Le pouvoir a désormais de nouveaux chiens de garde. Le champ politique est en ruines, il n'a plus besoin d'être encadré de près. La réalité s'est avérée, en fin de compte, plus probante que les projections les plus optimistes de tous les scénarii. Jadis le pouvoir créait de toutes pièces des partis dits de l'Administration pour contrecarrer l'opposition et bien avoir en mains les rouages de l'Etat. Aujourd'hui tout le monde se presse à sa porte. Tous les partis sont désormais dans son giron, sous sa houlette, ils ne forment en réalité qu'un seul et même parti, n'en déplaise à leurs dénominations qui restent leur seule différence. Alors ces partis sont sur leurs gardes, les plus à «gauche» se faisant les plus virulents. Ils ont un seul souci : la rue qu'ils craignent et dont ils sont à l'écoute des pulsations. Ils savent leur discrédit immense auprès des foules et redoutent au plus haut point celles-ci. Les masses populaires dont les anciens partis de gauche se disaient porte-paroles sont, dans le nouveau lexique de ces derniers, des foules infiltrées par des agents troubles dont il convient de se méfier. Il faut veiller à les protéger pour éviter de nouveaux printemps. L'USFP a consciencieusement ouvert la voie en dressant un listing des jeunes douteux qu'il faudra suivre au pas. La police n'aura plus qu'à lire les journaux des nouveaux chiens de garde. Les noms et les cv y sont dûment recensés à toutes fins utiles. Car il faut bien protéger le peuple dont les nouveaux chefs des partis sont issus, et qu'ils pensent bien connaître. Les services d'un côté les faveurs de l'autre La bourgeoisie urbaine marchande et lettrée qui était, jusque-là, à la tête des partis «nationalistes» laissait auparavant ce sale boulot à la police, et même celle-ci le confiait à ses bureaux invisibles qui constituaient le cerveau des années de plomb. Aujourd'hui, avec le changement des directions et les nouveaux profils qui ne paient pas de mine, on compte laver le linge sale en famille. Le peuple, tel est le langage que ces directions tiennent à l'Etat, on s'en charge nous-mêmes ! Mais à nous par contre les charges, les hautes charges il va sans dire. Cela se comprend : les services d'un côté les faveurs de l'autre. De telles attitudes «policières» ne sont en rien étranges dans des partis où le clanisme, l'opportunisme, la félonie ont toujours été de vigueur avec les amis et les ennemis. Aujourd'hui elles sont encore plus indiquées, car les partis en question vont mettre tout en œuvre pour sortir la tête de l'eau quitte à noyer les autres. Le 20 février est une des cartes majeures de négociation avec le pouvoir aujourd'hui. Tous les partis le mettent sur la table, le PJD en premier. Tous se présentent comme les sauveurs, les seuls en mesure de désamorcer les mouvements de la foule, passés et prévisibles. Aussi on se met à la tâche et on montre du zèle en décapitant la masse, en décrédibilisant ses têtes agissantes, des jeunes, rien que des jeunes. Une honte indicible. On s'affiche ainsi comme ayant les choses bien en mains. Et comme les partis en question sont déjà à la dérive, ils vont faire feu de tout bois pour rester en vie. Ils vont alors s'exercer dans leur nouvelle fonction : les chiens de garde.