Depuis ce lundi, une réglementation controversée est entrée en vigueur en Espagne, obligeant les acteurs du tourisme et d'autres secteurs à collecter et transmettre des données personnelles sensibles sur leurs clients. Cette mesure, qui touche à la fois les citoyens espagnols, les touristes étrangers et les communautés établies en Espagne, dont la communauté marocaine estimée à 893 953 personnes selon l'Institut national espagnol de la statistique, provoque une vive polémique. Sous prétexte de renforcer la sécurité nationale face aux menaces terroristes et aux crimes organisés, le ministère espagnol de l'Intérieur exige désormais des hôtels, campings, agences de location de voitures et parcs de bungalows qu'ils collectent des informations telles que les coordonnées bancaires, les numéros de téléphone et les détails des passeports de leurs clients, même pour une seule nuitée. Les contrevenants s'exposent à des amendes pouvant atteindre 30 000 euros. Dans un communiqué officiel, le ministère a justifié cette décision en évoquant « l'intérêt public pour la sécurité des citoyens », arguant que ces données pourraient jouer un rôle crucial dans la lutte contre les crimes graves. Cependant, cette mesure soulève d'importantes préoccupations liées à la confidentialité des données et aux modalités de leur traitement. Les professionnels du tourisme, secteur vital pour l'économie espagnole qui accueille annuellement environ 85 millions de visiteurs, tirent la sonnette d'alarme. Selon des acteurs majeurs du domaine, l'ampleur des informations exigées et le flou entourant leur gestion mettent en péril la viabilité de certaines entreprises. « Ces nouvelles exigences nous plongent dans l'incertitude. Nous craignons que la collecte et le traitement de ces données, en plus de leur stockage sécurisé, ne dépassent nos capacités logistiques et financières », déclare un représentant du voyagiste TUI. Lire aussi : Tourisme interne, levier de développement économique, social et territorial Le secteur dénonce également le caractère précipité de l'entrée en vigueur de cette mesure, initialement prévue pour le 1er octobre mais reportée au 2 décembre pour permettre une adaptation. Toutefois, beaucoup affirment que ce délai n'a pas suffi à lever les ambiguïtés. Une menace pour le tourisme et les droits des étrangers Outre les inquiétudes économiques, cette réglementation soulève des interrogations sur les répercussions pour les étrangers vivant en Espagne, notamment la communauté marocaine, première communauté étrangère du pays. Cette dernière exprime des craintes quant à un possible renforcement des contrôles discriminatoires et une atteinte aux libertés fondamentales. Pour Fatima, une Marocaine résidant à Barcelone, « ces règles ressemblent à une surveillance généralisée. Nous ne savons pas comment nos données seront utilisées ni si elles pourraient servir à d'autres fins, comme des procédures administratives injustes ou des restrictions supplémentaires. » Du côté des touristes, l'obligation de divulguer des informations bancaires sensibles pour une simple réservation suscite des réticences, certaines associations de consommateurs dénonçant un potentiel « fichage abusif ». Le gouvernement espagnol, tout en insistant sur le bien-fondé de ces mesures pour prévenir des actes criminels, doit désormais faire face à une fronde croissante. Associations de protection des données, militants des droits de l'homme et professionnels du tourisme appellent à un réexamen de la réglementation. Alors que le pays se targue d'être l'une des destinations les plus prisées au monde, cette controverse pourrait ternir son image. Certains voyagistes étrangers envisagent déjà de réorienter leurs offres vers des destinations concurrentes. Les Marocains établis en Espagne, souvent confrontés à des défis administratifs, redoutent que cette nouvelle législation vienne alourdir les procédures et exacerber leur sentiment de marginalisation.