Déjà les nuits résonnent du bêlement du mouton. Certains ont en effet acheté l'animal qui sera sacrifié le 31 décembre, à l'occasion de l'Aïd El Adha (ou Aïd El Kébir). Les spécialistes annoncent des prix élevés et pour éviter la surenchère, on n'hésite pas à partager son domicile avec la bête. Si certains sont préoccupés par le prix du mouton, d'autres s'inquiètent de la coïncidence de la fête du sacrifice avec le réveillon qui marque le passage à la nouvelle année. Cette soirée, en général bien arrosée et durant laquelle la bonne humeur est de mise, risque d'être un peu tristounette pour beaucoup. En tout cas, pour les hôteliers et les professionnels de la restauration. Le réveillon, qui, en général, est une soirée très rentable, sera quelque peu perturbé en raison de l'application de la loi interdisant la vente d'alcool aux musulmans. En fait, celle-ci est permanente, mais les autorités ferment les yeux sauf à l'occasion des fêtes à caractère religieux. En clair, la fin de l'année (ou Saint Sylvestre) sera célébrée sans Bacchus, dieu du vin. A Casablanca, les choses sont claires. Les boîtes de nuit seront fermées. Sans alcool, pas de bonnes affaires. Les distributeurs et autres détaillants font déjà grise mine. C'est prouvé, chiffres à l'appui, que la veille de fin d'année est synonyme de grosses recettes. Chez les restaurateurs et hôteliers, c'est l'indécision la plus totale. Certains préfèrent ne rien programmer, sachant que la soirée sera morne. D'autres maintiennent la fête espérant que les non-musulmans, c'est-à-dire en grande partie les touristes, seront nombreux en cette période de l'année. Mais pas sûr, car il semble que c'est le rush sur Marrakech et Agadir, les deux principales villes touristiques du Royaume. D'ailleurs, toutes deux affichent complet. Là, on fera la fête envers et contre tout. «On espère que les autorités seront moins regardantes par rapport à la loi. Difficile d'imaginer les douze coups de minuit sans une coupe de champagne», indique un jeune Casablancais. «Pas question de changer quoi que ce soit», souligne la direction du Sofitel à Agadir. En effet, l'établissement aura trois bonnes raisons de faire la fête de fin d'année. Sa boîte de nuit «le So», lieu branché incontournable des noctambules gadiris, fêtera le 31 décembre sa première bougie. «Ce sera la fête du matin jusqu'à l'aube du 1er janvier. Pendant la journée, nous célébrerons la fête du mouton, le soir ce sera l'avènement de la nouvelle année et l'anniversaire du So», souligne Hamid Bentahar, directeur général de l'hôtel. En d'autres termes, on profite de l'occasion pour faire trois fêtes pour le prix d'une. Les voyagistes et autres tour-opérateurs sont contents. Les réservations sont à la hausse. Nombreux sont les Marocains résidant à l'étranger qui prennent des packages pour la fin de l'année. «Je ne savais pas quoi faire pour cette occasion. Une amie m'a proposé de venir à Marrakech et de vivre pour une fois l'aïd à la marocaine», déclare Amina, une beur de France. Ainsi, si certains font le trajet étranger-Maroc, d'autres choisissent de traverser la Méditerranée et de s'éclater en Europe, notamment en Espagne. «C'est moins casse-tête», indique ce cadre administratif.