Après l'Asie, la folie Eee a gagné les Etats-Unis, où l'on est au bord de la rupture de stock. Les vendeurs en ligne, comme Amazon, ont croulé sous les commandes pour Noël. Pour répondre à ce succès, la sortie européenne du nouveau micro-ordinateur portable d'Asus a même dû être repoussée plusieurs fois: annoncée au mois d'octobre, elle n'aura pas lieu avant la fin janvier. Ceux qui l'attendaient impatiemment en sont réduits à étaler leur déception sur les forums de discussions consacrés à la machine. Pourquoi ce succès? Outre sa petite taille (une feuille A4 pliée en deux) et son poids (moins de 900 grammes), c'est avant tout son prix qui fait l'originalité du dernier-né d'Asus: vendu 300 dollars aux Etats-Unis, il devrait arriver en France, le 23 janvier, au prix de 300 euros. Priorité à la connectivité et à la mobilité Pour ce prix-là, que peut-on attendre? Certainement pas à ce qu'il égale en performance les ordinateurs portables traditionnels. Ici, rien de superflu, Asus se concentre sur les usages Internet: écrire des e-mails, lire des pages web ou regarder des vidéos, guère plus. Tout est axé sur la connectivité et la mobilité, avec réseau wifi, caméra et micro intégrés pour téléphoner à volonté (VoIP). La mémoire de 4 ou 8 Go, ridicule selon les critères actuels, est stockée sur une carte SSD (mémoire flash), ce qui rend la machine presque invulnérable aux chocs, un avantage significatif au vu de sa vocation de globe-trotter. Asus ressemble davantage, pour les fonctionnalités, à un téléphone mobile nouvelle génération, avec un format à mi-chemin de l'ordinateur portable. Pas question donc de se lancer dans des présentations sophistiquées ou dans un jeu vidéo. En revanche, ceux qui ont besoin de communiquer et d'accéder à des documents pendant leurs déplacements pourront préférer cette solution au clavier microscopique des mobiles nouvelle génération, vendus à des prix dépassant souvent les 500 euros. Le raisonnement d'Asus semble être le suivant: quitte à devoir rédiger des e-mails ou corriger un diaporama sur un coin de table entre deux avions, autant le faire avec un clavier digne de ce nom. Linux comme système d'exploitation Mais la vraie nouveauté de l'Eee PC n'est peut-être pas là: l'autre raison de son prix serré est à chercher non pas du côté du matériel, mais des logiciels. Pour la première fois, un ordinateur grand public est vendu avec une distribution libre et gratuite du système d'exploitation Linux spécialement adaptée. Il faut dire que dans ce cas, la licence d'un système propriétaire comme Windows ne serait pas très éloignée du prix de l'ordinateur lui-même... C'est peut-être le coup de pouce qu'attendait le monde du logiciel libre pour se faire connaître du très grand public, car si le navigateur libre Firefox est utilisé par plus d'un tiers des internautes, l'écrasante majorité reste fidèle à la marque de Bill Gates. Si l'Eee PC acquiert, comme il semble en prendre le chemin, un statut de machine de première acquisition, il se peut que la prochaine génération d'utilisateurs d'informatique regarde avec curiosité la coutume obsolète consistant à payer un prix élevé pour l'utilisation d'un logiciel... Plus surprenant pour une machine que certains journalistes avaient qualifiée d'"inadaptée à un travail sérieux", elle commence également à être commandée en masse par les établissements éducatifs, comme le district scolaire de Fresno, en Californie, qui en a acheté 1300 exemplaires pour équiper tous ses élèves.