Le Maroc a voté contre la reconnaissance des droits des homosexuels par l'Onu, le 27 septembre. Une information qui n'a rencontré que l'indifférence des personnalités et intellectuels marocains. Entre la crainte du discrédit et l'homophobie latente, rares sont ceux qui prennent position publiquement pour défendre leurs droits. Le 26 septembre, le Maroc a voté contre la résolution du Conseil des droits de l'homme de l'ONU qui intègre les droits des LGBT parmi les droits de l'homme, conformément à sa loi nationale, et dans l'indifférence générale. Au Maroc, contrairement à l'Europe ou à la France, comme elle l'a montré avec les violentes empoignades autour du «mariage pour tous», l'homosexualité et les droits des homosexuels ne font pas débat. Les personnalités et intellectuels marocains sont rares à prendre la parole publiquement sur cette question. «Les défendre, c'est s'exposer soi-même au risque d'être traité d'homosexuel, c'est-à-dire d'être insulté (selon la logique patriarcale encore dominante). Enfin, défendre la cause homosexuelle, c'est courir le risque d'être écarté de la course vers le pouvoir, universitaire et/ou politique», explique Abdessamad Dialmy, sociologue du genre et de la sexualité au Maroc. Ibtissam Betty Lachgar, militante pour les droits LGBT au sein du Mouvement Atlernatif pour les Libertés Individuelles (MALI), raconte que quand elle a sollicité des personnalités artistiques et des écrivains pour une exposition en 2013, elle a essuyé un refus très significatif. «La comédienne m'a dit qu'elle devait en parler à son agent et comme elle n'est jamais revenue vers moi j'en déduis qu'il a dit non», rapporte-elle. Indifférence polie Jean Zaganiaris, professeur de sociologie à l'EGE de Rabat sur les sexualités dans la littérature marocaine fait une autre analyse. «Je pense que s'il n'y a pas plus d'intellectuels pour se mobiliser pour cette cause, ce n'est pas tellement pour les risques réels et symboliques d'une telle prise de position mais plutôt parce que beaucoup d'entre eux sont neutre face à cette question, voire habités par un discours lui-même teinté de relent d'homophobie», estime-t-il. «Quand j'ai abordé cette question à la fac de droit d'Agdal à Rabat, l'essentiel de mon public m'a considéré d'une indifférence polie», se souvient le chercheur. Des voix se sont toutefois fait entendre, à l'occasion des journées mondiales contre l'homophobie, et dans le milieu littéraire. En mai dernier, plusieurs intellectuels dont Ahmed Assid, militant amazigh, Abdellah Baida, romancier, et Abdessamad Dialmy, ont participé à une vidéo réalisée par Aswat, unique association marocaine réunissant des homosexuels, pour demander l'abrogation de l'article 490 du code pénal qui pénalise l'homosexualité. Le Mouvement Alternatif pour les Libertés Individuelles (MALI), dans une exposition organisée à l'Institut néerlandais de Rabat en mai 2013, avait également réussi à mobiliser quelques personnalités dont le très jeune écrivain Hicham Tahir, auteur de «Jaabouk», Naïma Zitan, militante féministe dramaturge et metteur en scène, Fatym Layachi, actrice en vogue. Les prix littéraires en soutien A chaque fois - à l'exception d'Abdessamad Dialmy qui écrivait «Jeunesse, sida et islam» dès 1999 -, ils n'ont apporté leur soutien qu'à l'invitation de mouvements militants. Au Maroc, semble-t-il, seuls les auteurs de romans s'expriment spontanément sur l'homosexualité, et ce faisant, militent très indirectement pour la reconnaissance sinon des droits des homosexuels du moins de leur existence dans l'espace social. Ces dernières années, les deux principaux prix littéraires du Maroc : le prix du Grand Atlas et le prix de la Mamounia ont souligné leurs œuvres. En 2011, «le dernier combat du capitaine N'amat» de l'écrivain marocain Mohamed Leftah a reçu le prix de la Mamounia à titre posthume. Il raconte la relation amoureuse et homosexuelle qu'entretient le capitaine avec son domestique», rappelle Abdellah Baida, auteur lui-même du dernier Salto, et grand ami de Mohamed Leftah. En 2013, deux ans plus tard, Rachid O., écrivain marocain homosexuel vivant en France, resté jusqu'ici anonyme, recevait également le prix littéraire de la Mamounia pour son roman 'Analphabètes'». Avant eux, Abdellah Taïa racontait déjà son homosexualité dans ses œuvres et rencontrait le succès.