Moins de 40 jours après sa nomination à la tête du gouvernement britannique, le sol se dérobe déjà sous les pieds de Liz Truss, qui a été contrainte à une nouvelle volte-face sur sesp plans économiques. Dans une tentative »désespérée » de regagner la confiance des marchés financiers, ébranlés depuis le mini-budget annoncé fin septembre, la Première ministre a remercié son ministre des Finances, Kwasi Kwarteng, tout en abandonnant son projet visant à réduire l'impôt sur les sociétés en avril prochain. Ce revirement de position a été qualifié d' »humiliant » par la presse locale, qui a remis en question la crédibilité de Liz Truss. En effet, la cheffe du parti conservateur a essuyé plusieurs revers en un temps record, d'autant que les premières semaines de son mandat étaient marquées par une période de deuil national. Après avoir longtemps appuyé son chancelier de l'Echiquier et ami face aux critiques incessantes provoquées par son « mini-budget » controversé, elle a fini par céder à la pression, en le sacrifiant sur l'autel de la « stabilité ». Au moment où les plans de M. Kwarteng ont engendré un désastre tant politique qu'économique, avec la livre sterling qui a plongé à un plus bas historique au lendemain de ses annonces, Mme Truss a justifié sa décision par sa volonté d'assurer « la stabilité économique du pays ». Afin de « rassurer les marchés » sur la discipline fiscale du gouvernement, elle a donc renoncé à son plan de supprimer l'augmentation de l'impôt sur les sociétés de 19 à 25%, prévue par le gouvernement Johnson. La semaine précédente, elle avait déjà abandonné son projet de réduire les impôts pour la tranche la plus nantie de la société. De plus, la Banque d'Angleterre avait dû intervenir en urgence sur le marché obligataire pour contrer un « risque important pour la stabilité financière du Royaume-Uni », provoqué par les annonces fiscales de son exécutif. Mais bien que l'effondrement des marchés soit imputé à Kwarteng, désormais deuxième ministre des Finances ayant servi le moins longtemps à Whitehall, les réductions d'impôts étaient bien la politique de Truss et ont figuré en bonne place dans sa campagne pour la direction du parti Tory. En effet, celle qui s'est souvent identifiée à Margareth Thatcher avait été élue par les membres du parti conservateur début septembre, après une campagne très à droite, promettant des baisses importantes d'impôts pour relancer la croissance. Une donne que l'opposition travailliste, ragaillardie par des sondages très favorables, n'a pas manqué de rappeler. Alors que l'institut de sondage YouGov annonce une avance de 33 points du Labour, son leader, Keir Starmer, a souligné que le licenciement de Kwasi Kwarteng « ne répare pas les dégâts causés à Downing Street ». L'approche « irréfléchie » de Liz Truss a fait s'effondrer l'économie, provoquant la montée en flèche des prêts immobiliers, a-t-il rappelé, soulignant qu'elle a également « sapé » la position de la Grande-Bretagne sur la scène mondiale. La Première ministre écossaise et leader du parti nationaliste, Nicola Sturgeon, a aussi eu des mots durs à l'égard de Truss, estimant que « la meilleure chose qu'elle puisse faire maintenant pour la stabilité économique est de démissionner ». « Ses décisions ont fait s'effondrer l'économie et ont plongé dans la misère des gens, qui luttent déjà contre la crise du coût de la vie », a-t-elle déploré, appelant les députés conservateurs à « mettre fin à son gouvernement et à organiser des élections ». Et ce sont justement les discordes internes qui sont susceptibles de stopper net les ambitions de Liz Truss. Tout au long des dernières semaines, plusieurs conservateurs influents ont ouvertement et publiquement exprimé leurs désaccords avec leur leader, dont l'autorité sur le parti a déjà été questionnée lors de la conférence des tories, où plusieurs voix dissidentes se sont élevées contre elle. Des shortlists attribuées aux membres de son parti et comprenant les noms de ses successeurs potentiels circulaient déjà sur les colonnes de la presse anglaise depuis jeudi. Bien qu'elle se dise « absolument déterminée » à poursuivre sa politique de soutien à la croissance, sa position est fragilisée par des sondages catastrophiques à deux ans des élections législatives, que les travaillistes appellent désormais à organiser de manière anticipée. Avant de limoger M. Kwarteng, 59% des Britanniques pensaient déjà que Liz Truss devrait démissionner, d'après une enquête YouGov. Elle est, pour le moment du moins, toujours à la tête du gouvernement, mais, d'aucuns estiment que la question est de savoir si elle est toujours au pouvoir! Avec MAP