Depuis que le Maroc a engagé un processus d'alternance politique, des réformes importantes ont été mises en œuvre. Mais des réalisations substantielles avaient été déjà amorcées pratiquement à partir du début des années 1990, qu'elles soient d'ordre politique, économique ou social. Qu'il suffit ici de rappeler qu'à partir du début de ces années, sur fond d'un contexte géopolitique en mutation, le Maroc a lancé plusieurs réformes visant à créer les conditions nécessaires pour son insertion dans la nouvelle configuration mondiale. Ainsi, un processus de consultations visant à intégrer l'opposition dans la normalité politique a été engagé, des institutions de l'Etat de droit ont été créées (tribunaux administratifs, Conseil consultatif des droits de l'homme, etc.), des structures dédiées à la problématique des jeunes et de l'emploi ont été fondées (Conseil National de la Jeunesse et de l'Avenir). Dans la foulée, des négociations avec l'Union européenne, à la suite du traité de Maastricht, ont été lancées pour la définition d'un nouveau cadre contractuel. Dans le même ordre d'idées, le Maroc s'est engagé dans le processus de paix israélo-palestinien. Il a ainsi abrité la première conférence internationale sur l'Afrique du nord et le Moyen orient en octobre 1994. Cette période foisonnante a été caractérisée par la signature et la ratification de plusieurs conventions internationales relatives aux droits de l'homme, notamment la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et la Convention internationale des droits de l'enfant. Quelques années plus tard, et dans la foulée du lancement du processus euro-méditerranéen de Barcelone en 1995 et l'entrée en vigueur la même année des Accords de l'Organisation Mondiale du Commerce, le Maroc a produit une batterie de textes, accompagnée de l'adoption de plusieurs mesures, ayant fondé un nouveau droit économique. Il en est ainsi de la réforme de la bourse des valeurs de Casablanca, de l'adoption de la Charte de l'investissement, de la refondation de textes relatifs aux sociétés commerciales (sociétés anonymes et sociétés à responsabilité limitée notamment) ou de l'adoption de la loi sur la concurrence et la liberté des prix. Avec l'accession du Roi Mohammed VI au pouvoir en 1999, les réformes ont pris leur rythme de croisière. Sur le plan social, un nouveau Code du travail a été adopté et le Code de la famille, bloqué durant plusieurs années, est devenu une réalité. En 2005, l'Initiative Nationale pour le Développement Humain a été mise en route selon une démarche innovante. D'autres chantiers d'envergure ont été également lancés : plans structurants comme le Plan Azur, le Plan Maroc Vert ou le Plan Maroc Export Plus. A cette liste non limitative s'ajoutent d'autres réalisations qu'il est impossible d'énumérer exhaustivement. Rappelons toutefois l'expérience réussie de la justice transitionnelle au Maroc avec la création, en 2005, de l'Instance Equité et Réconciliation (IER), et l'élaboration par celle-ci d'un rapport contenant plusieurs recommandations intégrées dans la nouvelle Constitution de juillet 2011. L'inventaire des réformes est donc inépuisable, preuve si besoin est de la multiplication des chantiers structurants dont les effets sont bénéfiques à long terme. Précisément, en cette année 2011, des rapports ont confirmé cette tendance positive. Il en est ainsi du rapport du Fonds Monétaire International sur le Maroc. En outre, le Royaume a enregistré d'importantes avancées sur le plan de l'attractivité économique du droit (Doing Business), consolidant son positionnement sur l'échiquier régional. Si les pays membres du CCG (Conseil de Coopération du Golfe) ont invité en mai 2011 le Maroc à rejoindre ce groupement, cela témoigne du statut du pays en tant que puissance attractive avérée, voire émergente. Dans cette même trajectoire, les années écoulées se caractérisent par une ouverture sans précédent sur des partenaires commerciaux de taille : Etats-Unis, Union européenne, Canada, Association européenne de libre-échange ou Turquie. Dans le même temps, la politique arabe du Maroc a été recentrée dans le sens d'un pragmatisme réaliste. L'Accord d'Agadir créant une zone de libre-échange entre les pays arabes méditerranéens, conclu en 2004, en est une illustration. Ce mouvement d'ouverture commerciale, régionale et multilatérale, a été accompagné d'un effort d'adhésion au corpus juridique universel qu'il soit relatif aux conventions portant sur la protection des droits de l'homme ou à celui concernant des sujets thématiques comme la lutte contre la corruption ou la lutte contre la criminalité transnationale organisée. Au fond, le Maroc agit selon une logique systémique, où politique intérieure et politique étrangère se renforcent mutuellement. Or, en dépit d'une conjoncture mondiale particulièrement difficile, le Maroc a pu, tant bien que mal, faire montre de résilience pendant que des pays avancés n'ont pas résisté aux effets déstabilisateurs de la crise financière et économique mondiale. Si la protestation sociale continue à s'exprimer ici et là, cela constitue en soi un signe de bonne santé politique. Il convient toutefois de souligner que, quel que soit l'ampleur des chantiers de réformes ouverts, leur réussite dépend aussi de facteurs qui ne sont pas toujours maîtrisables. En outre, on ne peut nier les efforts lourds consentis par l'Etat marocain pour faire face aux demandes sociales qui vont crescendo : ainsi en est-il des augmentations salariales et du renforcement des infrastructures. Il reste certes beaucoup à faire et le Maroc devrait compter entre autres sur la jeunesse pour accélérer son processus de développement global. Dans cette optique, les élections législatives du 25 novembre 2011 ont porté, grâce à la liste nationale, plusieurs jeunes de moins de 40 ans à l'hémicycle du Parlement ; il s'agit-là d'un signal fort adressé à la jeunesse pour qu'elle s'approprie, elle-même, son processus de développement et d'accomplissement. * Professeur à la faculté de droit de Rabat-Agdal Conseiller auprès du Centre d'Etudes Internationales