Dimanche matin, il est dix heures trente. On a un rendez-vous téléphonique avec M'hammed Fakhir, qui la veille a enregistré une très importante victoire avec l'équipe A, face au Zimbabwe, une équipe solide venue jouer sa dernière chance pour la qualification au Ghana 2008. Espoir que les copains de Chammakh ont écrabouillé sur le gazon du complexe de Casa. Et justement Casablanca et son stade géant, longtemps présenté comme hostile au onze national. Un stade, que par le passé, on a évité, et qui n'avait plus accueilli de match officiel des Lions de l'Atlas, depuis un certain Maroc-Argentine au mois d'avril 2004 et qui s'était joué dans le cadre de la campagne pour la Coupe du Monde 2010. Fakhir, donc, entraîneur national, attaqué de toutes parts, déclaré inapte, antipathique, et incapable de tenir un groupe. On disait même que les pros d'Europe refusaient de venir jouer, rumeur que la FRMF a contribué à amplifier, lorsqu'elle organisa un voyage, sans Fakhir, pour qu'une délégation fédérale aille visiter les joueurs, soi-disant, récalcitrants. Et puis Fakhir qui le 2 juin, à l'issue du match face au Zimbabwe apparaît rassuré, et qui va enfin, peut-être, connaître une trêve bienfaitrice avant l'autre et ultime bataille du 16 juin prochain contre le Malawi. « Alors Fakhir, bien réveillé en ce dimanche matin ? ». Rire à l'autre bout du fil « Bien réveillé ? Il aurait d'abord fallu dormir... Je suis rentré chez moi à 1 h 30 du matin. Je me suis mis au lit, et je suis tombé raide de fatigue, mais à 4 h 30 du matin, j'étais réveillé... Rien à faire plus moyen de me rendormir... ». - « Alors, tu as revu le match ? ». - Ben oui, d'ailleurs, je revois toujours les matches, tout seul, et puis bien sûr dans les séances techniques... Mais, la, oui, j'ai revu le match. « On te l'avait enregistré à la maison ? » « Et comment ! D'ailleurs, c'est simple j'enregistre tout ce qui est football. Ça fait partie du boulot ». « Que voit-on dans ce match, une fois revu à tête reposée ? » - Plein de bonnes choses, vraiment, on n'est pas en train de se jeter de fleurs mais il y a eu beaucoup de positif dans ce match. Le public a été présent, même si au début du match, et à l'annonce des équipes, j'ai été un peu chambré (NDLR : le nom de Fakhir a été sifflé et hué, une fois annoncé par le speaker) mais cela je m'y attendais vu la campagne de presse que j'ai subie, mais j'insiste la dessus, le public a été bon tout au long de la soirée. Le but marqué très vite a contribué à libérer les supporters de leurs doutes et angoisses... Et puis, il y a eu une bonne circulation de balle, une bonne maîtrise pour les gestes techniques, les joueurs y sont allés à fond, et la qualité du gazon sur le champ de jeu les a épatés. Vraiment, il y a eu une satisfaction générale chez tous les joueurs. Ils se sont félicités d'avoir pu évoluer dans un champ de jeu quasiment parfait. Alloudi, Hajji ou Zaïri ont pu réussir des choses qu'ils n'auraient peut-être pas réussi sur une autre pelouse. Tous les joueurs ont évolué en confiance, surtout aussi au niveau des défenseurs où nos gars n'avaient pas à anticiper ou à craindre un quelconque mauvais rebond. Ça c'est un très bon point pour ce match, et si Casablanca a retrouvé l'équipe nationale, il faut bien dire et souligner que les joueurs ont été ravis de jouer à Casablanca, dans ces conditions et dans ce terrain. - Le but de Chammakh, où notre attaquant a eu un moment d'hésitation avant de foncer vers le but, aurait-il pu être marqué sur un gazon moins bon ? - Eh oui, justement ce but-là, qui doit beaucoup à la vitesse d'exécution de Chammakh qui a rattrapé les quelques centièmes de seconde perdus pour voir si l'arbitre de touche allait lever son drapeau, aurait été, peut être, raté, car conduire un ballon sur un gazon en mauvais état, est beaucoup plus difficile que sur une belle surface de jeu. On perd de la vitesse et on perd la qualité des contrôles. Oui, le premier but de Chammakh est un parfait exemple pour vanter les mérites du gazon casablancais. Sur un mauvais gazon, le ballon devient comme un lapin, il saute dans tous les sens, et essayez, si vous voulez, de contrôler un lapin qui court. On a eu de la chance de jouer sur ce gazon... - Pourvu que ça dure Inchaa Allah... On le souhaite tous et il faut rester optimiste. La FRMF travaille beaucoup pour l'amélioration des champs de jeu. Le président en fait une de ces priorités pour le développement du foot national. Et les résultats de notre équipe nationale, et la bonne ambiance, qui règnent dans cette belle famille des internationaux, doit beaucoup au soutien et à la vigilance du président Benslimane, je le dis parce que c'est vrai. Tenez là, on va se retrouver jeudi. Ce rendez-vous avec les joueurs pour préparer le match face au Malawi a été fixé au jeudi (après demain à midi). On a préféré libérer les joueurs, pour qu'ils décompressent un peu, avant de les remettre dans une phase de préparation et de concentration. Ils ont été libérés mais la FRMF va prendre en charge ces quelques jours de vacances. On leur a demandé leur programme de séjour (Marrakech, Agadir, Tanger, etc.), et c'est la fédération qui va supporter tous les frais. Les joueurs ont été très sensibles à ce geste. N'oublions pas que tous les joueurs convoqués, sont venus, et ont sacrifié leurs vacances, voire même leur carrière... - Comment cela ? - Tout simplement parce qu'en France ou ailleurs tout est fini c'est la période des vacances. Et chez les pros, les vacances ne durent pas trois mois mais 3 semaines. Les entraînements vont reprendre juste après les éliminatoires. Le 20 juin va commencer la reprise... dans les clubs. Et il n'y a pas que ça, car nous avons dans l'équipe des joueurs qui sont en fin de contrat. Et c'est justement cette période-là que se négocient les transferts, où l'on cherche un nouveau club, et où l'on se démène avec les agents... Et bien les joueurs concernés sont là, ils sont là pour le Maroc, ils ont fait fi de leur carrière. Même les blessés sont là, pour soutenir. Les blessés et les retraités, comme Nourreddine Naybet qui est passé nous voir dans une visite qui a marqué tout le monde. Croyez-moi, le groupe est formidable. Les joueurs aiment l'équipe nationale, aiment le pays... Ça se reflète dans leur vie en concentration, ça se reflète dans leur manière de vivre ensemble, de rigoler entre eux, et dans leur manière de jouer. On a un très bon groupe. Un groupe qui est en train de dégager de l'énergie, cette énergie qui donne la confiance en soi. - Tout va bien alors ? - Al Hamdou lillah... Tout s'améliore, parce qu'il faut dire qu'on n'a pas été épargnés. Qu'à quelques semaines du match, on étale dans la presse le nom d'un futur entraîneur national, comment voulez-vous garder la sérénité d'un groupe ? Heureusement tout a été éclairci et tout a été précisé dans le sens du positif et de l'intérêt national. - Alors on reprend dès jeudi. Avec le même groupe et les mêmes joueurs ? - Oui, jeudi à midi, on se retrouve pour préparer le match du Malawi qui est un autre challenge. Un challenge qu'il ne faut pas perdre. Un autre défi... Et on va aborder cet obstacle avec nos forces, et notre foi en nous. Oui on aura les mêmes joueurs sauf deux Moha Yaâcoubi et Chammakh. - Pourquoi donc ? Et bien parce qu'en Europe le seul championnat qui n'est pas terminé c'est le championnat espagnol. Et Moha Yaâcoubi va retrouver son club l'Espagnol de Barcelone pour jouer contre le Barça, dans un derby hyper important. Quant à Chamakh, il doit quitter le Maroc pour aller subir des examens médicaux. Il est en contact avec des clubs et il devrait subir une petite opération en ce début de juin, mais il a tout laissé tomber pour venir en équipe nationale. Pour Chammakh, et tous les autres c'est « le Maroc d'abord », le reste, ils verront après. C'est une belle attitude, et ils méritent tout le respect pour ça. Moha Yaâcoubi et Chemmakh rejoindront bien sûr, le groupe lundi matin... - Fakhir, comment va le moral ? - Ça va, ça va mieux, bien mieux qu'il y a quelque temps... - Et la vie de famille ? Oh, là là ne m'en parlez pas. Elle est en pointillé, on est par monts et par vaux, et on ne voit pas les enfants grandir. - De grands enfants ? Non, tout jeunes encore, Moncef et Wissam, 5 et 10 ans, un âge où on est sensible. Ils ont été chahutés, voire même insultés à l'école, car ce sont les enfants de l'entraîneur national, un entraîneur qui a battu le record de critiques, moi, je l'accepte, c'est la règle du jeu, mais les enfants eux ne comprennent pas et ils sont malheureux. Un jour, ils n'ont plus voulu aller à l'école parce que tout le monde se moquait de leur papa. Mon épouse a dû faire preuve de beaucoup de patience et de diplomatie pour les réconforter... Mais enfin... je ne veux pas trop penser à ça, en ce moment. On va rester concentré sur le Malawi ».