Dès 1647, le Maroc tentera de récupérer Ceuta, ville contrôlée par l'Espagne depuis 1580 et Melilla, préside occupée à partir de 1497. Des tentatives qui seront toutes vouées à l'échec, même si Moulay Mohammed Ben Abdellah était à deux doigts de reconquérir Ceuta en 1775. Depuis l'occupation, par l'Espagne, de plusieurs villes au nord du royaume, ces territoires ont fait l'objet de plusieurs sièges, sans réel succès. Si Melilla était jusqu'au 17 septembre 1497, une ville marocaine avant sa prise par les Espagnols, Ceuta était aussi sous l'autorité du Portugal. En 1415, les Mérinides perdront leur bataille de Ceuta contre le royaume de Portugal, permettant à ce dernier d'occuper la ville. Elle restera portugaise jusqu'en 1580, date à laquelle Lisbonne perd à son tour la bataille d'Alcántara contre l'Espagne. C'est en 1647 puis en 1651 que Ceuta connaîtra ses premiers sièges intentés par les Marocains. Ce n'est toutefois que sous le règne de Moulay Ismail que le Maroc était proche de la récupérer. Arrivé au pouvoir en 1672, le légendaire sultan alaouite entreprend, en effet, une large campagne visant à récupérer les présides marocains occupés. Mais, un an après son intronisation, un autre territoire marocain est occupé par l'Espagne. Il s'agit du Peñón d'Alhucemas, composé de trois petites îles situées en face d'Al Hoceima. Occupées le 28 août 1673 par le prince de Monte Sacro, les Îles auraient été «cédées volontairement par le sultan saadien El Gharib Billah à Charles II sous la condition que l'Espagne empêcherait les Trucs d'occuper des points d'appui sur la côte méditerranéenne du Maroc», raconte Robert Rézette dans «Les enclaves espagnoles au Maroc» (Nouvelles Editions Latines, 1976). Ceuta, Melilla et Peñón de Vélez visés par Moulay Ismail Moulay Ismail se dirige d'abord vers Mehdia, qu'il récupère en 1681, puis Larache, reconquise dès 1689. Ayant toujours eu l'Espagne dans le viseur, le sultan lance une première opération en 1687 visant Peñón de Vélez de la Gomera. Presqu'île située à 260 km à l'ouest de Melilla et à 117 km au sud-est de Ceuta - autrement entre Al Jabha et Al Hoceima -, il ne parvient toutefois pas à la récupérer. Sept ans plus tard, il met le cap sur Ceuta, qu'il assiège pendant vingt-six ans. Selon Robert Rézette, le siège de Ceuta commence en 1694 et durera jusqu'en 1720. Et pendant que Moulay Ismail assiège Ceuta, une partie de ses forces tentait de récupérer Melilla, protégée par un quadruple mur, en lui imposant un siège de 1694 à 1696. Entre temps, en 1702, Moulay Ismail retente sa chance à Peñón de Vélez. Il dépêche «12 000 hommes cette fois, commandés par son fils Moulay Zidan». L'armée marocaine parvient à s'emparer du «fort de terre qui fut rasé et ne fut plus jamais reconstruit, mais le Peñón lui-même resta aux mains des Epsgnols». Le débarquement des Marocains sur l'île est repoussé encore une fois. Illustration de la conquête portugaise de Ceuta. / Ph. Rui Durate Silva En 1720, le Marquis de Leyde à la tête des forces espagnoles de retour d'Italie, parvient à briser le siège de Moulay Ismail sur Ceuta. Cela n'empêchera toutefois pas le Maroc de reprendre ses tentatives, dès le retrait des renforts en 1721. «Dans son action, Moulay Ismail fut aidé par l'Amiral Rooke, qui commandait une escadre hollandaise et britannique devant Gibraltar, et qui assura en 1704 le blocus maritime de Ceuta. En 1727-1728, en 1732, Ceuta eut à subir de nouveaux assauts.» Robert Rézette L'échec du siège de Moulay Mohammed Ben Abdellah Même après le décès de Moulay Ismail, les tentatives du royaume chérifien se poursuivront. En effet, le sultan Mohammed Ben Abdellah (dit Mohammed III), petit fils de Moulay Ismail, met à son tour le siège devant Melilla le 9 décembre 1774, avec 40 000 hommes et une forte artillerie, raconte-t-on dans «Les enclaves espagnoles au Maroc». Le siège, ayant duré cent jours, est finalement levé le 19 mars 1775. «Cinq milles Espagnols sous le commandement du gouverneur don Juan Sherlock résisteront (…) Pendant ce temps, près de 12 000 projectiles d'artillerie furent lancés sur la ville, la garnison espagnole eut 600 morts et blessés», poursuit-on. Illustration de la conquête espagnole de Ceuta. / Ph. Rui Durate Silva Sur un autre front, Mohammed Ben Abdellah «devait également faire le siège du Peñón de Velez en même temps que celui de Melilla mais n'insista pas outre mesure». Car le sultan alaouite était très proche de remporter la bataille, si ce n'est deux incidents qui viendront perturber ses plans. D'un côté, l'Espagne parvient à intercepter une aide miliaire que l'Angleterre venait de lui accorder. De l'autre, «les Turcs, le voyant occupé, tentèrent des incursions sur la frontière orientale du Maroc». De plus, «bon nombre de mercenaires algériens qui combattaient auprès de Mohammed Ben Abdellah regagnèrent leur pays, le privant d'une partie de ses forces». De la tentative de Moulay Yazid au mémorandum de 1975 Son fils, régnant après lui, portera aussi le flambeau. En 1790, Moulay Yazid lancera lui aussi une nouvelle attaque contre Ceuta, à en croire «Voyage dans l'Empire du Maroc», de Jean Potocki, cité par Jan Potocki dans «Manuscrit trouvé à Saragosse (version de 1810)» (Editions Peeters Publishers, 2006). «Pendant quatorze mois, (le siège) fut très rude, de part et d'autres, avec vingt milles Marocains, sous le commandement de Moulay Ali, frère du sultan», complète Robert Rézette. Mais le souverain chérifien meurt des suites d'une blessure. Les choses se calmeront après cette bataille, avec des attaques et accrochages continuels avec les tribus voisines. Mais en 1856, un traité anglo-marocain sur le commerce sera le prélude d'un autre texte : les conventions hispano-marocaines de Fès du 31 juillet 1866 organisant les services de douanes à la frontière marocaine avec Ceuta et Melilla. La bataille d'Isly, près d'Oujda, en 1944. / DR Cela encouragera l'Espagne qui a occupé son cinquième «territoire de souveraineté» au Maroc : les Îles Chaffarines, petit archipel à l'embouchure de la Moulouya, à 27 milles marins de Melilla, le 6 janvier 1848, presque quatre ans après la bataille d'Isly contre la France. «Sous les yeux d'une poignée de pêcheurs pacifiques, l'occupation se fera sans heurts», raconte-t-on. Le Maroc ne proteste pas et ne tente plus de récupérer ses territoires, jusqu'en 1975, date à laquelle il adresse un mémorandum pour la décolonisation de Ceuta, Mellila et les Îles Canaries avant de mettre ses revendications en veille.