On aura remarqué le style neutre et impartial du communiqué publié par la diplomatie marocaine suite à la crise survenue entre l'Iran et l'Arabie Saoudite après l'exécution du cheikh et dirigeant chiite Nimr al-Nimr, samedi 2 janvier. Le Maroc, traditionnel allié de l'Arabie Saoudite, a préféré appeler les deux parties à la raison et la retenue. Il y a plusieurs raisons à cela. 1/ Le Maroc considère que la priorité aujourd'hui est la lutte contre Daech, cette organisation terroriste qui se fait appeler « Etat islamique ». Ce groupe sème ses jihadistes un peu partout, indistinctement ; il massacre chiites et sunnites et met en péril la sécurité interne de tous les pays, musulmans ou non. Fissurer le front anti-Daech, pour le Maroc, serait donc synonyme de son renforcement ; 2/ Le Maroc, dans cette affaire, a œuvré à « coller » à la position des puissances occidentales qui ont manifesté, à des degrés divers, leur désapprobation de l'exécution d'al-Nimr. L'homme était un opposant au régime des al-Saoud, mais n'était pas un terroriste. Il avait appelé certes à la sécession des régions orientales de l'Arabie Saoudite, mais cela ne justifie pas, aux yeux de l'Europe et de l'Amérique, son exécution. Le Maroc semble avoir épousé cette thèse ; 3/ Le Maroc ne saurait soutenir l'exécution d'une personne, et surtout pour des motifs de politique et d'expression. Un débat a lieu en ce moment au Maroc sur l'abolition de la peine de mort. S'il n'est pas encore gagné, dans un sens ou dans l'autre, ce débat confirme au moins le moratoire du Maroc sur l'application de la peine de mort, en vigueur depuis 1993 ; 4/ Alors qu'il avait réagi avec virulence contre Téhéran quand l'Iran avait déclaré Bahreïn province iranienne, Rabat a préféré temporiser aujourd'hui. S'aligner sur la position saoudienne, ainsi que l'ont fait les pays du Golfe et la Jordanie, pourrait conduire au risque d'une confrontation, même indirecte, avec le régime iranien, ce que le Maroc veut éviter, surtout qu'il s'était laissé entraîner dans le conflit yéménite, sous commandement saoudien, et qu'il ne saurait être question pour le Maroc de se trouver sur plusieurs théâtres d'opérations (Yémen, Daech) 5/ L'Arabie Saoudite mène une guerre contre le chiisme et veut se poser et s'imposer comme le chef de file du sunnisme mondial. Le Maroc n'est pas dans cette logique, étant fort de son application propre de la religion, un islam sunnite de rite malékite, mais modéré et tolérant. Il existe aussi une forte communauté chiite au Maroc, qui n'entretient pas de relations conflictuelles avec les autorités religieuses centrales. Se lancer dans une guerre contre le chiisme pourrait mettre à mal cet équilibre confessionnel au Maroc. On pourrait cependant s'attendre à une irritation, puis à une réaction, des al-Saoud contre le Maroc pour ne pas avoir affiché un soutien clair et explicite. L'Arabie Saoudite est un allié du Maroc dans son conflit contre l'Algérie et elle aussi un pourvoyeur de fonds pour l'économie marocaine. Mais ce rôle s'est atténué suite à l'effondrement des cours du pétrole mondial et à la rentrée des Saoudiens dans le club – très large – des pays à définit budgétaire, financé par l'emprunt.