Le discours royal du 9 mars dernier vient consolider le système constitutionnel national et promouvoir la justice sociale, a souligné, mercredi à Fès, M. Abdelhak Lamrini, historiographe du Royaume. "Le discours royal du 9 mars dernier vient consolider les acquis, redresser les dysfonctionnements, promouvoir la justice sociale et consolider le système constitutionnel national, qui préserve les constantes historiques de la nation", a dit M. Lamrini, lors d'une conférence sur "le discours du 9 mars : contenu et perspectives". Dans son intervention intitulée "aperçu historique sur les projets constitutionnels marocains avant l'ère du protectorat", l'intervenant a noté que "les premières initiatives réformistes, qu'on peut appeler +réformes constitutionnelles+, datent bel et bien de l'avant protectorat". Citant des documents de réformes politiques, économiques et sociales proposées lors des règnes des Sultans Moulay Abdelaziz et Moulay Abdelhfid, M. Lamrini a indiqué que ces documents "avaient notamment en commun l'instauration de la sécurité interne, la défense du pays contre les convoitises étrangères, le choix de personnes compétentes pour assurer la gestion des affaires du pays et l'application de règles de non-discrimination entre citoyens". Mais la constitution de 1908 reste, selon lui, le véritable document de réforme digne de ce nom, dans la mesure où il constitue un saut qualitatif dans un processus de réflexion constitutionnelle, basé sur le système monarchique, la commanderie des croyants, l'islam et la liberté des croyances. Dans une approche basée sur la primauté des droits humains, M. Mohamed Sebbar, secrétaire général du conseil national des droits de l'homme, a souligné que toute réforme constitutionnelle doit se baser sur des questions cruciales liées à la liberté, l'égalité, le respect des règles juridiques, la mobilisation contre toute forme d'exclusion et la citoyenneté agissante. "Dans un Maroc qui a eu l'audace de se réconcilier avec son passé, la nouvelle version de la constitution doit garantir la non-répétition des exactions commises lors d'une étape de son histoire", a-t-il dit. La nouvelle constitution doit être issue, selon lui, des valeurs et principes de la démocratie et des droits de l'homme, de la souveraineté du peuple, de la supériorité des conventions internationales et de la diversité identitaire des Marocains. "Nous aspirons à une constitution qui lie la responsabilité à la reddition des comptes, qui garantit l'équilibre des pouvoirs, qui incrimine les crimes de torture et de disparition forcée, qui assure l'indépendance de la justice et qui met tous ses articles au même pied d'égalité", a poursuivi M. Sebbar. M. Ahmed Boukous, Recteur de l'institut royal de la culture amazighe a proposé, quant à lui, une approche analytique de la question identitaire, par la constitutionnalisation des langues et des cultures nationales. Rappelant que la promotion de la diversité culturelle puise ses références aussi bien dans les traités internationaux que de sources nationales, comme le rapport de l'instance équité et réconciliation et le plan national pour la démocratie et les droits de l'homme, M. Boukous a noté que la constitutionnalisation de l'Amazigh constituera une reconnaissance par l'Etat et la Nation des composantes constitutives de l'identité nationale. Cette reconnaissance ouvre, selon lui, la voie devant l'instauration de mécanismes de protection juridique de la diversité culturelle, qui est le socle d'une identité marocaine enracinée dans l'histoire nationale et ouverte sur le monde. Il a plaidé pour la mise en place d'une politique culturelle et linguistique, de nature à permettre la maitrise des relations entre les composantes de l'identité nationale, sur la base de la coexistence, de la tolérance et de la solidarité. M. Boukous a appelé, dans ce sens, à réguler les fonctions des langues arabe et amazighe, tout en veillant à leur mise à niveau structurelle, conceptuelle, technique et vocabulaire. Pour sa part, Mustapha Khalfi, directeur de publication du journal Attajdid, a estimé que "le Maroc se trouve devant une opportunité historique pour reprendre un processus de développement constitutionnel, déclenché avant l'ère du protectorat". "Il s'agit aujourd'hui de renforcer cette capacité d'anticipation des changements démocratiques, qu'a eue la monarchie au Maroc, en se réconciliant avec cette sorte de confusion dans le paysage politique national", a estimé M. Khalfi. Passant en revue quelques exemples de systèmes monarchiques dans le monde, le chercheur a souligné que "ce sont les particularités de chaque pays et l'évolution politique de sa société qui dessinent la nature de sa monarchie". Au Maroc, c'est la fonction d'arbitrage du pouvoir central qui a donné à l'Etat toute sa force et sa stabilité, a-t-il tenu à relever. La réforme de la justice, un autre sujet de grande importance dans le projet de réforme constitutionnelle, a été soulevée par l'universitaire et juriste, M. Alami Mchichi, qui a insisté sur le contenu du discours royal dans son aspect relatif à l'élévation de la Justice au rang de pouvoir indépendant. Il a critiqué, dans ce sens, le fossé qui existe entre le principe d'indépendance de la justice dans la constitution actuelle, d'une part, et de toutes ces formes de subordination de la justice au pouvoir exécutif, représenté par les attributions du ministre de la justice, de l'autre. M. Alami a mis le doigt, à cet effet, sur les points d'interdépendance entre les magistrats et les autorités des départements de la justice et de l'intérieur, qu'il convient de régler, en vue d'assurer une réelle indépendance de la justice. Il s'agit aussi, pour lui, de la nécessité de mettre sur pied un programme complet de préparation et suivi psychologique, scientifique et citoyen du magistrat, en sa qualité de porte-parole de la loi. Les travaux de cette conférence, initiée par l'Université Sidi Mohammed Ben Abdellah, devront être adressés à la commission chargée de la réforme de la constitution.