Le penseur marxiste français Louis Althusser disait un jour : « Rien n'est gratuit, tout a un sens ! ». Cette fameuse citation pourrait convenir à une métropole bouillonnante telle Agadir. Le sens plutôt mitigé qui émaille son effervescence citadine trouve, en fait, ses explications en la manière dont les affaires locales sont gérées, depuis un certain temps. Certes, «le style est l'Homme», comme ne cessait de plaider Voltaire, mais également et surtout « le style est la Valeur », en ces temps d'empiétement farouche sur les moralités. Il est bien évident que la ville évolue, s'étend et s'émancipe, tout au long du parcours de sa reconstruction post-sismique. Sa refonte s'accomplit progressivement avec l'implication de plusieurs opérateurs à commencer par le Haut Commissariat et en passant par les élus et les promoteurs immobiliers aussi bien publics que privés. Cependant, si dans un premier temps, le plus grand souci était d'urbaniser et de peupler une zone démolie et désertée, celui d'après les années quatre-vingt se transformait en préoccupation vorace de spéculation et d'enrichissement, brandi par les anciens conseillers, soudoyés par certains agents d'autorité. Aujourd'hui, à l'aube du présent millénaire, on notera, non sans satisfaction, l'émergence d'un désir manifeste de moraliser la gouvernance communale et de marquer assurément une rupture avec les manies dépravatrices d'antan. Toutefois, on constatera non sans désappointement non plus des tics d'exclusive, de martialité et d'accaparement s'instaurer implacablement à l'hôtel de ville. La mairie passe, en fait, d'un état perfide de subtilisation à un cas pathologique d'appropriation pour traduire sciemment la célèbre maxime grecque : «éviter Scylla pour tomber sur Charybde». Comme quoi, il ne suffit point de s'imprégner de probité en fard pour s'exhiber en maître absolu, en s'obstinant à renier autrui et garder le vide tout autour. Tel le narcisse, le renégat se recroqueville en un égo désolant pour se réduire, à la longue, en ivraie lamentable. En face, le tournesol que les lumières faisaient rayonner se fanait aux cendres de l'ingratitude blafarde et s'en alla s'illuminer aux lueurs vermeilles des esprits sains. Quoique le narcisse fleurisse et embaume les lieux d'intégrité fallacieuse, il finit toujours par se fader aux entrains meurtriers de l'égocentrisme. La ville d'Agadir est un vaste parc de verdure où se côtoient dans la communion et la symbiose toutes les fleurs aromatiques, de quelques prairies que se soient : muguet, jasmin, orchidée, tulipe, hortensia…sur le cresson bleu éclairé par les reflets du tournesol, fier de ses diverses et humbles luminosités. Le narcisse, quant à lui, dans son isoloir hautain et vaniteux, s'étiolera au fil des jours, en dépit des gouttes à gouttes des corridors.