Démystifier le Sahara et ses habitants et dévoiler les différents aspects de la vie nomade, austère certes mais au charme exotique et irrésistible : tel est le pari qu'ont réussi, avec panache, les auteurs d'un ouvrage intitulé “Akabâr: la voie du Moussem de Tan Tan”, qui vient d'être publié par l'Agence pour la promotion et le développement économique et social des provinces du Sud du Royaume.L'ouvrage décliné sur 175 pages de grand format et édité en deux versions (arabe-anglais et français-espagnol) sur du papier glacé, accroche par son design créatif et très attrayant et son contenu qui joint l'utile à l'agréable, l'information à la distraction. Riche en enseignements, mais également en photos, illustrations, dessins et graphiques en couleurs, il emmène le lecteur dans un long et savoureux périple à tous les coins et recoins de la ville de Tan Tan et lui fait découvrir, sous forme d'une chronique de voyage, tout ce que le Sahara recèle comme trésors naturels, économiques et culturels insoupçonnés, préservés jalousement contre le temps et l'urbanisation galopante. Par cette publication, l'Agence cherche à mettre en valeur les aspects culturels et patrimoniaux du Maroc saharien et leur arrimage fondamental à l'ensemble du patrimoine national riche et diversifié. Le lecteur trouvera dans cette itinérance culturelle et historique, dans un style narratif de grande qualité, le descriptif nécessaire à la compréhension profonde du sens de cette manifestation internationale qu'est le Moussem de Tan Tan. L'ouvrage est scindé en deux grandes parties. La première, intitulée “la voie du Moussem, du nord vers le sud”, décrit, étape par étape, la traversée du désert d'Ahl Sidahmed, une tribu sahraouie qui, à l'instar de plusieurs autres, part à dos de chameaux pour la ville de Tan-Tan pour assister à son très célèbre Moussem qui en est cette année à sa 8ème édition. Au passage, c'est tout le Sahara qui livre, au fur et à mesure, ses secrets enfouis à un lecteur profane et assoiffé de faire la connaissance du mode de vie nomade qui diffère à bien des égards de la vie sédentaire dans les villes cloîtrées. Alternant narration et description, texte et images, commentaire et témoignages, dans une langue raffinée et haute en couleurs, les auteurs nous plongent au cœur de cette “civilisation du désert” si riche et si particulière, à travers un descriptif minutieux des us et coutumes des Sahraouis, leurs traditions culinaires et vestimentaires, leur patrimoine musical et la relation passionnelle qu'hommes et femmes entretiennent avec leur milieu naturel, leurs chameaux et leurs tentes. De temps à autre, une anecdote ou un fait insolite vient accentuer la dimension exotique, si l'on peut dire ainsi, de ces contrées où tout grain de sable est chargé de plusieurs siècles d'histoire, et tout objet, le plus anodin qu'il soit, respire de la magie et exhale un charme ensorcelant qu'on ne trouve nulle part ailleurs. Dans la deuxième partie, il s'agit de décrire le Moussem à proprement dire, appelé Amougger, qui célèbre le début de chaque cycle agro-pastoral. Plaque tournante du commerce saharien entre les caravanes venant de fort loin et la population locale, il est aussi un moment d'abondance, qui fait oublier l'austérité alimentaire que les voyageurs s'infligent pendant leur long périple. Le Moussem est aussi le temps des retrouvailles entre les amis et proches qui se réunissent dans les tentes, et l'occasion de célébrer en grande pompe les mariages déjà scellés. La cérémonie de mariage constitue, à en croire les auteurs, un condensé de l'art de vivre sahraoui sous toutes ses formes : gastronomique (viande cameline comme plat incontournable, accompagné du thé parfumé), vestimentaire (melhfa pour les femmes et derâa pour les hommes), mais aussi folklorique (chants et danses sahraouis, artisanat, tbourida). Composer des poèmes est aussi une manière d'exprimer ses émotions à cette occasion. En plus de sa fonction expressive, la poésie sert, d'après les auteurs, à protéger les sagas des ancêtres, leurs mythes et légendes, proverbes et maximes contre l'oubli. Dans le vaste désert où la tradition orale est reine et où les habitants ont l'âme empreinte de poésie, les poètes des caravanes sont toujours en conclave dans la tente de la poésie où ils rivalisent de talent et de sagesse. L'ouvrage se termine sur le constat que le patrimoine saharien déployé et célébré au Moussem, élément essentiel de notre culture nationale est l'objet de toutes les attentions des pouvoirs publics, parfaitement conscients de sa fragilité et de l'impérieuse nécessité de le préserver, considérant que la classification de la ville de Tan Tan comme patrimoine oral et immatériel de l'humanité, est une avancée majeure dans les efforts entrepris en faveur de sa valorisation et de sa pérennisation. “Akabâr : la voie du Moussem de Tan-Tan” a le mérite de sortir des sentiers battus et de présenter le Sahara, non pas sous forme de carte postale ou de guide touristique comme il est de coutume, mais plutôt en tant que civilisation ancrée dans le temps et l'espace et en tant que culture vivante à laquelle appartiennent plusieurs millions de Marocains et qui fait partie intégrante de notre identité nationale.