Le Plan Maroc vert (PMV) compte parmi les chantiers structurants les plus importants que le Maroc a lancés ces dernières années. La vocation agricole du royaume n'est pas à démontrer. Déjà, du temps des Romains, le Maroc était considéré comme le «Grenier de Rome». Le milieu rural est pourvoyeur d'emploi et constitue l'un des garants de la sécurité alimentaire du pays. Le secteur agricole emploie à lui seul, près de 4 millions de ruraux et contribue à raison de 20% au Produit Intérieur Brut (PIB), l'agro-industrie comprise. Facteur de stabilité sociopolitique, les dynasties du royaume ont de tous temps accordé à l'agriculture une attention particulière, compte tenu de sa nature stratégique et intersectorielle. Vulnérable, en raison surtout de sa dépendance aux aléas climatiques et de la nature biologique des cycles de production, le secteur agricole devait néanmoins bénéficier d'une protection additionnelle. Conscients de la nécessité de le soutenir, les pouvoirs publics l'ont soumis à un régime particulier. Dès l'indépendance, la politique de construction des barrages a été plus ou moins constante. En dépit des efforts fournis, seuls 14 % de la surface arable utile au Maroc est irriguée, le reste étant des zones dites «bour», dépendant de la situation pluviométrique. D'ailleurs, tous les pays soutiennent leur secteur agricole en raison de sa multifonctionnalité : développement rural, sécurité alimentaire, sécurité sanitaire des aliments, ou encore protection de l'environnement, sont autant d'éléments importants. L'Union européenne a ainsi mis en place une politique agricole commune fondée sur des principes lui permettant de défendre et de préserver son modèle de développement agricole. A l'heure actuelle, des efforts sont menés au niveau de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ainsi que dans d'autres instances multilatérales comme l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), pour ajuster les échanges internationaux de produits agricoles. Le Maroc, en tant que membre de l'OMC, a contribué activement aux négociations de l'Uruguay Round (1986-1993), lesquelles ont débouché sur la conclusion de l'Accord sur l'agriculture. Celui-ci a lancé une réforme fondamentale du commerce des produits agricoles fondée sur deux principes majeurs, à savoir l'équité et le marché. Il est aussi nécessaire de rappeler que le Maroc avait mis en place deux programmes d'ajustement structurel agricole, PASA I et PASA II, couvrant respectivement les périodes de 1985 à 1987 et de 1988 à 1990. Ces programmes ont profondément marqué le secteur agricole national. Des mesures incitatives ont été mises en place comme la défiscalisation. En effet, l'agriculture est exonérée d'impôts jusqu'à l'horizon 2013 au lieu de 2010 fixée auparavant comme échéance à cette exemption. Pourtant, les réformes antérieures et les mesures prises n'ont pas été suffisantes pour mettre le secteur agricole sur la voie du développement durable. Il était donc impératif de doter le pays d'une véritable stratégie, selon une approche globale et intégrée, seule en mesure d'optimiser le potentiel agricole du pays. C'est dans cette dynamique de réforme que le Maroc a mis en route en 2008 un plan ambitieux de développement agricole, le PMV. Le lancement de ce plan a coïncidé avec l'organisation de la troisième édition du Salon international de l'agriculture du Maroc organisée chaque année à Meknès. Le PMV est fondé sur une démarche de développement territorial – plus précisément la territorialisation des politiques publiques – permettant ainsi aux acteurs locaux de se l'approprier. Le PMV trace en quelque sorte la voie d'une «révolution verte». Il table notamment sur une amélioration notoire du PIB agricole et un accroissement des exportations et des investissements agricoles. Il se donne aussi comme objectif la lutte contre la pauvreté dans les campagnes et dans les zones périurbaines et, partant, l'augmentation du pouvoir d'achat des consommateurs. A cela s'joute des objectifs en termes de rééquilibrage de la balance alimentaire du Maroc, le pays étant en effet importateur net de produits alimentaires. Ces nombreux aspects, pourtant revêtus par un seul et même plan, le PMV, témoigne du caractère intégré de l'approche adoptée. Il ne s'agissait pas pour l'Etat marocain d'élaborer un plan conjoncturel permettant, pour quelques années de renforcer le secteur agricole, mais de mettre en place une stratégie à long terme prenant autant en considération les variables macroéconomiques et la qualité de vie des citoyens que le secteur économique primaire en lui-même. L'architecture du PMV est édifiée selon sept axes fondamentaux : 1) Faire du secteur agricole un levier principal de croissance sur les 10 à 15 prochaines années. 2) Adopter l'agrégation comme modèle d'organisation de l'agriculture. 3) Assurer le développement de l'agriculture nationale dans son ensemble. 4) Encourager l'investissement privé. 5) Adopter une approche contractuelle, selon le partenariat public-privé, pour réaliser le PMV. 6) Pérenniser le développement de l'agriculture marocaine. 7) Préparer la refonte du cadre sectoriel. Le PMV traite par ailleurs d'autres problématiques aussi complexes que le foncier, l'eau, ou encore la fiscalité. En outre, toute une batterie de mesures institutionnelles est préconisée, et concerne notamment la restructuration du département en charge de l'agriculture et du développement rural, devenu dans le Gouvernement actuel, Ministère de l'Agriculture et de la Pêche maritime, la mise en place d'une Agence de développement agricole, ou encore la création d'un Office pour la sécurité sanitaire des aliments. On le voit, le PMV annonce des mesures qui dépassent le cadre strictement marchand et concernent des questions vitales pour le développement global du Maroc. Le secteur agricole constitue en effet une véritable richesse nationale et il est le dépositaire même de l'identité profonde du pays. Après son lancement, le PMV a commencé, nolens volens, à donner ses fruits. Des agropoles – au nombre de 6 – sont en voie d'être opérationnelles, comme l'agropole de Meknès et celle de Berkane. Le PMV s'adosse, en outre, à une vision géoéconomique. Son volet marchand est en effet étroitement lié aux autres plans sectoriels, dont Maroc Export Plus, qui ambitionnent de consolider le Maroc dans sa position de pays émergent, compétitif et bien positionné dans un environnement international très concurrentiel. *Professeur à la faculté de droit de Rabat-Agdal Conseiller auprès du Centre d'Etudes Internationales