Les Assemblées annuelles du Groupe de la Banque mondiale et du Fonds monétaire internationales (FMI) ont débuté lundi à Washington, dans une conjoncture financière bien particulière. Le monde est aux prises avec une inflation galopante, la hausse du coût de la vie, l'augmentation des prix des produits alimentaires et la montée de l'extrême pauvreté. Alors que persiste l'impact de la pandémie du COVID-19, qui a fortement pénalisé l'économie mondiale, perturbé les chaînes d'approvisionnement, augmenté les taux de pauvreté et accentué les disparités, la guerre entre la Russie et l'Ukraine a compromis la reprise économique et engendré une hausse vertigineuse des produits alimentaires. Dans son rapport annuel publié il y a quelques jours, le FMI fait état de perspectives économiques « fortement assombries » par ce conflit armé. La mise au point de vaccins et un soutien monétaire, budgétaire et financier sans précédent, y compris l'allocation générale de droits de tirage spéciaux (DTS) effectuée par le FMI pour environ 650 milliards de dollars, ont rendu possible une reprise mondiale, note l'institution basée à Washington, ajoutant toutefois que « l'invasion de l'Ukraine par la Russie l'a compromise et a fortement assombri les perspectives de l'économie mondiale. » Par conséquent, les risques économiques se sont fortement accrus, relève l'institution financière, notant que les tensions géopolitiques et sociales se sont intensifiées, parallèlement à l'augmentation de la pauvreté et au creusement des inégalités. D'après le rapport, l'inflation s'est accélérée dans de nombreux pays, sous l'effet conjugué de la flambée des cours de l'énergie, des denrées alimentaires et des produits de base, des pénuries de main-d'œuvre et des ruptures d'approvisionnement, tandis que la dette publique et la dette privée ont atteint de nouveaux sommets. Le constat du FMI est on ne peut plus clair: « l'inflation devrait se maintenir plus longtemps à un niveau élevé ». S'agissant de la question de la pauvreté, la Banque Mondiale prévient, de son côté, que la réduction de l'extrême pauvreté dans le monde est « au point mort », relevant, dans une nouvelle étude, que d'ici à l'an 2030, près de 600 millions de personnes devront vivre avec moins de 2,15 dollars par jour, particulièrement en Afrique subsaharienne. L'objectif d'élimination de l'extrême pauvreté dans le monde a peu de chances d'être atteint d'ici à 2030 en l'absence de taux de croissance record pendant le reste de cette décennie. L'étude montre que la pandémie de COVID-19 a infligé le plus grand revers à l'action menée depuis 1990 pour faire reculer la pauvreté dans le monde et que la guerre en Ukraine menace d'aggraver la situation. Il en ressort aussi que la pandémie a fait basculer près de 70 millions de personnes dans l'extrême pauvreté en 2020, soit la plus forte augmentation en un an depuis 1990 et le début du suivi des chiffres de la pauvreté dans le monde. Cela signifie que 719 millions de personnes vivaient avec moins de 2,15 dollars par jour à la fin de 2020. En plus d'une inflation galopante et d'une lutte contre la pauvreté au point mort, s'ajoute le risque d'une récession, un scénario cauchemardesque s'il venait à se réaliser avec son lot de conséquences politiques, économiques et sociales. Les risques de récession économique augmentent, a prévenu la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, inquiète d'un monde aujourd'hui « plus fragile avec une plus grande incertitude ». « Nous vivons un changement fondamental dans l'économie mondiale: d'un monde de relative prévisibilité, avec une coopération économique internationale, de faibles taux d'intérêt et une faible inflation, à un monde plus fragile avec une plus grande incertitude, une volatilité économique plus élevée, des confrontations géopolitiques et des catastrophes climatiques fréquentes et dévastatrices », a mis en garde Georgieva lors d'une intervention à l'Université de Georgetown à Washington. Tenues du 10 au 16 octobre, les assemblées FMI-BM offrent une plateforme permettant aux décideurs politiques, gouverneurs des banques centrales, experts financiers, économistes, parlementaires et ONG de débattre d'un large éventail de questions urgentes allant de la croissance inclusive et l'alimentation à l'énergie et l'éducation, entre autres. De l'avis de plusieurs experts et analystes, ces réunions sont une occasion pour les décideurs d'engager une discussion profonde et franche sur les moyens à mettre en œuvre pour empêcher que l'inflation s'ancre dans l'économie mondiale, prévenir la récession et tenter de rétablir les bases de l'économie mondiale d'avant la pandémie. Le coup d'envoi de ce rendez-vous a commencé par une conversation entre la directrice générale du FMI et le président du Groupe de la Banque mondiale sur les enjeux mondiaux en cours. Cette conversation tenue sous le signe « Affronter de multiples crises dans un environnement volatil » a servi d'avant-goût aux nombreux débats qui se tiendront tout au long de la semaine dans le cadre de ces assemblées, avec notamment les réunions du Comité du développement et du Comité monétaire et financier international. Ces deux organes donnent aux Conseils des gouverneurs des avis et recommandations sur les grands dossiers mondiaux, dont la conjoncture économique mondiale, la lutte contre la pauvreté, le développement économique et l'efficacité de l'aide. Selon les experts, les pays devront faire des choix stratégiques de plus en plus difficiles pour faire face à la montée de l'inflation, à l'aggravation des risques macro-financiers et au ralentissement de la croissance et les assemblées de Washington seront l'occasion de débattre d'une manière collective des moyens de réaliser ces objectifs. Avec MAP