L'année 2019 en Autriche a été marquée par l'affaire « Ibiza Gate » qui a secoué la coalition droite-extrême droite et changé l'équilibre des forces politiques dans le pays. Une vidéo datant de juillet 2017 et publiée le 17 mai dernier par le quotidien allemand « Der Spiegel » montre l'ancien chef du Parti de la Liberté d'Autriche (FPO) et ancien vice-chancelier, Heinz-Chrsitian Strache, aux côtés de Johann Gudenus membre du parti, sur l'île espagnole d'Ibiza, proposant à une femme d'affaires russe des marchés publics en contrepartie d'un financement aux élections législatives de la même année. M. Strache a annoncé sa démission du poste de vice-chancelier au lendemain de la publication de la vidéo, suivi par M. Gudenus qui a démissionné de toutes ses fonctions politiques, avant que l'ancien chancelier et chef du Parti populaire autrichien (OVP), Sebastian Kurz, annonce la fin de la coalition au pouvoir avec le FPO après 18 mois et que le président autrichien, Alexander Van der Bellen, appelle à des législatives anticipées en septembre. Lorsque le chef de l'Etat autrichien a accepté la démission du gouvernement de M. Kurz, il a chargé le 30 mai la juge à la Cour constitutionnelle, Brigitte Bierlein, de former un gouvernement intérimaire qui a pour mission de diriger le pays jusqu'à la formation d'un gouvernement issu des législatives du 29 septembre. L'impact de ce scandale politique sans précédent dans l'histoire de l'Autriche ne s'est pas limité au limogeage du gouvernement Kurz et à la tenue de législatives anticipées, mais il a changé radicalement les paramètres de la carte politique en Autriche, en permettant la montée en puissance de nouveaux partis politiques et la chute d'autres, annonçant le début d'une nouvelle ère politique dans le pays. Une analyse du think-tank autrichien « Agenda de l'Istrie » souligne que l'affaire d'Ibiza n'a été que la goutte qui a fait déborder le vase de la coalition au pouvoir, révélant l'existence de nombreux conflits entre les deux formations politiques et leurs leaders, issus pourtant de la droite, et en premier lieu le conflit ouvert entre l'ancien ministre de l'Intérieur et membre du FPO, Herbert Kickl, et l'ancien chancelier et chef de l'OVP, Sebastian Kurz. Pour dissimuler ces désaccords, la coalition gouvernementale avait alors adopté des politiques controversées dans le domaine de l'immigration, l'asile, l'octroi de la nationalité et les services sociaux, et pris des démarches visant à éviter l'adhésion de l'Autriche à la plupart des initiatives internationales dans le domaine de la protection de l'environnement, note le think-tank. L'analyse souligne que les résultats du scrutin législatif du 29 septembre dernier, qui ont marqué la victoire de l'OVP, ont montré que le changement du choix politique des Autrichiens des partis de la droite est dû surtout à l'appréciation par les électeurs des programmes électoraux des formations politiques, notamment dans les domaines des affaires sociales, l'immigration, l'asile et la protection de l'environnement. Le chef de l'OVP fait ainsi la course contre la montre depuis que le président autrichien l'a chargé, le 10 octobre dernier, de former une nouvelle coalition gouvernementale, pour persuader le parti écologique « Alternative verte » d'intégrer cette coalition, en tentant notamment de dissiper les divergences entre leurs programmes politiques respectifs. Après les retraits successifs des partis Social-Démocrate d'Autriche (SPO), du FPO et de l'alliance NEOS des consultations pour la formation d'un gouvernement, Sebastian kurz s'est vu obligé de négocier avec le parti écologique qui a révolutionné la méthode des consultations en exigeant la nomination de groupes d'experts afin d'examiner les questions principales des négociations avant d'entamer les pourparlers pour la formation d'un gouvernement. En plus de la différence de référentiel, les échos de consultations indiquent que les deux formations politiques peinent à se mettre d'accord sur la répartition des portefeuilles ministériels, notamment ceux de l'intégration, l'éducation, l'environnement, les affaire sociales et les Affaires étrangères, proposant que des indépendants puissent intégrer l'Exécutif. L'ancien chancelier, figure politique la plus populaire du pays, n'a désormais plus de choix que de négocier avec le parti écologique, face à l'éclatement du « FPO » et à la crise interne que vit le parti « SPO », les deux plus grands perdants du scrutin législatif. L'échec des négociations actuelles pour la formation d'un gouvernement constitue une menace qui conduirait à organiser de nouvelles législatives ou former un gouvernement minoritaire qui aura de grandes difficultés à adopter des lois à l'Assemblée fédéral, de même qu'il affectera le fonctionnement normal du processus politique démocratique dans le pays. Si les motifs et le timing de la fuite de la vidéo d' »Ibiza » deux ans après avoir été enregistrée, à quelques jours des élections au Parlement européen, sont inconnus jusqu'à présent, ses effets sont clairs sur le monde politique en Autriche, en attendant les résultats des négociations pour la formation d'un gouvernement.