A formation, qualifications et compétences égales, les candidatures spontanées des femmes voilées ont moins de 80% de chances d'avoir des suites positives, en vue d'un contrat d'apprentissage en France. Selon un testing effectué dans le cadre d'une récente étude universitaire, les discriminations ont la peau dure. Elles sont même cristallisées par les crispations identitaires, sur fond de débats médiatiques sur la religion. Pour un contrat d'apprentissage, le voile diminue de plus de 80% les chances de suites positives à une candidature spontanée. Présentée lundi dernier par l'université Gustave-Eiffel (Marne-la-Vallée), une étude dans le cadre de l'Observatoire national des discriminations et de l'égalité dans l'enseignement supérieur (ONDES) permet en effet d'évaluer les inégalités à ce niveau, tout en montrant que «la pénalité associée au sentiment religieux doit être strictement distinguée de celle de l'origine». Si le port du voile ne fait pas l'objet d'une interdiction dans le secteur d'emploi privé, sauf règlement intérieur, les photos du testing mené entre le 21 mars et le 1er avril 2024 avec des candidates voilées correspondent à une augmentation de 25% des réponses négatives. Les données recueillies par des universitaires rattachés au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) montrent aussi une baisse de plus de 30% des réponses non négatives et une baisse jusqu'à 80% des chances d'une réponse positive. Selon les chercheurs, l'objectif a été de «mesurer les pénalités religieuses dans un domaine peu couvert par les tests par correspondance, celui de l'accès à l'apprentissage». L'intérêt a été porté sur les formations supérieures courtes, dont les BTS en comptabilité et gestion, qui concentrent le plus grand nombre d'apprentis et constituent la quatrième filière de ces diplômes en France. Les candidates fictives sont en première année et recherchent une alternance pour leur deuxième année. Embauche en France : Les musulmans doivent postuler 1,6 fois plus afin d'être rappelés En termes d'entretien, les femmes voilées d'origine française ont ainsi obtenu une moyenne de 10,8 points, soit -81,4% de chance de décrocher un contrat. Celles parmi elles d'origine maghrébine obtiennent 6,7 points (-84,9%). Les crispations identitaires exacerbent les inégalités d'accès à la formation et à l'emploi Ces dernières années en France, les testings se sont multipliés dans le cadre d'études sur les discriminations à l'emploi, dans le milieu universitaire et de la formation. Mais cette dernière recherche s'inscrit dans un contexte évolutif, qui fait révéler le poids du discours médiatique, de la polarisation des opinions et des références idéologiques sur la vie quotidienne des minorités visibles. Ainsi, les chercheurs notent que depuis l'action du Hamas du 7 octobre 2023 et l'offensive de l'armée israélienne dans la bande de Gaza, «on assiste à une forte montée des tensions religieuses dans de nombreux pays d'Europe». «En France, les dénombrements des actes antisémites, racistes et antimusulmans atteignent des niveaux élevés selon la plupart des appareillages de mesure existants et la tolérance recule à l'égard de toutes les minorités», soulignent-ils, se référant à la Commission nationale consultative des droits de l'Homme. Arrivés en France, peu d'immigrés sont à l'abri d'une dégradation professionnelle Selon les auteurs, ces mesures sont «sous-estimées», au vu des «nombreux faits de discriminations à l'encontre des minorités religieuses» qui ne donnent pas lieu à des actes systématiquement visibles. Ces derniers peuvent même rester «inconnus des victimes» qui ne savent pas les reconnaître, les définir en tant que tels ou les identifier dans des situations vécues, ce qui «complique la tâche des politiques publiques». Au niveau européen, l'étude révèle même que ces inégalités sont plus présentes en France, en comparaison avec les résultats de testings similaires menés dans les pays voisins. France : Le gouvernement expose son plan de lutte contre les discriminations et le racisme Dans ce sens, les chercheurs exposent les résultats en les confrontant au plan national de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine, dévoilé en janvier 2023 par le gouvernement français pour la période 2023-2026.