Depuis lundi 16 mars, le ministère de l'Education nationale a lancé le processus d'enseignement à distance, à travers les chaînes de télévision et des plateformes en ligne. Comment cela se passe-t-il pour les élèves du monde rural, dont certains restent privés d'accès à ces moyens ? Dans le cadre des mesures préventives du gouvernement pour faire face à la propagation de la pandémie du nouveau coronavirus (Covid-19), le ministère de l'Education nationale, de la Formation professionnelle, de l'Enseignement supérieur et de la recherche scientifique a lancé, lundi 16 mars, le processus «d'enseignement à distance» afin de «garantir la continuité pédagogique». Alors que certains se félicitent de cette mesure, d'autres évoquent certaines lacunes. Dans une déclaration à Yabiladi, Mohamed Badnanoun, président de l'Association de solidarité pour le développement social et la lutte contre l'abandon scolaire, regrette ne pas pouvoir «atteindre tous les élèves». «Le plus proche est à environ 6 km», ajoute le président de cette association localisée à Deroua, à 30 km de Casablanca. Des obstacles qui entravent l'accès à l'enseignement à distance Face à cette situation, l'association a eu recours à la création d'une page sur Facebook, dans laquelle elle publie des cours pour les élèves devant passer des examens de fin d'année, ainsi qu'à la programmation de chaînes nationales qui dispensent des cours quotidiens aux élèves. Mohamed Badnanoun dit aussi que l'ONG envisage d'apporter un soutien et de renforcer les cours accélérés aux élèves après la fin de la période du confinement. «Environ 36 enseignants bénévoles ont exprimé leur désir de fournir une assistance», ajoute-t-il. Mais c'est plutôt l'accès de certaines familles à Internet qui préoccupe l'ONG. Ainsi, l'association envisage de fournir des recharges Internet aux familles nécessiteuses afin de permettre à leurs enfants de suivre les cours. Son président reconnaît toutefois un «manque de connaissances des technologies modernes par les parents et tuteurs des élèves», ainsi que la «faiblesse du débit Internet dans de nombreux villages et campagnes». Même son de cloche chez Mustapha Al Hanchaoui, président de l'Association des professeurs de l'enseignement primaire à Assa-Zag. «Nombre de familles éprouvent des difficultés pour recherger Internet afin que leurs enfants puissent suivre leurs cours», déclare-t-il. L'associatif évoque aussi le problème de «multiplicité des manuels scolaires». Ainsi, «l'élève se trouve devant un texte autre que celui figurant dans son manuel», explique-t-il. Par ailleurs, Mustapha Al Hanchaoui évoque un autre souci : celui de l'incapacité des enseignants à savoir «si leurs élèves suivent ou non leurs cours sur les canaux prévus à cet effet». Afin de «surmonter cet obstacle», il estime utile la communication à travers des applications de messagerie instantanée, comme WhatsApp. «Nous nous heurtons toutefois à une autre contrainte ; celle de la disponibilité de smartphones et d'accès à Internet pour les élèves», regrette-t-il. Bien que le conseil provincial d'Assa-Zag ait procédé à la distribution de tablettes aux élèves des villages, «il y a aussi des problèmes d'accès au réseau, et s'il y a une couverture, le débit reste très faible». A son tour, un professeur de l'enseignement primaire dans la province de Sefrou affirme que 50% des étudiants de son école résident dans l'internat, car issus de douars». Selon lui, après leur départ, vendredi 13 mars, de l'internat, le contact «a été perdu». «Nous n'avons donc pas pu communiquer avec eux concernant le sujet de l'enseignement à distance. De plus, la majorité de nos élèves n'ont pas de smartphones, d'ordinateurs ou de tablettes électroniques», déplore-t-il. Un enseignement qui ne peut pas se substituer aux classes Cet enseignant pointe aussi du doigt une «certaine confusion» pour les programmes diffusés sur TelmidTICE ou sur les chaînes de télévision. Il évoque, à titre d'exemple, des cours «déjà expliqués aux élèves» ou encore des «présentations précoces de sujets, qui n'ont pas encore été expliqués». «La diversité de manuels scolaires montre clairement ses inconvénients pendant cette période», tranche-t-il. «En ce qui concerne le discours du ministère sur les cours virtuels, l'organisation de ces séances à distance nécessite un ordinateur. Or, la majorité des professeurs n'en ont pas et certains d'entre eux n'ont pas de formation dans ce domaine.» Un professeur d'enseignement primaire Par ailleurs, l'enseignant pointe l'«absence de la culture numérique dans le monde rural». «Sur les 60 élèves que j'enseigne, je n'ai pu communiquer qu'avec 10 d'entre eux. L'enseignement à distance ne peut pas se substituer à l'enseignement à assistance directe, car l'enseignant comme ses élèves, participe activement à la construction de la leçon», conclut-il. Pour sa part, Wafae Chakir, directrice de la délégation régionale du ministère de l'Education nationale à Sefrou estime qu'un «nombre limité de familles ne disposent pas de télévision». Elle rappelle aussi l'accès gratuit à la plateforme TelmidTICE et souligne que plusieurs professeurs ont créé «des groupes virtuels pour communiquer avec leurs élèves», surtout que «nous nous approchons de la période des examens». «Au niveau de Sefrou, près de 80% des élèves bénéficient de l'enseignement à distance, et les 20% restants sont des élèves des premières années du primaire. Pour cela, nous avons engagé un processus proactif et dès le lendemain de la suspension des cours, nous leur avons remis des dossiers contenant des leçons sur lesquelles travailler.» Wafae Chakir La responsable admet ainsi qu'il s'agit «d'alternatives nécessaires» et note que pour le manuel scolaire, ce «n'est qu'un moyen qui partage les compétences de base devant être enseignées à l'élève». Un bilan d'étape pour la plateforme TelmidTICE Le ministère de l'Education nationale a annoncé jeudi que le nombre d'utilisateurs de la plateforme TelmidTICE depuis le lancement de l'opération d'enseignement à distance s'est chiffré à 600 000 par jour. Le nombre total des ressources numérisées produites a atteint 3 000 depuis le début de l'opération tandis que le nombre de leçons dispensées via les trois chaînes TV nationales a atteint 56 leçons par jour, soit un total de 730 leçons, précise le ministère. La même source a ajouté que le nombre de cours filmés jusqu'au 1er avril a totalisé environ 2 600 aux niveaux central, régional et provincial. Le ministère a aussi rappelé le lancement du service participatif intégré au système Massar intitulé «Teams» pour permettre aux enseignants de communiquer directement avec leurs étudiants et d'organiser des cours à distance à travers des classes virtuelles, offrant l'opportunité aux élèves de s'impliquer dans cette opération. Ainsi, 400 000 classes virtuelles ont été créées jusqu'au 1er avril, avec un taux de couverture d'environ 52% sur l'ensemble des classes, et 30 000 classes ont vu le jour pour les établissements de l'enseignement privé (taux de 15%). Article modifié le 2020/04/04 à 02h57