L'initiative paraît pour le moins inattendue: Manu Chao propose, en téléchargement libre et sans aucun DRM (verrous informatiques de protection contre la copie), Rainin in Paradize, le premier single de son nouvel album à paraître à la rentrée sur Because Music. Une brèche est ouverte dans une industrie musicale sclérosée par la peur du piratage. Manu Chao offre son nouveau single sur son site Internet. (Reuters)Manu Chao offre son nouveau single sur son site Internet. (Reuters) On savait Manu Chao engagé. Ouvert au téléchargement. Il vient de le prouver. Depuis vendredi, l'artiste propose sur la page d'accueil de son site Internet de télécharger légalement Rainin in Paradize, le premier single de son prochain album. Celui-ci est disponible au format mp3 avec une qualité de 192Kbps et dépourvu de verrous de gestion des droits numériques (DRM). Après Clandestino en 1998, Proxima Estacion Esperanza en 2001, le live Radio Bemba Sound System en 2002 et le livre-CD Sibérie m'était contée en 2004 (distribué à 150 000 exemplaires en kiosques), le nouvel album de Manu Chao devrait sortir au mois de septembre prochain sur le label indépendant Because Music, créé en 2005 par Emmanuel de Buretel, ancien président d'EMI Europe. Longtemps signé chez EMI, l'ancien leader de la Mano Negra avait refusé de renouveler le contrat qui le liait à la maison de disques en 2003 avant de produire lui-même son live avec sa structure Radio Bemba. A l'heure où la boutique en ligne Amazon et le label Virgin-EMI viennent d'annoncer qu'ils se lançaient dans la musique sans DRM, Manu Chao s'engouffre dans un nouveau modèle marketing, où Internet tient toute sa place. Déjà, la semaine dernière, dans le cadre de l'opération caritative contre le réchauffement climatique Live Earth, Madonna avait mis à la disposition du public son dernier morceau, Hey You, en libre téléchargement sur MSN. Pour chaque téléchargement du titre -jusqu'à un million-, Microsoft s'était engagé à reverser 0,25 dollar à l'association Alliance for Climate Protection. Internet, un outil marketing comme un autre L'idée n'est pas vraiment nouvelle en France. Déjà, en 2005, Renaud avait mis à la disposition des internautes l'intégralité d'un album live que Virgin-EMI refusait de vendre en dehors du coffret auquel il avait été inclus, ainsi que le single Dans la jungle, dédié à Ingrid Betancourt, sur un forum de fans. Il entendait ainsi protester contre les méthodes de l'industrie musicale et de sa maison de disques face au piratage. Virgin-EMI avait rapidement réagi en demandant à l'artiste de retirer le mp3 en question de peur qu'il ne parasite les futures ventes de l'album. Depuis, les maisons de disques sont devenues moins frileuses. Elles ont appris à ne plus considérer Internet qu'avec défiance, mais aussi à l'utiliser comme un outil marketing comme un autre. Et la mise à disposition de singles sur les réseaux de téléchargement illégaux peer-to-peer à quelques mois de la sortie d'un album se font aujourd'hui avec le consentement des labels, conscients de l'effet d'attente, le fameux "buzz", que peuvent provoquer ces fuites. Manu Chao et son label Because Music ne font que pousser un peu plus loin cette logique. Les chiffres de vente du nouvel album viendront confirmer si l'artiste altermondialiste et sa maison de disques ont fait un pari gagnant.