ne doivent accomplir aucun acte de leur profession en dehors du service public auprès duquel ils sont affectés. La règle d'interdiction est assortie de deux exceptions. La première concerne le cas où le médecin fonctionnaire doit porter secours et assistance à une personne en danger. La seconde est celle des autorisations exceptionnelles prévues par l'article 15 du statut général de la fonction publique précité. Ces autorisations ne peuvent être accordées qu'à titre dérogatoire et au cas par cas par le ministre de la Santé après approbation du Premier ministre. Il est à rappeler que la violation des dispositions de l'article 55 de la loi N° 10.94 sus-indiquée constitue une infraction pénale dont la sanction est fixée par l'article 62 de cette même loi : amende de 1500 à 7000 dirhams et en cas de récidive, le montant de cette amende est doublé. La juridiction saisie peut, en outre et à titre de peine accessoire, prononcer l'interdiction de l'exercice de la médecine pour une durée n'excédant pas deux ans. Ceci étant , on peut espérer que la question du TPA fera partie des sujets qui seront débattus en long et en large lors du prochain colloque national de la santé au mois de Juillet , un événement dont l'importance n'échappe à personne et plus particulièrement les professionnels de la santé des secteurs public et privé ainsi que tous les autres intervenants du système de santé . Il ne fait aucun doute que des solutions seront trouvées afin de permettre aux uns et aux autres d'exceller dans la pratique du noble art pour le plus grand bien de nos concitoyens conformément aux hautes directives de sa majesté le roi Mohammed VI qui entoure de sa sollicitude sans cesse renouvelée le secteur de la santé . Il nous appartient donc tous de nous montrer digne de cette confiance. D'ici là, portez-vous bien