Deux études confirment l'intérêt de cette opération. Des expériences à plus large échelle vont être lancées en Afrique subsaharienne. EN 1986, était publiée la première étude d'observation suggérant que la circoncision pouvait réduire le risque d'être contaminé par le VIH en Afrique. Il a fallu près de vingt ans pour que la communauté scientifique internationale apporte la confirmation de cette information importante. Mercredi soir, en effet, l'Institut national de la santé américain a annoncé que deux essais, l'un au Kenya, l'autre en Ouganda, allaient être arrêtés prématurément parce que l'analyse intermédiaire des résultats par un comité indépendant affichait de manière incontestable l'intérêt de la circoncision pour prévenir le virus du sida. Dans ces conditions, les scientifiques ont estimé qu'il n'était pas éthique de continuer l'étude. L'intérêt de la circoncision contre le sida doit être pensé désormais dans le cadre d'une stratégie préventive. Mais la réflexion est loin d'être close : ce qui vient d'être démontré dans les conditions particulières de l'étude scientifique le sera-t-il aussi sur le terrain, dans la vie quotidienne ? L'Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS) en France vient d'ores et déjà d'annoncer la mise en place d'une nouvelle enquête concernant l'impact de la circoncision sur l'infection dans la population d'un bidonville d'Afrique du Sud. Taux de protection de 60 % Les deux essais américains lancés en 2005 qui viennent d'être arrêtés se sont déroulés, l'un au Kenya chez 2 784 hommes de 18 à 24 ans et l'autre en Ouganda chez 4 996 hommes de 15 à 49 ans. Les modalités étaient similaires : des volontaires ont été divisés en deux groupes après tirage au sort, les premiers se faisant médicalement circoncire, les autres non, tous bénéficiant de conseils et de préservatifs pour éviter d'être contaminés. L'analyse intermédiaire des résultats effectuée le 12 décembre dernier a révélé que les hommes circoncis dans les deux essais avaient 50 % de risque en moins d'être infectés par le virus (53 % au Kenya, 48 % en Ouganda). « Nous avons la confirmation que la circoncision faite dans de bonnes conditions médicales peut réduire le risque de contamination par le VIH lors de rapports hétérosexuels, soulignait mercredi Anthony Faucy, directeur de l'Institut national américain de lutte contre le sida. Le bénéfice initial d'une telle pratique devrait être une moindre contamination des hommes, mais aussi par ricochet, moins d'infections chez les femmes dans cette région du monde. » L'idée d'un effet protecteur est d'abord venue de l'observation que dans les pays d'Afrique subsaharienne où les hommes étaient majoritairement circoncis, le taux d'infection par le VIH était moindre que dans ceux où ils ne l'étaient pas. La première étude comparative solide a été menée entre 2002 et 2005 par le chercheur français Bertrand Auvert, de l'unité 688 de l'Inserm, sous l'égide de l'ANRS. Les résultats rendus publics l'an dernier ont montré à Orange Farm en Afrique du Sud sur 3 274 hommes de 18 à 24 ans divisés en deux groupes, la moitié circoncis au début de l'enquête et l'autre non, que 18 hommes circoncis s'étaient contaminés en trois ans contre 51 pour les autres. Soit un taux de protection de l'ordre de 60 %. Une avancée « majeure » Pourquoi la circoncision aurait un effet préventif ? Plusieurs hypothèses sont proposées : soit le prépuce contient beaucoup de cellules cibles du virus ; soit il permet au virus de survivre plus longtemps du fait des replis, soit enfin, la circoncision permet d'éviter certaines infections génitales comme l'herpès ou la syphilis qui facilite la pénétration du virus du sida. En juillet dernier, une simulation publiée dans la revue Plos Medicine calculait que la circoncision systématique pourrait empêcher en Afrique six millions de contaminations nouvelles dans les vingt prochaines années, dont deux millions d'ici à dix ans. Comment intégrer ces nouvelles données dans les stratégies préventives en Afrique, sachant que la circoncision n'a un effet que partiel et n'empêche pas toutes les contaminations, et sachant aussi qu'elle doit être effectuée dans des bonnes conditions d'hygiène ? Et à quel âge intervenir ? « Dans un premier temps, pour répondre à l'urgence, il faut envisager de circoncire dans de bonnes conditions les adultes, répond Bertrand Auvert. Mais il faut aussi penser aux nouveau-nés pour réduire le risque de contamination dans 15 ou 20 ans. » Il appartient maintenant aux institutions internationales et aux responsables politiques des pays concernés de réfléchir à l'utilisation de ces informations à l'échelle des populations. Pour le professeur Jean-François Delfraissy, directeur de l'ANRS, il s'agit d'une avancée remarquable dans le domaine du sida : « Nous avons eu trois percées majeures, la découverte du virus en 1986, les traitements pour empêcher la transmission mère-enfant, les trithérapies en 1996. En voilà une quatrième grâce aux travaux franco-américains. »