Dans cette série, Yabiladi revient sur les grands lieux de pèlerinage juif au Maroc, visités annuellement par des milliers de fidèles et de curieux. Dans ce vingtième épisode, le récit de vie de Rabbi Isthak Ben Walid, érudit juif du XIXe siècle, vénéré notamment pour ses miracles. Chaque 9 adar, correspondant généralement au mois de mars du calendrier grégorien, les juifs du Maroc et du monde célèbre la Hiloula du tasdik Rabbi Isthak Ben Walid (Isaac Bengualid selon certaines versions). Inhumé au cimetière juif de Tétouan, ce respectueux saint vénéré encore de nos jours est originaire d'une famille de Castille, ayant émigré au Maroc au cours de l'expulsion des musulmans et des juifs d'Espagne en 1492. Rabbi Isthak Ben Walid voit le jour à Tétouan en 1777, dans une ville qui accueillait déjà, depuis plusieurs siècles, une population juive. Orphelin de père à un jeune âge, il s'inscrit dans la lignée de sa famille de Hakham et dès ses tendres années d'enfance, il éprouvait un amour profond pour la Torah, raconte la plateforme Haguesher. Après le décès de son père, la situation difficile de sa famille oblige sa mère à vendre des «traités du Talmud de son mari pour pouvoir acheter de la nourriture». Le jeune Isthak grandit avec cette volonté de pouvoir racheter l'héritage de sa famille. Son amour pour la Torah grandit aussi et à 17 ans, il devient déjà un érudit. «Il avait assimilé de vastes connaissances en Torah et Halakha, si bien que tous les Sages de la génération l'avaient repéré et étaient convaincus qu'il atteindra une grande dimension», raconte la plateforme Torah-Box. Un Av puis Av Beth-Din de Tétouan A 18 ans, il déjà marié et père d'un enfant. Mais cette situation ne durera pas longtemps, car Rabbi Isthak Ben Walid deviendra veuf, peu de temps après. Il se marie alors avec une deuxième femme, qui donnera naissance à dix enfants. Il vivait, avec sa famille, «dans la pauvreté et se suffisait du strict minimum». «Son gagne-pain provenait de la rédaction de contrats et de la synagogue qu'il dirigeait», raconte-t-on. Toutefois, le saint saura transmettre sa patience, son dévouement et son amour pour la Torah à ses onze enfants. La tombe de Rabbi Isthak Ben Walid au cimetière juif à Tétouan. / Ph. DR Agé d'une vingtaine d'années seulement, Isthak Ben Walid se voit proposer différents postes rabbiniques. «Pour ne pas être désigné comme Rav de Tétouan, il quitta le Maroc pour s'installer à Gilbraltar», raconte-t-on. Des délégués de la communauté juive à Tétouan partent alors à sa rencontre, le prier de revenir et de devenir Rav de la ville marocaine. Campant sur ses positions, il n'est convaincu que lorsqu'il aurait fait lui-même un rêve grâce auquel il aurait compris que «cette fonction lui était destinée». Il revient ainsi à la «Colombe Blanche» pour devenir son Av puis Av Beth-Din, des fonctions qu'il occupera pendant quarante ans, «en faisant preuve d'un dévouement remarquable, d'une humilité et d'une gentillesse extraordinaires». Sensible à la peine des nécessiteux, des veuves et des orphelins, il consacrera sa vie à l'étude de la Torah, au service divin et rédigea son célèbre ouvrage «Vayomer Its'hak», sous forme de compilation de questions-réponses. Ce livre devient une «référence incontournable pour les décisionnaires qui le consultent avant d'émettre des décrets juridiques». Ainsi, selon l'«Encyclopédie des Juifs dans le monde islamique», Rabbi Isthak Ben Walid a été nommé, en 1835, à la tête du tribunal rabbinique de Tétouan. Avant de décéder, le 9 Adar 1870, à Tétouan, Rabbi Isthak Ben Walid aurait été, en 1862, «l'instigateur de l'ouverture de la première école de l'Alliance Israélite Universelle», rapporte-t-on. Une Hiloula de Rabbi Isthak Ben Walid. / Ph. Blog de Soly Anidjar Les Ben Walid et la canne miraculeuse Comme tout saint juif, Rabbi Isthak Ben Walid et au centre de plusieurs histoires mystiques liées aux miracles. A en croire Hguesher, il avait un bâton, transmis au sein de sa famille, de génération en génération, qui lui servait de canne. «A l'aide de ce bâton empreint du mérite de ses pères, Rabbi Isthak réalisait des miracles, il apportait la guérison aux malades et assurait une bonne délivrance aux futurs mamans», raconte-t-on. D'ailleurs, des commentaires de juifs originaires du Maroc sur le blog de Soly Anidjar confirment. «Sa canne avait des vertus miraculeuses. On dit qu'on la mettait sur le ventre des femmes enceintes lors d'accouchements difficiles. Après sa mort, les femmes stériles venaient se recueillir sur sa tombe pour avoir des enfants.» Un témoignage rapportant l'un des miracles du saint S'agissant des miracles en rapport avec la fertilité, Hguesher et le site de la fondation Hevrat Pinto racontent comment l'un des élèves d'Isthak Ben Walid a eu des enfants grâce aux conseils et prières du saint. «Rabbi Yéchaya ben Naïm n'avait pas eu d'enfant pendant de longues années. Son maître lui avait alors conseillé d'aller prier sur la tombe de Rabbi Amram Ben Diwan à Ouazzane, afin que le mérite de ce Tsadik intercède en sa faveur auprès du Trône céleste et que son souhait soit exaucé… Et en effet, Rabbi Yéchaya avait eu un fils au courant de l'année», raconte-t-on. A noter que Rabbi Isthak Ben Walid a été surnommé «Baba Señor» pour le distinguer de son petit-fils, Rebbi Isthak, surnommé «El Chiquito».