Nourrie par des ambitions de transparence, de moralisation de la vie publique, de reddition des comptes et de lutte contre la corruption, la loi n° 54-06 instituant une déclaration obligatoire de patrimoine de certains élus des conseils locaux et des chambres professionnelles ainsi que de certaines catégories de fonctionnaires ou agents publics, a été promulguée par le dahir n° 1-07-202 du 20 octobre 2008. Cette loi oblige les cadres de l'Etat précités, dans un délai ne dépassant pas les trois mois à compter de la date de leur entrée en fonction, à faire état des activités professionnelles qu'ils exerceraient ainsi que d'une déclaration de patrimoine portant sur l'ensemble des biens meubles et immeubles dont ils sont propriétaires, copropriétaires ou gestionnaires pour le compte d'autrui. De même, en cas de cessation du mandat, pour toute autre cause que le décès, les élus sont tenus de faire la même déclaration dans un délai ne dépassant pas les trois mois. S'agissant des catégories de fonctionnaires ou agents publics, en cas de cessation de la fonction, la déclaration de patrimoine doit être faite dans un délai de deux mois. Aussi, doit être produite dans les mêmes conditions une déclaration complémentaire concernant toute modification intervenue dans le patrimoine, les revenus, les activités professionnelles et les mandats électifs de l'assujetti. Certainement, cette loi aura eu le mérite d'instaurer définitivement au Maroc la culture de la reddition des comptes. Elle est intervenue dans le sillage du processus de démocratisation amorcé par le royaume, sous la conduite du roi Mohammed VI, faisant de la transparence et de la bonne gouvernance des principes clés en matière de gestion de la chose publique. En vue d'optimiser les résultats, un mécanisme solide de contrôle, de suivi et, le cas échéant, de sanction a été mis en place par ladite loi. Il se constitue du Ministère de l'Intérieur, de la Cour des comptes, lorsque le déclarant exerce ses compétences sur l'ensemble du territoire national, de la Cour régionale des comptes, lorsque le déclarant opère dans les limites territoriales d'une région, sans oublier l'autorité gouvernementale dont relève l'intéressé et les juridictions compétentes qui peuvent être saisies par la Cour ou les Cours régionales des comptes en tant que de besoin. Ceci étant, en capitalisant sur les acquis du passé, la Constitution marocaine de 2011 a apporté du nouveau en la matière dans ce sens où, contrairement à la loi, l'article 158 du nouveau texte étend la déclaration obligatoire de patrimoine à « Toute personne, élue ou désignée, assumant une charge publique (…) ». Cette déclaration doit se faire « (…) dès la prise de fonctions, en cours d'activité et à la cessation de celle-ci ». Auparavant, l'article 147 dispose que « La Cour des Comptes contrôle et assure le suivi des déclarations du patrimoine (…) ». A proprement parler, l'article 158 précité a comblé un vide juridique en élargissant le cercle des personnes concernées par la déclaration de patrimoine puisque désormais d'autres responsables de l'Etat, dont les dirigeants des entreprises publiques, sont visés. Plus concrètement, et en application des dispositions de la loi et de la Constitution, le Secrétaire général du gouvernement, Driss Dahak, a invité, via une circulaire datant du 20 février 2012, les membres du nouveau gouvernement à procéder à une déclaration de patrimoine. Ces derniers disposent, en vertu de la loi 54-06, d'un délai de 90 jours à partir du moment de leur entrée en fonction. Et, étant donné que le roi a nommé les membres du gouvernement le 3 janvier 2012, ces déclarations de patrimoine doivent survenir, au maximum, vers le début du mois d'avril 2012. Somme toute, la constitutionnalisation de la déclaration de patrimoine témoigne de la volonté du constituant de solder définitivement l'Etat de droit et des institutions. La valeur désormais constitutionnelle de ce procédé, complété par le dispositif de la loi 54-06, est en mesure de dissuader toute tentative de dépassement de la part des responsables de l'Etat. Elle met également fin aux critiques émanant de certains cercles activistes, comme celui du 20 février, en mettant en exergue le bon fonctionnement des administrations publiques sous la nouvelle ère constitutionnelle, la déclaration de patrimoine étant un mécanisme parmi d'autres, mis en valeur par la nouvelle Loi fondamentale, dans l'objectif de moraliser davantage la vie publique.