Quatre jours après l'annonce de Mohamed Najib Boulif, ministre des Affaires générales et de la Gouvernance d'augmenter les prix du gasoil et de l'essence (cf notre article), la pilule a du mal à passer pour tous les usagers de la route. Yabiladi a demandé à un motocycliste, un chauffeur de taxi et un propriétaire de Hummer quelle sera la conséquence de cette augmentation sur leur quotidien. On ne parle plus que de ça ces derniers jours au Maroc : l'augmentation de l'essence et du gasoil dans les stations service. Pour rappel, le litre d'essence a connu samedi 2 juin au matin une hausse de 2 dh pour atteindre les 12,24 dh. Quant au gasoil, il a augmenté d'un dirham, passant de 7,20 dh à 8,20 dh. Certes, personne n'est épargné, mais les classes les plus démunies, sont celles qui vont le plus subir cette augmentation. Rouler en motocyclette, bientôt un luxe Ahmed est âgé d'une quarantaine d'années. Il est marié et est père de deux petits garçons. Il habite dans un quartier populaire entre Zenata et Sidi Bernoussi. Son seul moyen de locomotion est une motocyclette. Elle lui permet de se déplacer au quotidien, emmené sa femme faire les courses ou ses enfants chez le médecin. Ahmed n'a pas de travail. Il fait parti de ces millions de Marocains qui survivent chaque jour pour avoir une vie décente et nourrir leur famille. Il essaie tant bien que mal de gagner sa vie en jouant au violon lors de mariages organisés le week-end et en fabriquant des cages d'oiseaux en bois qu'il vend dans plusieurs marchés de Casablanca durant la semaine. «L'essence est devenue vraiment chère ! Le litre d'essence me coûte désormais 14 dirhams. Bientôt, rouler en motocyclette deviendra un luxe au Maroc», lance-t-il. «Avant l'augmentation, je mettais 20 dirhams d'essence tous les jours mais aujourd'hui, ça va me coûter plus de 30 dirhams. De plus, avec cette quantité d'essence, je n'ai même pas assez pour me rendre au centre ville de Casablanca et revenir. Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement a décidé d'augmenter l'essence. En faisant ça, il ne fait que s'en prendre aux petites gens et au peuple !», poursuit-il. Comme un malheur n'arrive jamais seul, Ahmed confie que l'assurance de sa motocyclette vient d'expirer, la même semaine que l'annonce de l'augmentation de l'essence. Pour réassurer son deux-roues, il devra débourser 1500 dirhams pour une année. Ce qui est beaucoup trop. Il n'a pas d'autre choix que de vendre sa motocyclette. «Ce que je vais faire c'est vendre ma motocyclette pour m'acheter un vélo. Et j'attacherais une petite carriole derrière !», dit-il en riant avant de reprendre d'un ton plus sérieux. «Qu'est-ce que tu veux que je te dise. C'est la réalité dans laquelle on vit actuellement». «Nous les taxis, on travaille gratuitement !» Chez Mohamed, c'est également l'incompréhension. Il est chauffeur de petit taxi à Casablanca depuis 6 ans. Il conduit une Dacia Logan qui roule au gasoil. «Avec cette augmentation du gasoil, nous les taxis, on travaille gratuitement. Regarde tous les embouteillages qu'il y a ! On n'avance pas et au final on ne gagne rien», lance-t-il. «1 dirhams c'est énorme. Cela aurait pu aller si c'était une augmentation de 20 ou 30 centimes, mais là 1 dirham c'est beaucoup trop !», répète-t-il. Un plein de gasoil lui coute environ 400 dirhams. Avec la hausse des prix, il devra payer 40 dirhams supplémentaires. «Tu imagines ce que l'on peut acheter avec 40 dirhams. Certes on peut acheter beaucoup de pain, mais il n'y a pas que le pain dans la vie. Désormais tout va augmenter. Que ce soit les fruits et légumes ou les transports», ajoute-t-il en confiant qu'il espère que les professionnels des transports finiront par descendre dans la rue comme cela a été le cas avec la proposition du nouveau Code de la route en 2010 pour manifester leur mécontentement. Interrogé sur une éventuelle hausse des tarifs de taxi, il répond : «Ce n'est pas à nous, chauffeurs de taxi d'augmenter nos tarifs, c'est au gouvernement de l'ordonner. Pour le moment, je n'ai rien entendu ni du côté du gouvernement, ni du côté des syndicats de taxi». Un plein à 550 dirhams….pour 2 jours ! Chez Amine, Casaoui de 29 ans, c'est une autre histoire. Lui ne circule pas en motocyclette ou en taxi mais en grosse voiture. Il vend actuellement un Hummer 3 essence au prix de 265.000 dirhams. Mais le problème, c'est qu'il ne trouve pas d'acheteur à cause justement de la hausse des prix de l'essence. «Il y a quelques mois, les Hummer se vendaient comme des petits pains mais désormais c'est plus difficile. Des gens m'ont appelé ces derniers jours pour avoir des informations sur la voiture mais m'ont expliqué qu'ils prendraient une décision après avoir revu leur budget d'essence», explique-t-il. Pour faire un plein avec un Hummer, il faut compter 550 dirhams. Un plein qui ne durera que ….2 à 3 jours seulement. «C'est un véhicule qui consomme énormément. Il y a toujours des gens au Maroc qui ont les moyens d'acheter un Hummer mais ils restent soucieux du prix que ça va leur coûter en essence, car quand on achète une voiture, c'est pour mieux la revendre dans le long terme. Difficile de rentabiliser un tel véhicule quand les prix de l'essence montent» affirme-t-il. «Même chez les riches, c'est la crise ! Où va le Maroc ?», conclut-il de manière ironique.