L'association de défense des droits des migrants et des étrangers en France, la Cimade, dresse un bilan très noir des deux premières années de mandat de François Hollande à la présidence française. Explications. "À l'heure où cet Etat des lieux 2014 est publié, soit deux ans après le début du quinquennat, du changement on ne peut que constater, au mieux une lenteur coupable face à l'urgence, au pire le renoncement ou le volte-face d'une politique publique qui s'inscrit en définitive dans la continuité", conclut Jean-Claude Mas, secrétaire général de la Cimade pour la défense des droits des étrangers en France. Après 2 ans de présidence Hollande, l'association dresse le bilan de la politique migratoire du gouvernement français de fin 2011 au printemps 2014, dans un rapport rendu publique la semaine dernière. 2012 a connu la publication de plusieurs circulaires par le ministre de l'Intérieur Manuel Valls. Dès mai 2012, la circulaire Guéant qui restreignait la possibilité pour les étudiants étrangers de rester travailler en France en changeant leur statut a été annulée et remplacée. "Elle n'a fait que revenir sur une circulaire du gouvernement précédent, alors qu'il aurait été nécessaire de changer la réglementation pour s'assurer que la situation de l'emploi ne soit opposable à aucun étudiant étranger", estime Jean-Claude Mas. Le gouvernement a toutefois, par la loi, puis une circulaire datée de juillet 2012, établi un titre de séjour pluriannuel destiné aux étudiants étrangers. La semaine dernière l'Unef a appelé à une réforme ambitieuse de la politique migratoire car selon elle, seuls 5% des étudiants étrangers bénéficient effectivement de ce titre de séjour. Etrangers malades : plus de franchise, mais moins de visa En juillet, l'Assemblée nationale a votée la suppression de la franchise de 30 euros demandée aux étrangers sans papiers pour bénéficier de l'aide médicale d'Etat. Au même moment, pourtant, l'obtention d'un visa pour raison médicale pour les étrangers est devenue de plus en plus difficile. Le gouvernement Hollande n'a pas touché à la loi du 16 juin 2011 qui avait durci ses conditions d'accès. "Quand ce sont des enfants, il faut que les consulats les libèrent et leurs donnent leur visa. Nous avons déjà essuyé plusieurs refus", regrettait Khalid Djeriri, co-fondateur de l'association médicale Auvergne-Maroc AMDAM, lors d'une conférence à Rabat le 28 avril. En octobre 2012, Manuel Valls a publié une circulaire destinée à assouplir les conditions d'accès à la nationalité française. Elles ont effectivement augmenté de 14% entre juillet 2012 et juillet 2014. Un point que la Cimade a choisi de ne pas aborder. Le 28 novembre 2012, une nouvelle circulaire, concernant les régularisations, est rendue publique. Très médiatisée, elle ne les facilite toutefois pas, mais rappelle et clarifie les principe qui les régissaient déjà. Elle a été source de déception pour la Cimade car "un texte sans valeur juridique contraignante ne peut pas être garant de règles "claires, stables et justes" ni mettre fin, sur l'ensemble du territoire, à des pratiques disparates et généralement arbitraires; [...] car le texte [...] ne concerne qu'un nombre extrêmement réduit de situations". Dès juin 2012, Manuel Valls avait d'ailleurs clairement exprimé sa position : «être de gauche, ce n'est pas régulariser tous les sans-papiers». Préfectures : ouvertes 5h/jour Il appelle toutefois les préfectures à améliorer les conditions d'accueil des étrangers, mais la Cimade continue de dénoncer la faible durée - 5 heures en moyenne chaque jour - d'ouverture des guichets des préfectures. "Certains préfets (notamment ceux du Gard, de l'Hérault, du Doubs, des Yvelines) n'ont pas attendu les instructions ministérielles pour engager des travaux de réaménagement des espaces d'accueil, reconnaît l'association. [...] Mais dans de nombreux départements, les problèmes persistent." Les files d'attente ont été encore dénoncées par la Cour des comptes dans son rapport en février 2013. Les modifications législatives ont finalement été marginales et limitées à la première année de mandat du président. "Outre que ces mesures l'ont été principalement par l'entremise de circulaires n'apportant aucune sécurité juridique pour les personnes, ce sont bien les lois des années 2000 qui continuent d'être appliquées [...]. Deux projets de loi sur le système d'asile et l'accès au séjour sont annoncés et sans cesse repoussés depuis deux ans", insiste Jean-Claude Mas, en introduction du rapport. Les visas vont aux hommes d'affaires russes La politique de visa socialiste ne diffère guère de celle de Nicolas Sarkozy. Le nombre de délivrance a toutefois eu tendance à augmenter y compris pour les étudiants. 88,5% des demandes aboutissent à un visa, mais "entre les demandes de visa déposées à Saint-Pétersbourg, qui concernent principalement des hommes d'affaire, et celles déposées au consulat de France à Casablanca, qui touchent plutôt des membres de famille, le taux de délivrance de visa varie considérablement", tempère la Cimade. Le marqueur "à droite de la gauche" porté par Manuel Valls s'est surtout exprimé par sa fermeté en matière d'expulsion de migrants en situation irrégulière. Le 31 décembre 2012, le gouvernement de François Hollande a créé "la retenue pour vérification du droit au séjour" de 16 heures pour remplacer la garde-à-vue des sans papiers devenue illégale. "Contrairement aux engagements pris pendant la campagne par François Hollande, l'enfermement des familles a fortement diminué, mais reste une réalité. En parallèle, de nouvelles méthodes pour expulser se sont développées, comme celle d'enfermer en rétention un des parents pour tenter de contraindre le reste de la famille à se joindre à l'embarquement", dénonce la Cimade. Le nombre de placement en rétention administrative a toutefois baissé de 8% entre 2011 et 2012. Politique de continuité "La politique française d'expulsion a été marquée par la continuité", estime l'association. Leur nombre a explosé entre 2011 et 2012 "et si [il] semble avoir légèrement baissé en 2013 c'est essentiellement en raison de l'infléchissement du renvoi des Roumains et Bulgares via le dispositif «d'aide au retour»", explique-t-elle. L'association de défense des droits des immigrés en France se dit profondément déçue, mais les promesses du candidat François Hollande, contrairement à ce qu'elle affirme, n'avaient rien d'exceptionnelles. Dès juin 2011, Yabiladi avait relevé les maigres et timorées références à l'immigration du programme socialiste. Le rapport de l'économiste El Mouhoub Mouhoud sur l'immigration pour la fondation socialiste Terra Nova n'avait même jamais été publié.