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Moi, une autre Française, vivant aussi dans un pays musulman [Edito]
Publié dans Yabiladi le 25 - 09 - 2012

C'est pour réagir à une tribune parue dans Rue89 (lire l'article) que j'ai voulu apporter ma réponse à une jeune femme expatriée française, établie au Maroc. Comme elle, je suis Française et me suis installée à Casablanca. Sa vision du Maroc, à l'aune de ses valeurs françaises, m'ont interpellée et me pousse à apporter une réponse que voici.
Comme Marianne Roux, je ne suis au Maroc que depuis quelques temps, un an pour être exacte, et je réside également à Casablanca.
Bien qu'étant d'origine marocaine, j'ai toujours ressenti, contrairement à Marianne Roux le sentiment d'être avant tout occidentale bien plus que Française, sûrement parce qu'en France, on me renvoyait bien volontiers le fait de ne pas être véritablement Française.
J'ai donc toute légitimité (et toute l'objectivité nécessaire) à parler de ce pays comme Marianne Roux avec des yeux d'occidentale même si je m'appelle Khadija. Mais avant, j'aimerais revenir sur les raisons de mon expatriation. Je n'ai pas épousé un Marocain, j'ai eu une opportunité professionnelle, j'ai donc fait sciemment le choix de partir, je n'ai suivi personne. En effet, nombreuses sont les femmes expatriées françaises qui se sentent trahies par leur conjoint marocain, qui ne sont pas épanouies du tout et qui cultivent une certaine rancœur vis-à-vis de leur pays d'accueil.
Emigrer c'est découvrir l'altérité et non la rejeter
En venant ici, je savais ce que le Maroc était un pays en voie de développement, qui m'offrait certes une opportunité professionnelle, mais qui connait un système de valeurs, des mœurs, un cadre sociétal différents de mon pays, la France. Rien d'étonnant, je n'ai pas quitté la France pour la retrouver ailleurs. Et comme le souligne Marianne Roux, au Maroc, l'Islam est religion d'Etat, quand en France, c'est la laïcité (à géométrie variable) qui régit la société. L'actualité en témoigne et pas seulement. Depuis que je suis partie, et que je peux observer les choses avec du recul, je m'aperçois qu'une autre forme de croyance a en fait remplacé l'Eglise : le laïcisme.
L'état français a été sécularisé comme nous le savons dans le but de permettre aux citoyens de vivre en parfaite cohésion, d'instaurer une forme de consensus où les libertés seraient garanties, protégées et où toute forme de distinction raciale et/ou religieuse serait proscrite. C'est le but même de la laïcité. Or, bien avant la polémique au sujet du film «Innocence of Muslims» et celle des caricatures de Charlie Hebdo, la France que j'observais à plus de 3000 km de Paris, m'effrayait, m'indignait et me confortait dans l'idée que j'avais bien fait de partir, non seulement pour ne pas finir aigrie mais surtout pour être confrontée à autre chose, une autre culture, un autre système de pensée afin de m'enrichir, m'ouvrir aux autres et apprendre de l'altérité, tout en étant fière d'être française. Oui parce que, contrairement à ce que pense Marianne Roux, l'altérité c'est accepter l'autre dans ses différences et ne pas chercher à imposer ses propres valeurs.
S'écarter des prénotions
Diplômée en sociologie des religions, elle a dû apprendre que la première chose dont il faut s'écarter pour être un bon sociologue, ce sont les prénotions. Et vouloir imposer ou appeler à imposer des valeurs à une autre culture, une autre société, cela s'appelle de l'ethnocentrisme et ce n'est pas noble du tout. C'est même terrifiant. Pour ma part, mes parents n'étaient pas profs «comme tous les Français» mais mon père, un immigré marocain, a été soixante-huitard aussi mais à sa façon, en manifestant avec ses collègues ouvriers dans l'usine Renault. Et comme Marianne, mes parents m'ont inculqué des valeurs humanistes à travers la religion, l'islam. L'athéisme signifie l'absence de religion et pas de position idéologique, et malgré ma religiosité je suis tout autant attachée à la lutte contre toutes formes de discrimination et je reprendrai volontiers la liste de Marianne Roux : racisme, antisémitisme, homophobie sans oublier l'islamophobie qu'elle s'est gardée de citer. Ainsi se dédouaner d'appartenir à une religion, quelle qu'elle soit, ne nous préserve pas de tomber dans toute forme de discrimination, assumée ou déguisée.
A l'heure de la mondialisation et de l'effacement virtuel des frontières grâce aux réseaux sociaux, je m'étonne que l'on puisse s'offusquer encore des différences culturelles, de la diversité des sociétés. Au Maroc, j'ai aussi connu la différence. Bien que Marocaine d'origine, j'ai ressenti un gap culturel que je qualifie de normal. Issue d'un pays occidental, laïc, d'une république, j'ai atterri dans une monarchie de droit divin (le roi étant le Prince des croyants), un état musulman donc où effectivement l'on entend l'appel à la prière ou encore le coran dans les taxis, au même titre que l'on entendrait les cloches retentir toutes les heures dans certaines villes en France. Et quand une japonaise voit en ces différences une chance de vivre cela, de l'authenticité, Marianne, Roux, française y voit une offense, une attaque. On dit des français qu'ils sont râleurs, nombrilistes, c'est vrai j'en suis aussi, je me confesse, mais pas au point de dénigrer une culture différente de la mienne !
Apprendre à s'intégrer
Au Maroc, comme partout ailleurs, il faut apprendre à s'intégrer ! La langue est différente bien que le français soit largement parlé, ainsi on ne demande pas aux Français de se mettre obligatoirement à l'apprentissage de la langue arabe (contrairement à la France à l'égard de ses étrangers), et pour un pays musulman à «la religiosité exacerbée» comme le dit Marianne Roux, je trouve cela très tolérant et fort puisque cela témoigne de l'ouverture d'esprit des Marocains qui, face à un passé colonial douloureux, ont choisi la multiculturalité à la fermeture, la réconciliation entre les peuples à la rancœur. Au Maroc, j'ai dû apprendre à intégrer les codes de la société marocaine que je n'ai pas trouvé en contradiction avec ma culture française, car l'héritage culturel français est très présent ainsi toute théorie du «clash des civilisations» dont se garde Marianne Roux mais qui est bien en cause dans sa tribune, n'est pas valable. On ne réduit pas un peuple, une culture à une discussion de comptoir ou dans un taxi.
Vivre dans un pays musulman, c'est comme vivre dans un pays laïc. A la différence près qu'on est prévenu dans le premier cas. En effet, en France, ma différence, en l'occurrence mon voile, m'a révélé par moment le fait que la liberté, l'égalité et la fraternité c'était juste dans les livres d'histoire ou sur les monuments. La laïcité je l'accepte, je la protège, je la défends, je suis une fervente laïque mais au sens stricto sensu et pas quand cela m'arrange. J'ai dû essuyer les pires humiliations, j'ai connu des situations de discrimination à en faire pâlir Voltaire et Jaurès et pourtant je n'ai jamais perdu foi en les valeurs de la république. J'ai su faire le distingo entre les lois de la république et la politique politicienne d'une oligarchie à mille lieues de la réalité socio-économique de la France. Au Maroc, j'ai été frappée par la largesse d'esprit de ses habitants, bien qu'il s'agisse d'un «pays musulman» sous entendu fermé. Les rues de Casablanca me rappellent celles de Paris, les préoccupations des jeunes comme des moins jeunes sont similaires à celles des Français : vivre et affronter la crise, faire sa vie et être heureux. Mondialisation aidant, les sociétés s'uniformisent et j'ai le sentiment que le Maroc s'en sort autant que faire se peut, malgré les difficultés propres à toutes les sociétés en mutation. Et je n'ai jamais ressenti le besoin de rentrer, de m'insurger ou de dévoyer cette société. Ici on est à Casablanca, tout le monde le sait sauf ceux qui viennent avec des sabots impérialistes.
Les étrangers sont les plus mal lotis... même en France
Marianne Roux évoque la difficulté de prévaloir ses droits en tant que non-marocaine et confond tout en mettant dos à dos culture musulmane et culture occidentale. Je pourrais aisément faire de même avec certaines failles du système juridique français, portant préjudice aux étrangers séjournant en France mais je ne m'y rabaisserais pas. Tout système politique est critiquable, tout pays connait des normes iniques, et ne tombons pas dans un essentialisme primaire, en réduisant cela à la religion. Les étrangers, où que l'on aille sont souvent mal lotis malheureusement et ce n'est pas l'apanage des pays musulmans, qu'on se le dise. La discrimination sévit dans toutes les sociétés, sachez d'ailleurs, que pour ma part je n'ai pas eu la même valeur aux yeux de la société française que mes concitoyens «aux yeux clairs, peau blanche et cheveux lisses» au moment de trouver du travail. Mais dois-je mettre cela sur le compte du fondamentalisme laïcard ou de l'ensemble de la société française ? Les sociétés se meuvent mais cela prend du temps et en tant que sociologue et diplômée en relations internationales, Marianne Roux sait que Rome ne s'est pas faite en un jour.
Le Maroc a besoin de réformes dans bon nombre de domaines et notamment dans sa structure juridique. De même qu'en France, les lois se discutent et se changent et pas qu'en bien d'ailleurs.
«Pour s'intégrer à la société marocaine il faut être musulman», faux ! Marianne Roux a l'air de dire que les étrangers sont des dhimmis au Maroc. Un étranger ou qu'il soit ne se voit pas octroyer les mêmes droits, c'est un fait. Et bon nombre de mes collègues ici ne sont pas Marocains, et pourtant ils ne ressentent pas cela mais surtout ne se sentent pas supérieurs pour autant ! Bien qu'ils soient aussi Européens.
Enfin les maux que connait la société marocaine sont ceux que connaissent aussi la France pour parler d'un pays que je connais très bien : «corruption, harcèlement sexuel, mépris pour les gens pauvres….» ainsi Marianne vous arrivez vous-même à la conclusion suivante et sans le savoir vous démontez votre propre argumentation : pays musulman ou pas, les sociétés modernes, du 21ème siècle connaissent toutes, à des degrés différents, les mêmes travers.
Ecouter le coran dans un taxi ou encore l'appel à la prière dans la rue ne font pas des Marocains des fondamentalistes musulmans. L'islam c'est une religion, une culture, une philosophie et vouloir uniformiser les sociétés tel que vous le souhaitez, c'est véritablement du fondamentalisme idéologique européanocentré. Et oui le Coran comme vous le souligniez mentionne le fait que Dieu a fait de nous des peuples et des tribus mais vous oubliez un morceau du verset, qui spécifie que c'est dans le but de se connaitre et donc d'échanger et non faire du monde une entité uniforme, monotone, vidée de son sens le plus ultime, la différence. Que les peuples se respectent l'un l'autre et non pas que l'un ait le dessus sur l'autre.


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